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21/12/2021 | FRANCE | N°21NC00075

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 décembre 2021, 21NC00075


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2002441 du 7 octobre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC00075 le 11 janvier 2021, M. B..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2002441 du 7 octobre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC00075 le 11 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Levi-Cyferman, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 7 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail et, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet l991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté du préfet est insuffisamment motivé ;

- sa présence en France ne fait pas courir de risque de trouble à l'ordre public ;

- il s'est vu notifier une obligation de quitter le territoire, 4 mois seulement après sa majorité et alors qu'il était encore en situation régulière ;

- l'obligation de quitter le territoire sans délai sur le fondement de l'article L. 511-1, II, 1er étant illégale, l'interdiction de territoire se trouve privée de base légale ;

- l'arrêté porte atteinte à sa vie privée et familiale ;

- il a entrepris des démarches en vue de sa régularisation et pouvait prétendre à la nationalité française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2021, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Cano, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- et les observations de Me Cyferman, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant sénégalais, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations le 4 mai 2016. Il a été interpellé par les services de police et placé en garde à vue le 1er octobre 2020 pour vol aggravé. Par un arrêté du 2 octobre 2020, le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé son pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B... relève appel du jugement du 7 octobre 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 2 octobre 2020 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. L'arrêté litigieux énonce, en termes au demeurant très détaillés, les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé. Il satisfait dès lors à l'obligation de motivation.

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes (...) " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

4. En premier lieu, le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative prononce une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger se trouvant dans l'un des cas mentionnés au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière. M. B..., qui ne se prévaut pas de ce qu'il aurait pu prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit, fait seulement valoir qu'il a entrepris des démarches en vue de sa régularisation, aurait pu solliciter un titre de séjour avant l'expiration de l'année qui suit son dix-huitième anniversaire en application du 1° de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " et pouvait par ailleurs prétendre à la nationalité française. Toutefois, aucune de ces circonstances, ni aucune des démarches entreprises ou envisagées par l'intéressé en vue de l'obtention d'un titre de séjour ne faisaient obstacle au prononcé d'une obligation de quitter le territoire français.

5. En deuxième lieu, si M. B... soutient que l'interdiction de retour sur le territoire français serait privée de base légale en raison de l'illégalité dont serait entachée l'obligation de quitter le territoire sans délai prononcée à son encontre sur le fondement du 1° du II de l'article L. 511-1du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet, le 28 août 2020, d'un procès-verbal de convocation en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour des faits de vol d'un vêtement au préjudice du magasin Intersport. Le 1er octobre 2020, il a été interpellé et placé en garde à vue pour des faits de vol aggravé par deux circonstances. Au cours de son audition, le même jour, par les services de la gendarmerie, il a reconnu être consommateur de stupéfiants et avoir volé un pochon de cannabis pour sa consommation personnelle et celle de deux autres personnes. Le principe de la présomption d'innocence ne faisait pas obstacle à ce que le préfet fonde son arrêté, notamment sa décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, sur la circonstance la présence de M. B... sur le territoire français représentait, au regard de tels faits, une menace pour l'ordre public. En estimant que ces faits, suffisamment établis, révélaient une telle menace à l'ordre public, le préfet n'a pas fait une application inexacte des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement en France en 2016, à l'âge de 13 ans. Il est célibataire et sans enfant et n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Il n'a pas donné suite aux démarches qu'il avait engagées en vue de son admission au séjour en France. Dans ces conditions, compte tenu notamment de la durée et des conditions de son séjour en France, ainsi que des atteintes à l'ordre public relevées à son encontre, l'arrêté litigieux n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Il n'est pas non plus entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or au titre de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

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N° 21NC00075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00075
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-21;21nc00075 ?
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