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21/12/2021 | FRANCE | N°20NC03235

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 décembre 2021, 20NC03235


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 avril 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2004071 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Mme C... B... a

demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 mai 2020 par lequel le...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 avril 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2004071 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 mai 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2004072 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2020, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour d'annuler les jugements n° 2004071 et n° 2004072 du tribunal administratif de Strasbourg du 13 octobre 2020, et de rejeter les demandes présentées, respectivement, par Mme A... B... et par Mme C... B....

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a annulé les arrêtés en litige, dès lors que les situations respectives de Mmes B... n'entrent, ni l'une, ni l'autre, dans les prévisions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2021, Mmes A... B... et C... B..., représentées par Me Rudloff, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à leur avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elles soutiennent qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.

Mmes B... ont été admises au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 18 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Rees, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... et Mme C... B..., sœurs de nationalité albanaise nées respectivement le 9 juillet 1999 et le 31 octobre 2000, sont entrées en France le 8 août 2016. Les 16 décembre 2019 et 4 février 2020, Mme C... B... et Mme A... B..., respectivement, ont sollicité leur admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-11-7° et L. 313-14, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 avril 2020, le préfet du Haut-Rhin a rejeté la demande de Mme A... B..., et par un arrêté du 6 mai 2020, il a rejeté celle de Mme C... B.... Par ces mêmes arrêtés, il a, en outre, obligé les intéressées à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixé le pays à destination duquel elles pourront être reconduites d'office à l'expiration de ce délai. Le préfet du Haut-Rhin relève appel de chacun des deux jugements du 13 octobre 2020, n° 2004071 et n° 2004072, par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces arrêtés.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Il ressort des énonciations des jugements attaqués que, pour annuler les décisions de refus de séjour en litige, le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de ce chacune d'entre elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée. Il a ensuite annulé par voie de conséquences les obligations de quitter le territoire français ainsi que les décisions fixant le pays de destination.

3. S'il ressort des pièces du dossier que Mmes A... et C... B... ont, depuis leur arrivée sur le territoire national, produit depuis des efforts significatifs d'intégration, comme en témoignent notamment leur rapide maîtrise de la langue française, le sérieux de leurs études et leur prise en charge par un couple de Français, ces différents éléments ne suffisent à considérer que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de chacune d'entre elles. Dès lors, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce moyen pour annuler ses décisions.

4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mmes B... tant devant le tribunal administratif de Strasbourg que devant la cour en appel.

Sur les autres moyens soulevés par Mmes B... :

En ce qui concerne les refus de séjour :

5. En premier lieu, il ressort des termes mêmes des arrêtés contestés que le préfet a examiné la situation des intimées au regard des dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation pour s'être cru, à tort, lié, par les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012, laquelle n'est du reste même pas mentionnée dans l'arrêté relatif à A... B..., manque ainsi en fait, et ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) ".

7. Mmes B... sont entrées en France en août 2016, moins de quatre ans avant les arrêtés contestés. Leur mère et leurs frère et sœur y séjournent de manière irrégulière, et elles ne s'y prévalent d'aucune autre attache familiale, ni, sauf en ce qui concerne le couple de Français qui les hébergent et prennent en charge, d'aucune attache personnelle. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles sont dépourvues de toute attache dans leur pays d'origine, où leur mère et leurs frère et sœur ont eux-mêmes vocation à retourner. Dans ces conditions, et en dépit de leur jeune âge, de leurs efforts d'intégration et du sérieux de leurs études, elles ne sont pas fondées à soutenir que le préfet a porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de les admettre au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

9. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 7, et dès lors que la situation de Mmes B... ne fait apparaître aucune considération humanitaire ni aucun motif exceptionnel de nature à justifier, à l'évidence, qu'elles soient admises au séjour, elles ne sont pas fondées à soutenir que le préfet s'est livré à une appréciation manifestement erronée de leur situation au regard des dispositions précitées.

En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mmes B... ne sont pas fondées à soutenir que les obligations de quitter le territoire français contestées sont illégales du fait de l'illégalité des refus de séjour pris à leur encontre.

11. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

12. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'est assorti d'aucune précision, ce qui ne permet pas à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les décisions relatives au pays de destination :

13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

14. En se bornant à soutenir qu'elles ont fui leur pays en raison de menaces pensant sur leur vie et leur liberté, sans fournir le moindre élément à cet égard, Mmes B... ne mettent pas la cour à même d'apprécier le bien-fondé de leur moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées. Dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé les arrêtés contestés des 30 avril et 6 mai 2020. Dès lors, il est fondé à demander l'annulation des jugements attaqués, ainsi que le rejet des demandes présentées par Mmes B.... Par voie de conséquence, les conclusions de ces dernières aux fins d'annulation, d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements n° 2004071 et n° 2004072 du tribunal administratif de Strasbourg du 13 octobre 2020 sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées, respectivement, par Mme A... B... et par Mme C... B... devant le tribunal, de même que les conclusions qu'elles ont présentées devant la cour, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme A... B... et à Mme C... B....

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N° 20NC03235 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03235
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : RUDLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-21;20nc03235 ?
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