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31/12/2021 | FRANCE | N°19NC02326

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 19NC02326


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes formées les 3 août 2001, 14 février et 16 juin 2002 tendant à son admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité au taux de 83,20 % et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ainsi que d'une pension civile d'invalidité au taux de 50 % complétée de la majoration spéciale définitive au titre de l'assis

tance journalière d'une tierce personne et des rappels ou arrérages dus à compter ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes formées les 3 août 2001, 14 février et 16 juin 2002 tendant à son admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité au taux de 83,20 % et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ainsi que d'une pension civile d'invalidité au taux de 50 % complétée de la majoration spéciale définitive au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne et des rappels ou arrérages dus à compter du 25 janvier 2002, ces conclusions en annulation étant assorties de conclusions à fin d'injonction et de conclusions à fin d'indemnité.

Par un jugement n° 1604215 du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 juillet 2019, 21 février et 26 juin 2020, M. A... C..., représenté par Me Welzer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2019 ;

2°) d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes formées les 3 août 2001, 14 février et 16 juin 2002 tendant à son admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité au taux de 83,20 % et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ainsi que d'une pension civile d'invalidité au taux de 50 % complétée de la majoration spéciale définitive au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne et des rappels ou arrérages dus à compter du 25 janvier 2002 ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande d'indemnité qui a été réévaluée à 200 000 euros, augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation administrative par l'administration en réparation des préjudices moraux, psychologiques et financiers et d'autres natures consécutifs aux décisions illégales de l'administration de refuser irrégulièrement de l'admettre à la retraite le 25 janvier 2002 pour incapacité permanente d'exercer ses fonctions et autre travail, de lui attribuer une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension civile d'invalidité, et de lui attribuer la majoration spéciale au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne ;

4°) d'annuler par voie de conséquence la décision du 27 octobre 2006 prononçant sa radiation des cadres à compter du 9 février 2002 ;

5°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le radier des cadres pour admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité dans les conditions qu'il demande ;

6°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et au ministre de l'action et des comptes publics de lui attribuer une pension d'invalidité au taux de 50 % de son dernier traitement, une rente viagère d'invalidité au taux de 83,20 % et la majoration spéciale au titre de l'assistance d'une tierce personne, ainsi que le versement des arrérages estimés à 400 000 euros pour la période à compter du 25 janvier 2002, revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation ;

7°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation par l'administration en réparation des troubles moraux, psychologiques, et financiers ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement méconnaît le principe du contradictoire faute pour le tribunal d'avoir sollicité auprès du ministère de l'intérieur des justificatifs à l'appui de ses allégations erronées ;

Sur le " bien-fondé du jugement " :

- sa requête est bien recevable, l'autorité de la chose jugée n'y faisant pas obstacle ;

- en raison de son incapacité permanente à l'exercice de ses fonctions au 25 janvier 2002, les décisions attaquées méconnaissent les dispositions des articles L. 24-2°, L. 27, L. 28 et L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sans qu'il y ait lieu de rechercher une aggravation de son état postérieurement à l'avis du comité médical supérieur de juin 2001 ;

- il est fondé à demander la majoration au titre de l'assistance d'une tierce personne à compter du 25 janvier 2002 en application de l'article R 43 du code des pensions civiles et militaires ;

- l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires ne lui est pas opposable puisqu'il n'a pas sollicité la révision de sa pension civile de retraite sur le fondement des articles L. 4-1° et L. 25-1° du code des pensions civiles et militaires mais sur le fondement des articles L. 24-12°, L. 27, L. 28 et L.30 ;

- les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure, faute pour la commission de réforme d'avoir été saisie conformément aux dispositions de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 ;

- l'illégalité des décisions attaquées constitue une faute de l'Etat justifiant une indemnité de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants jusqu'à ce que l'administration régularise sa situation par sa mise à la retraite à la date du 25 janvier 2002 pour invalidité imputable au service, avec l'attribution d'une rente viagère d'invalidité sur la base de son taux d'invalidité de 83,20 % et de son traitement au 10ème échelon cumulable avec une pension au taux de 50 % sur le 10ème échelon rémunérant ses services de sous-brigadier de police avec majoration spéciale et son renouvellement au titre de l'assistance d'une tierce personne, le versement des arrérages estimés à 400 000 euros à compter du 25 janvier 2002 revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 12 octobre 2021.

Un mémoire présenté pour M. C... a été enregistré le 15 novembre 2021, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 84-16 du 16 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lambing,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., qui exerçait les fonctions de sous-brigadier de la police nationale, a été victime les 27 août 1983, 5 octobre 1987 et 11 mai 1992 d'accidents reconnus imputables au service. Par un arrêté du 20 octobre 1997, le ministre chargé des finances lui a accordé une allocation temporaire d'invalidité au taux de 17 % pour la période du 29 décembre 1993 au 28 décembre 1998 en raison de ces deux derniers accidents en application de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984. Le 19 octobre 1998, M. C... a été victime d'une chute qui a été également reconnue comme imputable au service. Par courrier du 13 décembre 1999, l'administration a indiqué à M. C... que le médecin inspecteur régional l'avait reconnu apte à reprendre ses fonctions dès le 25 novembre 1999 dans un poste administratif et lui a prescrit de rejoindre son poste immédiatement. Sur saisine de M. C..., le comité médical départemental a, par avis du 18 janvier 2000, confirmé son aptitude à reprendre ses fonctions à compter du 25 novembre 1999. Cette décision a été validée par le comité médical supérieur par avis du 26 juin 2001. En dépit des mises en demeure de reprendre son poste sous peine de radiation des cadres des 16 et 31 juillet 2001, M. C... a maintenu sa position en arrêt de travail. Le médecin agréé n'a pas constaté d'aggravation de son état de santé lors de l'analyse de l'état de santé de l'intéressé le 6 septembre 2001. Malgré une ultime mise en demeure du préfet du 29 janvier 2002 restée vaine, le ministre de l'intérieur l'a radié des cadres de la police nationale pour abandon de poste par décision du 25 avril 2002. Cette décision ayant été annulée par arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 4 mai 2006, le ministre a pris une nouvelle décision le 27 octobre 2006 radiant M. C... des cadres de la police nationale pour abandon de poste à compter du 9 février 2002. La légalité de cette décision a été confirmée par un arrêt devenu définitif de la cour administrative d'appel de Nancy du 3 décembre 2009. Par courriers des 3 août 2001, 14 février 2002, 22 novembre 2002, 16 novembre 2006 et 5 octobre 2010, M. C... a demandé au ministre de l'intérieur de lui octroyer une pension civile d'invalidité à un taux de 50 % à compter du 25 janvier 2002 accompagnée d'une rente viagère d'invalidité et de la majoration pour tierce personne avec demande des arrérages estimés à 400 000 euros. Par courrier du 16 juin 2002, M. C... a également demandé une indemnité par mois de retard de 870 euros assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation. Par courriers des 16 juin 2002, 20 mars et 16 juin 2007, M. C... a demandé à bénéficier du renouvellement de la majoration spéciale pour l'assistance d'une tierce personne. Enfin, le 27 juin 2016, M. C... a demandé à l'administration une indemnité de 150 510 euros en réparation de tous ses préjudices matériels et moraux au titre de la période du 25 janvier 2002 au 30 juin 2016. Ces demandes ont toutes été implicitement rejetées. M. C... relève appel du jugement du 3 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'ensemble de ces décisions et par voie de conséquence de la décision du 27 octobre 2006 prononçant sa radiation des cadres à compter du 9 février 2002, ainsi que ses conclusions indemnitaires et celles à fin d'injonction.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, l'article L. 5 du code de justice administrative dispose que : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ".

3. La demande faite à une partie de produire des pièces constitue une mesure d'instruction qui relève de l'office et des pouvoirs propres du juge administratif. Compte tenu de la formulation des moyens soulevés devant lui par M. C..., le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas méconnu son office en n'exigeant pas la communication des pièces évoquées en appel par le requérant dès lors que les premiers juges ont pu estimer disposer des éléments nécessaires pour apprécier si l'autorité administrative avait, à tort, estimé qu'il ne présentait pas d'incapacité permanente de continuer ses fonctions. Il suit de là que M. C... n'est pas fondé à soutenir que, du seul fait de l'absence de mise en œuvre de cette mesure d'instruction, le jugement serait irrégulier.

4. En second lieu, M. C... ne saurait soutenir que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'erreur d'appréciation dès lors que cette critique des motifs du jugement ne concerne pas la régularité du jugement mais son bien-fondé.

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ainsi que du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée. (...) ". Aux termes de l'article L. 28 du même code : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies à l'article L. 30 ter, avec la pension rémunérant les services. (...) / Le montant de la rente d'invalidité est fixé à la fraction du traitement ou de la solde de base définis à l'article L. 15 égale au pourcentage d'invalidité. (...) ". Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. (...) " Aux termes de l'article 63 de la même loi : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. (...) "

6. Il résulte de la combinaison des articles 34 et 63 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service, d'une maladie contractée ou aggravée en service ou de l'une des autres causes exceptionnelles prévues à l'article 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et qui se trouve dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emploi, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation. Il appartient à l'autorité compétente de se prononcer sur la situation de l'intéressé au vu des avis émis par le comité compétent, sans être liée par ceux-ci. En l'absence de modification de la situation de l'agent, l'administration a l'obligation de le maintenir en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à la reprise de service ou jusqu'à sa mise à la retraite, qui ne peut prendre effet rétroactivement.

7. M. C... soutient qu'en raison de son incapacité permanente de reprendre ses fonctions, il devait être mis à la retraite pour invalidité et bénéficier à ce titre d'une pension civile d'invalidité complétée d'une rente viagère d'invalidité ainsi que du renouvellement de la majoration spéciale pour l'assistance d'une tierce personne qu'il percevait avant sa radiation des cadres pour abandon de poste.

8. Le requérant produit un rapport établi le 25 janvier 2002 par le docteur B..., médecin généraliste agréé par l'administration, qui évalue sa situation à cette date. Après avoir rappelé les séquelles liées aux accidents des 5 octobre 1987, 11 mai 1992 et 19 octobre 1998, ainsi que leurs aggravations en 1994, 1998 et 2001, le médecin procède à un examen clinique de l'intéressé. Il constate une boiterie sévère au genou gauche résultant du pincement de l'articulation, d'une insuffisance veineuse et d'une instabilité ligamentaire et qui occasionne un déficit de mobilité à la hanche. Il estime que les lésions à long terme vont engendrer une aggravation de la gonarthrose fémoro-tibiale et fémoro-patellaire ainsi qu'une aggravation des lésions de l'articulation de la hanche gauche justifiant la poursuite des soins médicaux. S'agissant du rachis cervical et de l'articulation mandibulaire, l'expert considère que le traumatisme cervical résultant de l'accident du 11 mai 1992 a déclenché une arthrose débutante en C0-C1 et C1-C2 et l'apparition d'une hernie discale cervicale le 17 janvier 2000. Il constate des séquelles en lien avec cet accident consistant en des cervicalgies chroniques associées à une névralgie d'Arnold, une névralgie cervico-brachiale gauche avec un déficit moteur au membre supérieur gauche, un déficit de mobilité du cou, un déficit moyen de la force motrice du membre supérieur gauche, un déficit important de la force de serrage, un déficit d'ouverture de la bouche avec une douleur modérée et incessante au niveau de l'articulation temporo-maxillaire gauche accentuée lors de la mastication, des acouphènes aux deux oreilles et une baisse de la vision ainsi que des troubles du sommeil ayant un retentissement sur l'humeur et sur la capacité intellectuelle. Il a précisé également que ces infirmités ne peuvent que s'aggraver à long terme justifiant la poursuite de soins médicaux. Enfin, concernant l'accident de 1998 ayant occasionné des lésions internes intervertébrales et vertébrales et des lésions au sacrum et coccyx, le docteur B... observe un déficit important de la mobilité du rachis lombaire avec une importante limitation des mouvements de flexion, d'hyperextension, de rotations droite et gauche, et de flexions latérales droites et gauche. Il a noté la présence de lombo-sciatalgies persistantes et douloureuses imposant une station allongée à plat dès que la douleur est " au-delà du supportable ", de douleurs sacro-coccygiennes avec une inflammation au niveau de l'articulation de la hanche imposant également une telle station allongée, une impossibilité de marcher sur les talons et les pointes révélant un déficit moteur dans la zone L5/S1, une marche difficile avec canne résultant de déficits musculaires et des troubles du sphincter. Au terme de son raisonnement clinique, le docteur B... conclut qu'au 25 janvier 2002, les infirmités du genou gauche de M. C... entraînent un taux d'invalidité de 30 %, que celles du rachis cervical et de l'articulation mandibulaire entraînent un taux d'invalidité de 40 % et que celles du rachis lombaire, du sacrum et du coccyx entraînent un taux d'invalidité de 60 %. Le requérant produit également des certificats du Dr D..., médecin agréé par l'administration, notamment ceux datés des 23 janvier 2002 et 20 mars 2007, qui indiquent en des termes identiques que M. C... " souffre d'une impotence fonctionnelle articulaire et motrice " l'empêchant de s'accroupir et se relever, de conduire de véhicule, et qui nécessite qu'il soit aidé dans les actes du quotidien et dans ses déplacements. Le praticien conclut que l'état de santé de l'intéressé ne lui permet pas de travailler quel que soit le poste de travail et ce pour une durée indéterminée.

9. Il résulte cependant de l'instruction que le comité médical interdépartemental de Metz a, dans sa séance du 18 janvier 2000, confirmé l'avis du médecin inspecteur régional quant à l'aptitude de M. C... à reprendre ses fonctions depuis le 25 novembre 1999 dans un poste administratif. Par avis du 26 juin 2001, le comité médical supérieur, saisi par l'administration, a également conclu à l'aptitude de l'agent à reprendre ses fonctions dans un poste aménagé. Le requérant conteste avoir été examiné par le médecin inspecteur régional et par le médecin agréé par l'administration qui s'est prononcé le 6 septembre 2001 sur l'absence d'aggravation de son état. Toutefois, à supposer même ces faits établis, il n'est pas justifié que ces praticiens ne pouvaient se prononcer à partir des éléments médicaux mis à leur disposition, dont les certificats médicaux communiqués par l'intéressé à son administration. En outre, la circonstance que le médecin inspecteur régional, qui a donné un avis sur la capacité de M. C... à reprendre ses fonctions sur un poste aménagé, aurait été condamné pénalement à une interdiction définitive d'exercer son métier en raison de faits d'agressions sexuelles, n'enlève rien au caractère probant de son rapport.

10. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, les certificats médicaux dont se prévaut M. C..., qui se bornent à décrire une situation à une date donnée sans constater un incapacité définitive et permanente d'exercer des fonctions dans le poste administratif adapté proposé à l'intéressé par son administration, ne remettent pas en cause les constatations sur la base desquelles ont été rendus les avis du comité médical interdépartemental du 18 janvier 2000 et les avis du médecin conventionné de la police à Epinal et du médecin inspecteur régional du secrétariat général pour l'administration de la police de Metz en date du 15 janvier 2002. Si les séquelles résultant des trois accidents de service sont importantes, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas établi que M. C... ne pourrait pas occuper un poste aménagé en disposant d'aides techniques et humaines afin de lui permettre d'être accompagné dans sa reprise de travail et serait ainsi inapte totalement et définitivement à l'exercice de toute fonction. Par suite, c'est à bon droit que le ministre de l'intérieur a estimé que M. C... ne se trouvait pas dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions au sens de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Il s'ensuit que le ministre chargé du budget a pu légalement refuser d'attribuer à M. C... une pension civile d'invalidité à un taux de 50 % à compter du 25 janvier 2002, une rente viagère d'invalidité et la majoration spéciale pour l'assistance tierce personne dès lors que le fonctionnaire n'avait pas à être radié des cadres pour une invalidité imputable au service.

11. En second lieu, aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative ne peut prononcer la mise à la retraite d'office d'un agent sans avoir examiné s'il était inapte totalement et définitivement à l'exercice de toute fonction.

12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que c'est à bon droit que M. C... n'a pas été mis à la retraite pour invalidité. Par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions et soutenir que l'administration était tenue de saisir la commission de réforme.

13. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu d'annuler par voie de conséquence la décision du 27 octobre 2006 prononçant sa radiation des cadres à compter du 9 février 2002.

Sur les conclusions indemnitaires :

14. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité.

15. La circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie.

16. Il résulte de l'instruction que, par courriers des 3 août 2001, 14 février et 16 juin 2002, 16 janvier et 20 mars 2007, M. C... a demandé sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 25 janvier 2002, ainsi que l'attribution d'une rente viagère pour invalidité cumulable avec une pension civile d'invalidité, avec la majoration spéciale, l'assistance d'une tierce personne le versement des arrérages estimés à 400 000 euros à compter du 25 janvier 2002 revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, le refus de l'administration de mettre M. C... en retraite pour invalidité n'était pas illégal. Par suite, en l'absence de faute de l'administration, le requérant n'est pas fondé à demander la réparation du préjudice financier résultant de l'illégalité des décisions implicites rejetant ses demandes. Il s'ensuit que M. C... ne faisant état d'aucun préjudice moral dans ses écritures, ses conclusions tendant à l'indemnisation du seul préjudice financier résultant de l'illégalité de ces décisions implicites, ne peuvent qu'être rejetées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Sur les frais de justice :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, verse à M. C... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

3

N° 19NC02326


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02326
Date de la décision : 31/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

48-02-02-04 Pensions. - Pensions civiles et militaires de retraite. - Pensions civiles. - Pensions ou allocations pour invalidité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : WELZER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-31;19nc02326 ?
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