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21/12/2021 | FRANCE | N°20NC01787

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 décembre 2021, 20NC01787


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 5 juillet 2019 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1902439 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2020, Mme F... D... épouse C..., représentée par Me Grosset, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugem

ent n° 1902439 du tribunal administratif de Nancy du 23 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision contesté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 5 juillet 2019 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1902439 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2020, Mme F... D... épouse C..., représentée par Me Grosset, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902439 du tribunal administratif de Nancy du 23 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision a été signée par une personne qui n'était pas habilitée à cette fin ;

- la décision n'est pas motivée ;

- son droit à être entendue a été méconnu, dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de présenter des observations sur son état de santé et sur sa situation familiale ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas motivé ;

- son état de santé justifie qu'elle soit admise au séjour en application du paragraphe 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dès lors qu'elle ne peut pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié B... son pays d'origine ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il déclare s'en remettre à ses écritures en défense en première instance.

Mme D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Rees, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. En premier lieu, il ressort de l'arrêté préfectoral du 30 août 2018, publié le jour même au recueil des actes administratifs de la préfecture, que le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné à M. E..., adjoint à la cheffe du service de l'immigration et de l'intégration, en cas d'absence de cette dernière et d'absence ou d'empêchement du directeur de la citoyenneté et de l'action locale, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions de refus d'admission au séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs même pas soutenu, que, lorsque M. E... a signé la décision contestée de refus de séjour, la cheffe du service de l'immigration et de l'intégration n'était pas absente et le directeur de la citoyenneté et de l'action locale, pas lui-même absent ou empêché. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision n'a pas été signée par une autorité habilitée à cette fin manque en fait et ne peut qu'être écarté.

2. En deuxième lieu, la décision contestée, qui, contrairement à ce que soutient la requérante, mentionne son identité, comporte un énoncé des considérations de droit et de fait se rapportant à sa situation personnelle et à sa demande de titre de séjour. Elle est ainsi régulièrement motivée. Si la requérante soutient que les motifs qu'elle énonce sont erronés, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de sa motivation.

3. En troisième lieu, bien que n'y soient pas mentionnée la présence en France de deux des enfants A... la requérante, les énonciations de la décision contestée permettent de vérifier que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.

4. En quatrième lieu, Mme D... soutient que le préfet a méconnu son droit à être entendue, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union Européenne rappelé à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de cette Union, en ne lui permettant pas de formuler des observations sur sa situation, alors même qu'elle avait demandé à être entendue. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait empêché la requérante de lui apporter tous éléments jugés utiles par elle lors du dépôt de sa demande ou en cours d'instruction de celle-ci, ni qu'il aurait refusé de l'entendre, ni du reste qu'elle aurait sollicité un entretien auprès de ses services. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendue ne peut qu'être écarté.

5. En cinquième lieu, aux termes du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié B... son pays ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) B... les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié B... le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, alors applicable : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier B... les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé B... le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. B... le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé B... le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) ".

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 22 mai 2019 a été émis conformément au modèle figurant à l'annexe C de l'arrêté du 27 décembre 2016. Par suite, et contrairement à ce que soutient Mme D..., il est régulièrement motivé. Mme D... fait également valoir que le préfet ne l'a pas interrogée sur l'offre de soins et sur les caractéristiques du système santé algérien, mais aucune disposition légale ou réglementaire ne lui imposait de le faire.

7. D'autre part, B... son avis du 22 mai 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique que l'état de santé de la requérante, qui souffre d'une insuffisance respiratoire chronique hypercapnique, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé B... le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Cet avis, que le préfet s'est approprié, fait présumer que l'état de santé de Mme D... n'est pas de nature à justifier qu'elle soit admise au séjour en France sur le fondement des stipulations de l'accord franco-algérien précité.

8. Mme D... soutient que, contrairement à ce qu'a ainsi retenu le préfet, elle ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié B... son pays d'origine, dès lors que l'appareil de ventilation non invasive qui lui est nécessaire n'est pas disponible en Algérie et que ses ressources sont limitées à une modeste pension de réversion de son mari décédé. Toutefois, le courrier de la caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés d'Algérie qu'elle produit se borne à indiquer que cet appareil " ne figure pas B... la nomenclature des produits remboursables ", ce qui ne permet pas d'établir qu'il ne serait pas disponible en Algérie. En outre, à supposer que l'information figurant B... ce courrier soit exacte, il ne ressort pas des pièces du dossier, en l'absence de tout élément sur le coût de cet appareil, que les ressources de Mme D..., même limitées, ne lui permettraient pas d'en faire l'acquisition. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

9. En sixième lieu, Mme D..., dont l'admission au séjour en France au titre de sa vie privée et familiale est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien, ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions alors en vigueur du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne lui sont pas applicables.

10. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique B... l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, B... une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Selon ses déclarations, Mme D... est entrée en France en septembre 2014, à l'âge de 63 ans, pour y rejoindre son mari, qui est décédé en décembre 2015. Elle fait valoir la présence en France de son fils, qui y séjourne régulièrement, et de sa fille, de nationalité française. Toutefois, elle n'apporte aucun élément permettant de vérifier la réalité et l'intensité de ses relations avec son fils, et l'attestation d'hébergement établie par sa fille le 2 juin 2020 ne précise pas depuis quand elle vit auprès de cette dernière. La requérante ne fait valoir aucune autre attache en France, alors qu'elle n'en est pas dépourvue en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 63 ans et où résident l'une de ses filles et deux de ses fils. B... ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de stipulations précitées doit être écarté. A plus forte raison, dès lors qu'il est fondé sur les mêmes considérations, doit également être écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... épouse C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

N° 20NC01787 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01787
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-21;20nc01787 ?
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