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20/01/2022 | FRANCE | N°20NC00593

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 20 janvier 2022, 20NC00593


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2018 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a abrogé son autorisation provisoire de séjour, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code

de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2018 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a abrogé son autorisation provisoire de séjour, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1803086 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00593 le 8 mars 2020, M. C..., représenté par Me Grosset, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 11 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2018 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a abrogé son autorisation provisoire de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet l991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le signataire de l'arrêté du préfet n'avait pas reçu délégation afin de signer les décisions portant refus de titre de séjour ;

- la décision du préfet est insuffisamment motivée ;

- il n'a pas pu formuler d'observations sur la situation de santé de son épouse, en méconnaissance de son droit d'être entendu, qui est au nombre des droits fondamentaux reconnus par le droit de l'Union européenne ;

- le préfet n'a pas tenu compte des éléments relatifs à sa situation ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation de sa situation ;

- l'état de santé de son épouse nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité de sorte que la décision du préfet a pour effet de le séparer de son épouse ;

- la décision du préfet méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en estimant qu'aucun motif humanitaire et exceptionnel ne pouvait être retenu, le préfet s'est estimé à tort en compétence liée ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision en date du 15 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant arménien, est entré en France, selon ses déclarations, le 1er octobre 2012 accompagné de son épouse et de leurs enfants. A... demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 novembre 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 25 juin 2014. Il a bénéficié, à compter du 20 janvier 2016, d'une autorisation provisoire de séjour pour lui permettre de rester auprès de son épouse, bénéficiaire d'une carte de séjour temporaire pour raisons de santé. Le 22 mars 2018, il a sollicité du préfet de Meurthe-et-Moselle la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 18 octobre 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté cette demande. M. C... relève appel du jugement du 11 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 18 octobre 2018 :

2. En premier lieu, M. C... reprend en appel, sans les assortir d'aucun élément nouveau, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 18 octobre 2018, du défaut de motivation entachant cet arrêté, de la méconnaissance de son droit d'être entendu protégé par le droit de l'Union européenne et de ce que le préfet n'aurait pas tenu compte de tous les éléments relatifs à sa vie privée et familiale. Il a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, M. C... soutient qu'en estimant qu'aucun motif humanitaire et exceptionnel ne pouvait être retenu, le préfet se serait estimé à tort en compétence liée. Toutefois, il n'indique pas sur quels points, ni à l'égard de quelle circonstance le préfet se serait estimé en compétence liée. Dès lors, il n'assortit pas son moyen des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

4. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France en 2012, à l'âge de 39 ans, en compagnie de son épouse et de leurs enfants. B..., à la date de l'arrêté contesté, son épouse avait demandé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire pour raisons de santé, il est constant que cette demande n'avait pas, à cette date, fait l'objet d'une suite favorable et que, la durée de validité de la carte de séjour de son épouse ayant expiré, celle-ci n'était admise à se maintenir sur le territoire français que sous couvert de son récépissé de demande de titre de séjour. Le refus de titre de séjour opposé à M. C..., qui ne faisait pas obstacle à ce qu'il continue à bénéficier lui-même d'une autorisation provisoire de séjour pendant le temps d'instruction de la demande de renouvellement de titre de son épouse, n'avait pas en lui-même pour effet de séparer les époux. Les deux fils majeurs du couple faisaient par ailleurs l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, dont l'une avait déjà reçu exécution. Si M. C... soutient que l'état de santé de son épouse, atteinte d'un cancer, impliquait des soins dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle recevait ces soins en France, il ressort des documents médicaux qu'il produit que son épouse a fait l'objet, en 2013, d'un curage ganglionnaire et d'une radiothérapie en vue du traitement d'un mélanome pour lequel aucune récidive n'a été mise en lumière, sans qu'il soit établi, par ailleurs, que l'intéressée ne pourrait pas bénéficier des soins éventuellement nécessaires dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, eu égard à la durée et au conditions du séjour en France de l'intéressé, et malgré l'emploi qu'il avait exercé au sein de l'Association intermédiaire du Pays-Haut sous couvert de son autorisation provisoire de séjour, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été décidé. Par suite, il ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est entaché d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale du requérant.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C....

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 20NC00593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00593
Date de la décision : 20/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-01-20;20nc00593 ?
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