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31/12/2021 | FRANCE | N°19NC02600

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 19NC02600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 31 mars 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé sa mutation sur un poste à l'Ambassade de France à Washington et la décision implicite portant rejet du recours gracieux réceptionné le 5 mai 2017 et de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 347 040 euros en réparation de ses pertes de traitement, 100 000 euros en réparation de ses pertes financières en matière de retraite et 30 000 euros en réparation des

troubles de toute nature qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n°17021...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 31 mars 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé sa mutation sur un poste à l'Ambassade de France à Washington et la décision implicite portant rejet du recours gracieux réceptionné le 5 mai 2017 et de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 347 040 euros en réparation de ses pertes de traitement, 100 000 euros en réparation de ses pertes financières en matière de retraite et 30 000 euros en réparation des troubles de toute nature qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n°1702167 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Nancy a partiellement fait droit à la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2019, M. B... A..., représenté par Me Maetz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne fait pas entièrement droit à ses demandes ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de transmettre tous les procès-verbaux de la division de la cohérence capacitaire (dite COCA) se rapportant à la mutation et au refus de sa mutation et à la nomination de son remplaçant ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 347 040 euros au titre des pertes de traitement, 100 000 euros au titre des pertes financières en matière de retraite et de 30 000 euros au titre des troubles de toute nature subis ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du Code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de mutation attaquée est illégale dès lors qu'elle procède au retrait de sa nomination sur le poste à Washington ;

- le droit à un procès équitable prévu à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne serait pas garanti si l'administration refusait de produire, sur injonction de la cour, les deux procès-verbaux de la COCA (division de la cohérence capacitaire) dans lesquels avait été retenue sa candidature ;

- l'administration a commis un vice de procédure en ne ressaisissant pas la COCA du refus de mutation le concernant ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la période pendant laquelle l'administration lui a donné de fausses assurances sur des perspectives de mutation à Washington n'avait duré qu'entre le 14 et le 28 février 2017, alors qu'en réalité sa candidature était acceptée depuis décembre 2016 ; le courrier du 14 février 2017 indique bien qu'il s'agit d'entériner sa mutation, ce qui confirme qu'une décision avait déjà été prise ; il lui a été demandé dès 2016 de prendre ses dispositions pour organiser sa mutation et des simulations de salaire lui ont été adressées ; surtout, il avait accès aux codes secret défense, ce qui confirme que sa prise de poste était actée ;

- l'administration a commis une faute en ne respectant pas les assurances qu'elle lui avait données d'obtenir le poste à Washington notamment en lui transmettant une simulation de son salaire sur ce poste et des formulaires portant demande d'affiliation au centre de sécurité sociale 533 ;

- il a subi plusieurs préjudices résultant du refus de mutation dont il demande réparation : le versement de l'ensemble des rémunérations auxquelles il avait droit en application de sa promesse de mutation à Washington jusqu'à son départ à la retraite, soit 347 040 euros ; 100 000 euros au titre de la perte financière concernant ses droits à retraite ; l'indemnisation à hauteur de 30 000 euros des préjudices matériel et moral résultant de son projet de rénovation et de location de son appartement pour lequel il avait fait un prêt sur la base des rémunérations qu'il aurait dû percevoir à Washington et en raison du refus de l'administration de répondre à ses demandes de documents et à son recours gracieux et de lui communiquer le nom de la personne mutée à sa place ;

- aucune imprudence ne peut lui être reprochée eu égard aux garanties qui lui avaient été données par son employeur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2020, la ministre des armées conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête et à titre subsidiaire à son rejet comme non fondée et demande en outre à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 13 juin 2019 en tant qu'il a partiellement fait droit aux demandes de M. A....

La ministre soutient que :

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés ;

- elle n'a commis aucune faute dès lors que la réalité de la promesse d'une mutation sur le poste n'est pas justifiée par les deux courriels des 14 et 28 février précités de la chargée mobilité ; dans son courriel du 23 janvier 2017 le chef de la section administration-acquisitions à l'ambassade de France à Washington s'est borné à informer M. A... de l'état d'avancement de sa demande de mutation sans lui offrir de garantie de l'obtenir ;

- la circonstance que le service d'accueil ait donné un avis favorable à sa mutation est sans influence dès lors qu'aucune demande officielle de mutation n'avait été faite par l'intéressé auprès du service des ressources humaines lorsqu'il a été donné ;

- le requérant a transmis sa demande de mutation datée du 28 février 2017 au service des ressources humaines le 1er mars 2017, alors qu'il savait depuis la veille que le poste n'était plus proposé à la mutation.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de transmettre tous les procès-verbaux de la division de la cohérence capacitaire (dite COCA) se rapportant à la mutation et au refus de sa mutation et à la nomination de son remplaçant sont irrecevables faute de demande préalable adressée à la commission d'accès aux documents administratifs et parce qu'elles ont été présentées pour la première fois en appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., adjoint administratif du ministère de la défense a été affecté, le 15 septembre 2013, à la direction de l'exploitation et de la logistique pétrolières interarmées (DELPIA) de Nancy. Le 1er mars 2017, il a demandé sa mutation sur un poste d'agent de sécurité et des moyens généraux au sein de l'ambassade de France à Washington. Par une décision expresse du 31 mars 2017, le sous-directeur de la mobilité et du recrutement a refusé de faire droit à sa demande de mutation. Le 5 mai 2017, M. A... a déposé un recours gracieux à l'encontre de cette décision de refus, en y joignant une demande indemnitaire préalable pour un montant total de 477 000 euros. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2019 par lequel le tribunal administratif n'a fait que partiellement droit à ses demandes en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 500 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi, motif retenu que les courriels des 14 février et 28 février 2017 constituaient des assurances données à l'intéressé quant à ses perspectives de mutation à Washington. Par la voie d'un appel incident, la ministre des armées demande l'annulation du jugement du 13 juin 2019 en tant qu'il a parfaitement fait droit à la demande de M. A....

Sur la recevabilité des conclusions relatives à la demande de communication de plusieurs documents administratifs :

2. Aux termes de l'article L. 342-1 du code des relations entre le public et l'administration : " La Commission d'accès aux documents administratifs émet des avis lorsqu'elle est saisie par une personne à qui est opposé un refus de communication d'un document administratif en application du titre Ier, un refus de consultation ou de communication des documents d'archives publiques, à l'exception des documents mentionnés au c de l'article L. 211-4 du code du patrimoine et des actes et documents produits ou reçus par les assemblées parlementaires, ou une décision défavorable en matière de réutilisation d'informations publiques. / La saisine pour avis de la commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux ".

3. Il est constant que par deux courriels en date des 13 et 22 mars 2017, M. A... a demandé à son employeur que lui soient communiqués les procès-verbaux des réunions COCA du 17 janvier et 21 février 2017 ainsi que " la liste nominative des personnes qui ont postulé pour le poste d'agent de sécurité de défense et moyens généraux à Washington " et " la note ou les documents officiels qui font état de votre politique de gestion interne très récente ". Il est également constant que M. A... n'a pas contesté la décision implicite de refus de communication née du silence gardé par l'administration auprès de la commission d'accès aux documents administratifs comme les dispositions susvisées de l'article L. 342-1 du code des relations entre le public et l'administration lui en faisaient l'obligation. La saisine pour avis de cette commission étant un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, M. A... n'est, en tout état de cause, pas recevable à contester directement devant le juge administratif le refus de communication qui lui a été opposé et, par voie de conséquence, à demander sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de produire les documents précités. En outre, à supposer que M. A... ait entendu demander à la cour d'ordonner une mesure d'instruction tendant à la communication des documents précités, le prononcé d'une telle mesure relève du pouvoir propre du juge. Or, il n'apparaît pas utile en l'espèce de procéder à la demande de communication ainsi formulée.

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Il résulte de l'instruction que M. A... a manifesté le souhait de postuler sur un poste de permanent à l'étranger d'agent de sécurité de défense et moyens généraux, ouvert par la direction générale de l'armement à Washington à l'été 2017. Il a ainsi eu, au cours du mois de décembre 2016, plusieurs échanges avec M. C..., chef de la section administration-acquisitions de l'Ambassade de France à Washington puis avec Mme D..., chargée de la mobilité des personnels en poste à l'étranger au ministère de la défense. Le 23 janvier 2017, M. C... a adressé au requérant un courriel lui indiquant que " sa candidature était retenue " par la division de la cohérence capacitaire (COCA). Le 14 février 2017, Mme D... a informé M. E... la validation de sa demande de mutation et lui a précisé qu'une fois la date de la mutation donnée, il devait " faire la demande de mutation selon la procédure DRH-MD en vigueur en mettant en copie les chefs hiérarchiques directs prenants et cédants ". Par un deuxième courriel du 28 février 2017, envoyé au requérant à 9 heures 56, Mme D... lui a indiqué que " le COCA du 21 février 2017 a entériné la date de votre prise de fonction au 9 juillet 2017 sur le poste d'agent de sécurité de défense et moyens généraux à Washington (...). Vous pouvez donc dès maintenant faire par le biais de votre service gestionnaire votre demande de mutation selon la procédure DRH-MD en vigueur en mettant en copie les chefs hiérarchiques ". Toutefois, par un courriel du même jour envoyé à 18 heures 46, Mme D... a informé l'intéressé de l'annulation de sa " demande de mutation ", en raison d'une " politique de gestion interne très récente ". Il lui sera ensuite précisé dans la décision de refus de mutation du 31 mars 2017 que " des circonstances imprévisibles liées à l'apparition de contraintes nouvelles sur les effectifs de niveau 3 à la DGA ont rendu nécessaires des arbitrages par la direction de rattachement (Direction des opérations) affectant notamment le pourvoi du poste sur lequel vous vous étiez porté candidat. Ces circonstances ont conduit à répondre au besoin en recourant à un personnel de niveau 2 (secrétaire administratif) déjà sur place, dans le cadre d'une réorganisation locale du service. ".

5. Il résulte de l'instruction, particulièrement du message que M. A... a envoyé le 23 janvier 2017 au chef de la section administration-acquisitions à l'ambassade de France à Washington et des termes des courriels précités du 14 février 2017 et du 28 février 2017 émis à 9 heures 56, que le requérant n'ignorait pas que les échanges qu'il avait alors concernant le poste en litige se déroulaient en amont de la procédure de recrutement. Il ressort de ces échanges qu'il était informé de ce que les validations données à sa candidature par la division de la cohérence capacitaire (COCA) les 17 janvier et 21 février 2017 constituaient des préalables à sa demande de mutation qu'il déposera d'ailleurs le 1er mars 2017, soit postérieurement à l'ensemble de ces courriels. A ce titre, M. A... ne conteste pas que, comme le fait valoir la ministre des armées, il a envoyé, le 1er mars 2017, sa demande de mutation datée du 28 février 2017, pour un poste dont il avait été informé la veille, par le deuxième courriel du 28 février 2017 émis à 18 heures 46, qu'il n'était plus proposé à la mutation. Dans ces conditions, pour regrettable que soit le caractère ambigu de certains courriels échangés, l'administration ne saurait être regardée comme ayant donné au requérant des assurances quant à ses perspectives de mutation à Washington qu'elle n'aurait pas respectées ni que, comme le soutient l'intéressé dans ses écritures, elle aurait irrégulièrement procédé au retrait de sa nomination sur le poste sans que la division de la cohérence capacitaire ait à nouveau statué sur la validation qu'elle avait initialement émise. Les circonstances qu'une simulation de salaire lui ait été donnée à sa demande, que le guide d'accueil de l'ambassade de France à Washington lui ait été transmis par la chargée de la mobilité des personnels en poste à l'étranger et qu'un accès aux informations classifiées secret défense lui ait été octroyé le 28 février 2017, alors que dans le certificat produit, il est identifié comme en poste à la DELPIA de Nancy, ne sauraient non plus être regardées comme ayant donné au requérant des assurances concernant son souhait de mutation à Washington. Par suite, en l'absence de faute commise par l'Etat, M. A... n'est pas fondé à demander la réparation des préjudices moral et matériel que lui aurait causés l'Etat en lui refusant la mutation sollicitée.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses prétentions. En revanche, la ministre des armées est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a condamné l'Etat à verser à M. A... une somme de 500 euros en réparation du préjudice moral. Le jugement doit ainsi, dans cette mesure, être réformé.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 13 juin 2019 du tribunal administratif de Nancy prononçant la condamnation de l'Etat à verser une indemnité de 500 euros à M. A... est annulé et la demande présentée sur ce point par M. A... devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 2: La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des Armées.

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N° 19NC02600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02600
Date de la décision : 31/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Interprétation

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-31;19nc02600 ?
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