Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2020 par lequel la préfète de la Meuse a prononcé son expulsion du territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé. Il a par ailleurs demandé au juge des référés du tribunal d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cet arrêté jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité.
Par une ordonnance n° 2100160 du 26 janvier 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a suspendu l'exécution de l'arrêté du 10 décembre 2020 par lequel la préfète de la Meuse a prononcé l'expulsion de M. G... et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.
Par un jugement nos 2003345-2100018 du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 novembre 2021 sous le n° 21NC03060, et un mémoire en production de pièces enregistré le 16 décembre 2021, M. G..., représenté par Me Coche-Mainente, demande au juge des référés de la cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 10 décembre 2020 pris à son encontre par la préfète de la Meuse ;
2°) d'enjoindre à la préfète de la Meuse de lui délivrer un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour de six mois l'autorisant à travailler, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, renouvelable jusqu'à l'intervention de la décision au fond ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors qu'il est menacé d'expulsion, ce qui aurait pour effet de le séparer de ses enfants ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- en effet, la décision prononçant son expulsion est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que Mme D..., adjointe au directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations, ainsi que Mme C..., cheffe du bureau de l'immigration et de l'intégration de la préfecture de la Meuse, n'aient pas participé au délibéré de la commission d'expulsion, en méconnaissance des dispositions des articles L. 522-1 et R. 522-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables ;
- cette décision est par ailleurs entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable dès lors, d'une part, qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, et d'autre part, que son comportement ne constitue pas une menace grave pour l'ordre public ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision prononçant son expulsion ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2021, la préfète de la Meuse conclut à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, à son rejet.
Elle soutient que :
- la requête de M. G... est irrecevable ;
- en effet, il ne peut pas solliciter la suspension de l'arrêté du 10 décembre 2020 dès lors qu'il ne demande pas son annulation à hauteur d'appel mais celle du jugement du tribunal administratif de Nancy du 1er mars 2021 rejetant la demande d'annulation de cet arrêté ;
- sa requête en référé-suspension n'est pas accompagnée d'une copie de la requête d'appel qu'il a présentée devant la cour ;
- elle est tardive ;
- à titre subsidiaire, aucun des moyens soulevés par M. G... n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 10 décembre 2020.
Par une décision du 13 décembre 2021, M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- la requête, enregistrée le 25 novembre 2021 sous le n° 21NC03043, par laquelle M. G... demande à la cour l'annulation du jugement du 1er mars 2021 du tribunal administratif de Nancy et celle de l'arrêté du 10 décembre 2020, versée à l'audience par le juge des référés et soumise à procédure contradictoire ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Par une décision du 1er septembre 2021, la présidente de la cour a désigné M. I... comme juge des référés, en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir présenté son rapport et entendu au cours de l'audience publique les observations de Me Coche-Mainente, représentant M. G....
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
L'exposé du litige :
1. M. A... G..., ressortissant marocain né en 1984, est entré en France le 25 septembre 2016. Il a entamé une relation de concubinage avec une ressortissante française. A compter d'avril 2017, il s'est signalé auprès des services judiciaires par des faits de vol en réunion puis a commis une série d'infractions relatives à des vols aggravés. Par un jugement du tribunal de grande instance de Bar-le-Duc du 7 juin 2017, il a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement pour des faits de vol aggravé par deux circonstances et violence avec usage ou menace d'une arme, suivie d'une incapacité supérieure à huit jours. A l'issue de cette première incarcération, l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français, en dépit d'une mesure d'éloignement prise à son encontre par un arrêté du 22 juin 2017. Placé en rétention en vue d'exécuter cette mesure, M. G... a été remis en liberté par la cour d'appel de Metz le 26 septembre 2017. Il a commis de nouvelles infractions, à compter du 22 janvier 2018, et a été condamné, le 9 avril 2018, à une peine d'emprisonnement de quatre ans, notamment pour des faits de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, récidive et vol avec violence n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail, récidive, recel et dégradation ou détérioration volontaire du bien d'autrui. Parallèlement à son incarcération, Mme H..., la concubine de M. G..., a donné naissance à leur fils, B..., né le 9 juillet 2018. Ce dernier, ainsi que F..., l'enfant de sa concubine né d'une précédente union, ont été placés auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Meuse, en août 2019, en raison des mauvais traitements reçus de leur mère. Le 20 novembre 2019, M. G... a été condamné à deux mois d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de E... pour des faits de violence et rébellion commis en prison. Il a également tenu des propos inquiétants pendant sa détention à raison desquels il a fait l'objet d'une inscription au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste en janvier 2020. Estimant que la présence en France de l'intéressé constituait une menace grave pour l'ordre public, la préfète de la Meuse a, par un arrêté du 10 décembre 2020, prononcé son expulsion du territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable et fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.
2. M. G... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler cet arrêté. Il a par ailleurs demandé au juge des référés du tribunal d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, sa suspension jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité. Par une ordonnance du 26 janvier 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a suspendu l'exécution de l'arrêté du 10 décembre 2020 par lequel la préfète de la Meuse a prononcé l'expulsion de M. G... et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé. Par un jugement du 1er mars 2021, dont M. G... relève appel par une requête enregistrée à la cour le 25 novembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation. Postérieurement à ces décisions, le placement des enfants B... et F... auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Meuse a été renouvelé jusqu'au 31 mars 2022 par un jugement du tribunal pour enfants J... E... du 8 mars 2021. Par ailleurs, en raison des menaces proférées à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique nommément désignées, M. G... a été condamné à une peine de douze mois d'emprisonnement par un arrêt de la cour d'appel de Nancy du 22 juillet 2021 le déclarant coupable du délit d'apologie d'acte de terrorisme. A sa levée d'écrou le 17 novembre 2021, M. G... a été placé au centre de rétention de Geispolsheim dans l'attente de l'exécution de son expulsion vers le Maroc. Par une ordonnance du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Strasbourg du 19 novembre 2021, le placement en rétention de l'intéressé a été prolongé pour une durée de vingt-huit jours à compter de cette date. Cette ordonnance a été confirmée par la cour d'appel de Colmar. Par une nouvelle ordonnance du 17 décembre 2021, le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Strasbourg a ordonné une deuxième prolongation de la rétention de M. G..., pour une durée de trente jours à compter de cette date.
3. Par la requête analysée ci-dessus, M. A... G... demande au juge des référés de la cour administrative d'appel de prononcer la suspension de l'exécution de l'arrêté de la préfète de la Meuse du 10 décembre 2020 prononçant son expulsion et fixant le pays à destination duquel il sera renvoyé.
Sur les conclusions à fin de suspension :
4. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". Aux termes de l'article L. 511-2 du même code : " Sont juges des référés les présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi que les magistrats qu'ils désignent à cet effet et qui, sauf absence ou empêchement, ont une ancienneté minimale de deux ans et ont atteint au moins le grade de premier conseiller (...) ".
5. Pour justifier de la condition relative à l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 10 décembre 2020, M. G... soutient, d'abord, en ce qui concerne la décision prononçant son expulsion, qu'elle serait entachée d'un vice de procédure, d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable dès lors, d'une part, qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, et d'autre part, que son comportement ne constitue pas une menace grave pour l'ordre public, qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs, protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il soutient, ensuite, en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, qu'elle serait illégale en raison de l'illégalité de la décision prononçant son expulsion, qu'elle serait insuffisamment motivée et méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, en l'état de l'instruction, ces moyens ne paraissent pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 10 décembre 2020.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la préfète de la Meuse ni de vérifier si la condition d'urgence est en l'espèce remplie, que les conclusions à fin de suspension de l'exécution de l'arrêté du 10 décembre 2020 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, il y a également lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... G... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise à la préfète de la Meuse.
Fait à Nancy, le 23 décembre 2021.
Le premier vice-président de la cour,
juge des référés
Signé :J. I...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
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N° 21NC03060