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18/11/2021 | FRANCE | N°21NC00741

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 novembre 2021, 21NC00741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E..., alias M. H... F... et Mme G... C... alias Mme G... F... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 9 décembre 2020 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et leur a interdit de revenir sur le territoire français pendant deux ans.

Par un jugement n° 2003302, 2003303 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Nanc

y a rejeté leur requête.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E..., alias M. H... F... et Mme G... C... alias Mme G... F... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 9 décembre 2020 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et leur a interdit de revenir sur le territoire français pendant deux ans.

Par un jugement n° 2003302, 2003303 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur requête.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 12 mars 2021, sous le n° 21NC00741, Mme G... C..., représentée par Me Champy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 mars 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 9 décembre 2020 la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en vertu de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour : a été prise par une autorité incompétente ; est insuffisamment motivée en fait et en droit ; est entachée d'un défaut d'examen individualisé de sa situation personnelle ; est entachée d'une erreur d'appréciation au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à l'ancienneté de son séjour en B..., de son intégration sociale et professionnelle et de la scolarité de ses enfants en B... ; méconnaît, pour les mêmes raisons, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; est également entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français : est insuffisamment motivée en fait et en doit ; est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination : est insuffisamment motivée en fait et en droit ; méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raisons des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine ;

- la décision portant interdiction de retour en B... : est insuffisamment motivée ; est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ; est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des alinéas 1 et 2 du III. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile quant aux circonstances humanitaires ; est entachée d'une erreur d'appréciation quant à sa durée de deux ans.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 12 mars 2021, sous le n° 21NC00742, M. D... E..., représenté par Me Champy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 mars 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 9 décembre 2020 le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en vertu de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient les mêmes moyens que ceux exposés dans la requête n° 20NC03579.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 14 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... et Mme C..., nés respectivement en 1975 et 1983, de nationalité arménienne, déclarent être entrés en B... avec leurs deux enfants au début de l'année 2014 et ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés (OFPRA) du 14 août 2015, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 18 février 2016. Le 14 mars 2016, les époux ont sollicité un titre de séjour en raison de l'état de santé de leurs deux enfants ainés. Par des arrêtés du 22 juillet 2016, M. E... et Mme C... se sont vu refuser leur demande de titre de séjour et obliger à quitter le territoire français. La légalité de ces arrêtés a été confirmée par le tribunal administratif de Nancy le 21 février 2017 et par la cour administrative d'appel de Nancy le 28 août 2017. M. E... a été reconduit à destination de l'Arménie le 9 mai 2017 mais est revenu en B... sous couvert d'un visa court séjour délivré par les autorités italiennes valable du 25 août au 20 septembre 2017 et a sollicité le réexamen de sa demande d'asile. Le 6 avril 2018, il a fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités italiennes, responsable de l'examen de sa demande d'asile, confirmée par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 3 mai 2018 et par un arrêt de la cour administrative de Nancy du 23 juillet 2019. Il n'a toutefois pas déféré à cette mesure et a été déclaré en fuite. Le 26 février 2020, il a nouveau sollicité le réexamen de sa demande d'asile mais l'OFPRA a jugé sa demande irrecevable. Les 8 juin et 16 juillet 2020, M. E... et Mme C... ont sollicité leur admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 9 décembre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. E... et Mme C... relèvent appel du jugement du 2 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 9 décembre 2020.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n°21NC00741 et 20NC00742, présentées respectivement par Mme C... et M. E... sont relatives à la situation de membres d'une même famille et ont fait l'objet d'une instruction commune. En conséquence , il y a lieu de les joindre pout statuer par un seul arrêt.

Sur les décisions portant refus de séjour :

3. En premier lieu, les requérants reprenant en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Nancy dans son jugement du 2 mars 2021.

4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent M. E... et Mme C..., les décisions attaquées énoncent les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé pour refuser de leur délivrer un titre de séjour. Cette motivation n'est pas stéréotypée et démontre que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle des intéressés. Par suite, les moyens tirés d'une insuffisante motivation et d'une erreur de droit liée au défaut d'examen de la situation personnelle des requérants doivent être écartés.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en B..., appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

6. Si M. E... et Mme C... soulignent l'ancienneté de leur séjour en B... à la date de la décision contestée, il ressort des pièces du dossier qu'ils se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire français après le rejet de leur première demande de titre de séjour en 2016. De plus, M. E... ayant été reconduit en Arménie le 9 mai 2017, il ne se trouve sur le territoire français de manière ininterrompu que depuis trois ans à la date des décisions attaquées et a fait en outre l'objet pendant cette période d'une décision de remise aux autorités italiennes à laquelle il n'a pas déféré. Si les époux se prévalent de la présence et de la scolarisation en B... de leurs trois enfants dont le dernier est né en 2015 sur le territoire français, rien ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale en Arménie où les enfants pourront poursuivre leur scolarité dans leur langue maternelle. Par ailleurs, ils ne démontrent pas être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine où ils ont vécu jusqu'à l'âge respectivement de 39 et 31 ans. S'ils se prévalent de leur insertion sociale et professionnelle et produisent notamment des attestations de relations amicales, de professeurs des enfants ou d'employeurs de Mme C..., ces éléments ne sauraient caractériser une intégration suffisante dans la société française justifiant que les requérants auraient établi en B... le centre de leurs intérêts personnels. Dès lors, eu égard à la durée et aux conditions de leur séjour en B..., les décisions contestées n'ont pas porté au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en B... ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en B..., peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. Pour justifier, d'une part, que leur demande repose sur des considérations humanitaires, M. E... et Mme C... se prévalent du suivi dont bénéficierait leur plus jeune enfant, A..., à la suite d'une intervention chirurgicale intervenue en 2015. Toutefois, ils ne démontrent pas que A..., qui ne bénéficie à la date des décision contestées d'aucun traitement médical ou médicamenteux, ne pourrait bénéficier d'un tel suivi en Arménie. Pour faire valoir, d'autre part, que leur demande serait justifiée par des motifs exceptionnels, ils se prévalent de leur insertion socio-professionnelle. M. E... produit ainsi une promesse d'embauche en date du 25 février 2020 pour un poste d'opérateur en désamiantage tandis que Mme C... justifie de la poursuite d'une activité salariée depuis 2019. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. E..., qui est titulaire d'un diplôme de comptable obtenu en Arménie, ne dispose d'aucune qualification ou expérience pour ce poste et que Mme C... travaille, de manière irrégulière auprès de particuliers pour une durée maximale hebdomadaire de six heures. Dans ces conditions, les requérants ne justifient ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels justifiant leur admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit qu'en refusant de délivrer un titre de séjour aux requérants, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a commis ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de leur situation.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, le préfet de Meurthe-et-Moselle a justifié des éléments de fait et de droit sur lesquels il se fonde pour adopter les décisions attaquées. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance des décisions portant obligation de quitter le territoire français manque en fait et doit être écarté.

10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. E... et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des refus de séjour à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français.

11. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points ci-dessus, M. E... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. Si M. E... et Mme C... soutiennent qu'ils craignent pour leur intégrité physique et leur vie en cas de retour en Arménie dans la mesure où la situation y est instable en particulier dans la région du Haut Karabakh, ils n'apportent aucun élément au soutien de leurs allégations alors d'ailleurs que l'OFPRA estime que l'Arménie est un pays d'origine sûr et que leurs demandes d'asiles ont été rejetées tant par l'OFPRA que la CNDA. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté comme manquant en fait.

Sur les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :

14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour./ (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée [au] premier [alinéa ), (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la B..., de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "

15. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la B..., des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs.

16. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la B... et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace.

17. Les décisions contestées, qui rappellent les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnent que les requérants n'établissent pas être exposés à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Arménie, ont déjà fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement et ne peuvent se prévaloir d'une vie privée et familiale en B... protégée par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces décisions précisent que dans ces conditions une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale. Par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas entaché ses décisions d'une insuffisance de motivation. Dès lors, ce moyen doit être écarté.

18. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit plus haut, les requérants n'établissent pas l'illégalité des décisions les obligeant à quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions, soulevé à l'encontre des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, doit être écarté.

19. En troisième lieu, si M. E... et Mme C... soutiennent qu'ils craignent pour leur vie en cas de retour en Arménie en raison de la recrudescence de conflit avec l'Azerbaïdjan, ils n'apportent aucun élément au soutien de leurs allégations sur la réalité des risques auxquels ils seraient personnellement exposés. Eu égard à ce qui a été dit plus haut, la situation des intéressés ne relève ainsi pas de circonstances humanitaires au sens des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. E... et Mme C... ne sont donc pas fondés à soutenir que le préfet n'aurait pas recherché si une circonstance humanitaire justifiait de ne pas prononcer une interdiction de retour en B... et aurait ainsi entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

20. En quatrième et dernier lieu, il ressort des termes des décisions attaquées que le préfet a fixé la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français à deux ans en prenant en compte la circonstance que les requérants ont déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne font pas état en B... d'une vie privée et familiale devant être protégée au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si les requérants soutiennent avoir établi en B... le centre de leurs intérêts personnels et familiaux, il ressort de ce qui a été dit aux points 6 et 8 que tel n'est pas le cas. Dans ces conditions et compte tenu des éléments pris en considération par le préfet, il n'est pas établi que la décision de prononcer à l'encontre des intéressés une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans serait entachée d'une erreur d'appréciation.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. E... et Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., alias M. H... F... et Mme G... C... alias Mme G... F... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

4

N°21NC00741 et 21NC00742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00741
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : CHAMPY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-11-18;21nc00741 ?
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