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03/02/2022 | FRANCE | N°20NC01882

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 février 2022, 20NC01882


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 mars 2019 par laquelle le maire d'Epernay a prolongé, pour une durée de trois mois, son mi-temps thérapeutique, à compter du 11 mars 2019, en tant qu'il précise en son article 2 que " Le montant des primes et indemnités sera calculé au prorata de la durée effective de service ".

Par un jugement n° 1901233 du 23 mars 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejet

cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 mars 2019 par laquelle le maire d'Epernay a prolongé, pour une durée de trois mois, son mi-temps thérapeutique, à compter du 11 mars 2019, en tant qu'il précise en son article 2 que " Le montant des primes et indemnités sera calculé au prorata de la durée effective de service ".

Par un jugement n° 1901233 du 23 mars 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2020, Mme A..., représentée par Me Sammut, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision attaquée ;

3°) d'enjoindre au maire d'Epernay de la rétablir au bénéfice de l'intégralité de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise calculée sur la base d'un temps complet de service et ce depuis le mois février 2019 inclus, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Epernay une somme de 1 800 euros au titre des frais exposés en première instance et de 1 800 euros au titre des frais exposés en appel, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise, créée par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014, constitue un complément de rémunération indépendant des modalités d'accomplissement du service, si cette indemnité est modulée au prorata de la quotité de service, notamment en cas de mi-temps thérapeutique, mais il en va différemment dans le cas où ce mi-temps thérapeutique est consécutif à un accident imputable au service ; dans un tel cas, la circulaire du 15 mai 2018, article 5.1, prescrit que l'agent est rémunéré dans les conditions prévue pour le congé de maladie imputable au service et non en fonction des droits liés à son temps partiel thérapeutique ; ce faisant la circulaire ne fait qu'appliquer le principe général du droit selon lequel en matière d'affections imputables au service l'agent a droit au maintien intégral de sa rémunération y compris les éléments accessoires tels que les primes.

Par un mémoire enregistré le 15 septembre 2020, la commune d'Epernay, représentée par Me Nourdin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge Mme A... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., adjoint administratif principal de 1ère classe de la commune d'Epernay, exerce les fonctions d'agent d'accueil et administratif en poste partagé entre la médiathèque et la direction de la cohésion sociale. Le 11 avril 2018, elle a été victime d'un accident, qui a été reconnu imputable au service par un arrêté du 23 mai 2018, nécessitant son placement en arrêt maladie jusqu'au 10 septembre 2018. A compter du 11 septembre 2018, elle a repris ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, d'abord du 11 septembre au 10 décembre 2018, puis du 11 décembre 2018 au 10 mars 2019. Par un arrêté du 26 mars 2019, le maire d'Epernay a renouvelé ce mi-temps thérapeutique à compter du 11 mars 2019, pour une durée de trois mois et a indiqué, en son article 2, que si elle percevra, pendant cette période, l'intégralité de son traitement et du supplément familial de traitement, en revanche, le montant des primes et indemnités sera calculé au prorata de la durée effective de service. Mme A... relève appel du jugement du 23 mars 2020 par lequel le tribunal de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 2 de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision attaquée :

2. Aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l'Etat ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes ".

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article 57 de la 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit:/ 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...)./Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / (...) 4° bis. Après un congé de maladie, un congé de longue maladie ou un congé de longue durée, les fonctionnaires peuvent être autorisés à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique, accordé pour une période de trois mois renouvelable dans la limite d'un an pour une même affection. Après un congé pour accident de service ou maladie contractée dans l'exercice des fonctions, le travail à temps partiel thérapeutique peut être accordé pour une période d'une durée maximale de six mois renouvelable une fois. La demande d'autorisation de travailler à temps partiel pour raison thérapeutique est présentée par le fonctionnaire accompagnée d'un certificat médical établi par son médecin traitant. Elle est accordée après avis favorable concordant du médecin agréé par l'administration. Lorsque les avis du médecin traitant et du médecin agréé ne sont pas concordants, le comité médical compétent ou la commission de réforme compétente est saisi. Le temps partiel thérapeutique peut être accordé : - soit parce que la reprise des fonctions à temps partiel est reconnue comme étant de nature à favoriser l'amélioration de l'état de santé de l'intéressé ; - soit parce que l'intéressé doit faire l'objet d'une rééducation ou d'une réadaptation professionnelle pour retrouver un emploi compatible avec son état de santé. Les fonctionnaires autorisés à travailler à temps partiel pour raison thérapeutique perçoivent l'intégralité de leur traitement ".

4. Aux termes de l'article 4 du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat (RIFSEEP) : " Les fonctionnaires mentionnés à l'article 1er peuvent bénéficier d'un complément indemnitaire annuel qui tient compte de l'engagement professionnel et de la manière de servir, appréciée dans les conditions fixées en application de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / Il est compris entre 0 et 100 % d'un montant maximal par groupe de fonctions fixé par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Le complément indemnitaire fait l'objet d'un versement annuel, en une ou deux fractions, non reconductible automatiquement d'une année sur l'autre ". Et aux termes de son article 5 : " L'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et le complément indemnitaire annuel sont exclusifs de toutes autres primes et indemnités liées aux fonctions et à la manière de servir, à l'exception de celles énumérées par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'un fonctionnaire territorial autorisé à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique peut prétendre au maintien de son traitement à taux plein. En revanche, aucune disposition législative ou réglementaire ne lui permet de prétendre au maintien de son régime indemnitaire à taux plein si celui-ci est lié à l'exercice effectif des fonctions. Il ne résulte pas des dispositions précitées du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ni des délibérations du conseil municipal d'Epernay des 13 décembre 2016 et 18 décembre 2017 que les indemnités servies au titre du RIFSEEP, dont l'indemnité de fonctions, sujétions et expertise, aient un caractère forfaitaire. Contrairement en outre à ce que soutient la requérante, les dispositions ci-dessus reproduites de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, prévoyant le maintien du plein traitement du fonctionnaire placé en congé de maladie imputable au service, n'impliquent pas non plus le maintien des indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions. Par suite, sans qu'y fasse ainsi obstacle la circonstance que le temps partiel thérapeutique dont bénéficie Mme A... soit consécutif à un accident reconnu imputable au service, c'est à bon droit que le maire d'Epernay, en l'absence de délibération plus favorable de l'organe délibérant de la commune, a considéré que l'IFSE était liée à l'exercice effectif des fonctions et décidé que " Le montant des primes et indemnités sera calculé au prorata de la durée effective de service ".

6. Si Mme A... entend invoquer les termes de la circulaire du 15 mai 2018 relative au temps partiel pour raison thérapeutique dans la fonction publique selon lesquels "Lorsqu'il est placé en congé pour raison de santé ou pour invalidité temporaire imputable au

service le fonctionnaire est rémunéré dans les conditions prévues pour ce congé et non en

fonction des droits liés à son temps partiel thérapeutique ", un tel passage, précisé notamment par sa notice explicative, ne contient pas une interprétation différente des textes applicables de celle dont il vient d'être fait application ci-dessus.

7. Enfin, contrairement à ce que prétend la requérante, il n'existe pas de principe général du droit selon lequel un agent public placé en congé de maladie puis en temps partiel thérapeutique à la suite d'un accident ou d'une affection imputable au service conserverait les indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions. Un tel principe ne pourrait, en tout état de cause, faire obstacle aux dispositions de nature législative dont il a été fait application ci-dessus.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que la commune d'Epernay demande au titre des frais qu'elle a exposés dans la présente instance. Par ailleurs, dès lors que les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de Mme A... sont rejetées ainsi qu'il résulte du point 8 ci-dessus, il y a lieu de rejeter par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Epernay et celles de Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune d'Epernay.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Lambing, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.

Le rapporteur,

Signé : M. AGNELLe président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

N°20NC01882 2

N° 20NC01882

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01882
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SELARL FOSSIER NOURDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-02-03;20nc01882 ?
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