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21/12/2021 | FRANCE | N°21NC00109

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 décembre 2021, 21NC00109


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision en date du 3 décembre 2019 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler, subsidiairement de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autori

sation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de mettre à la char...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision en date du 3 décembre 2019 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler, subsidiairement de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2001418 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC00109 le 13 janvier 2021, M. A..., représenté par Me Levi-Cyferman, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision en date du 3 décembre 2019 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler, subsidiairement de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet l991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté du préfet est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté méconnaît les 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- et les observations de Me Cyferman, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, est entré en France, selon ses déclarations le 20 février 2014. Il s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 6° en qualité de père d'une enfant française, née le 3 mai 2014. Il a bénéficié du renouvellement de ce titre de séjour jusqu'au 23 août 2019. Par un arrêté du 3 décembre 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 24 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 3 décembre 2019 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. L'arrêté litigieux énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé et satisfait dès lors à l'obligation de motivation.

En ce qui concerne la légalité interne :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est le père d'une enfant de nationalité française née le 3 mai 2014 de sa relation avec une ressortissante française. Il est constant que cette enfant était domiciliée à Montreuil en Seine-Saint-Denis au titre de l'année scolaire 2018-2019, puis a résidé avec sa mère à Orléans, tandis que M. A... a pour sa part vécu à Nancy de manière continue depuis la naissance de l'enfant. Si l'intéressé a produit la copie de trois virements bancaires effectués en 2018 et 2019 au profit de la mère de l'enfant au titre de sa participation alléguée à l'entretien de l'enfant, ainsi que de quelques virements postérieurs à la décision du préfet, il se borne, par ailleurs, à produire une attestation de la mère de cette dernière indiquant, outre l'allégation de versements d'argent réguliers, que M. A... prendrait en charge sa fille durant les vacances. Cette indication sommaire n'est assortie d'aucune précision, ni d'aucun autre élément probant de nature à établir la réalité des liens de l'intéressé avec sa fille et sa participation effective à son éducation. Par suite, en refusant de faire droit à la demande de renouvellement de la carte de séjour délivrée à M. A... en qualité de père d'une enfant française, le préfet n'a pas fait une application inexacte des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelées ci-dessus.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne à droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France irrégulièrement en février 2014. Il se prévaut de sa qualité de père d'une enfant française née en 2014, mais également de la relation qu'il entretient désormais en France avec une compatriote, de la naissance en mai 2020, soit postérieurement à l'arrêté contesté, d'un enfant issu de cette relation, ainsi que de la présence en France de deux autres enfants, nés en 2011 et 2012, dont il n'apporte pas, au demeurant, la preuve du lien de filiation avec lui, et domiciliés à Nancy, à une autre adresse que la sienne. En l'absence de toute preuve d'un lien habituel avec sa fille de nationalité française comme avec les deux autres enfants dont il allègue être le père et ne résidant pas avec lui, rien ne fait obstacle, au vu des pièces du dossier, à ce que M. A... puisse reconstituer sa vie privée et familiale dans son pays d'origine, dont sa compagne et son dernier enfant ont également la nationalité. Dans ces conditions, compte tenu notamment de la durée et des conditions de son séjour en France, l'arrêté litigieux n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Il n'a dès lors méconnu ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A....

Sur les frais liés à l'instance :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 21NC00109


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00109
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-21;21nc00109 ?
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