Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 à hauteur du montant total de 17 954 euros.
Par un jugement n° 1800347 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 mai 2019, sous le numéro 19NC01429, M. et Mme A..., représentés par Me Lachaize, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 mars 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées, en droits et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les états de frais relatifs aux kilométrages remis en cause par l'administration sont conformes aux exigences règlementaires ; le service a méconnu la jurisprudence et le n°50 du BOI-BIC-CHG-10-20-20-20140519 ;
- les kilométrages retenus par l'administration par souci de " réalisme économique " sont erronés et incohérents ; la reconstitution opérée par l'administration ne prend pas en compte les trajets retours des allers qu'elle a retenus ;
- ils apportent la preuve que les frais en cause ne sont pas excessifs eu égard à la nature et à l'importance de l'exploitation et justifient de la réalité des kilométrages professionnels remboursés par la SARL Cloisons 54 à M. A... à hauteur de 8 693 € au titre de 2012 et 21 318 pour 2013 ; le nombre de kilomètres professionnels parcourus est justifié par le kilométrage qu'il a effectué postérieurement à la période vérifiée avec le véhicule de société qu'il utilise désormais, soit 2 859 kilomètres en 15 jours et 5 718 kilomètres par mois, et, en moyenne 4 708 kilomètres par mois entre la dernière révision et l'interlocution régionale, alors que l'administration n'en a admis, dans le meilleur des cas, que 2 040 euros par mois ;
- en considérant que le véhicule utilisé pour un usage professionnel doit être la propriété du contribuable et non pas un véhicule familial, l'administration a méconnu les n°390 et 480 du BOI-RSA-BASE-30-50-30-20-20130617 ;
- les éléments complémentaires qu'ils ont produits ne sont pas des justificatifs de frais de déplacement mais des justificatifs des chantiers suivis par la société Cloisons 54 sur lesquels l'ensemble des employés de la société est amené à se déplacer de telle sorte que le nom indiqué sur ces documents commerciaux ne permet pas d'en déduire que M. A... ne se serait pas rendu sur ces chantiers ; l'administration et le tribunal administratif n'ont pas pris le soin de chiffrer le quantum de ces justificatifs complémentaires prétendument non attribués à M. B... A... ;
- l'application du coefficient de majoration de 1,25 % présente un caractère confiscatoire et porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques.
Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stenger,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL Cloisons 54, dont M. B... A... était le dirigeant en 2012 et 2013, M. et Mme A... se sont vus notifier, par une proposition de rectification du 7 mai 2015, des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que les pénalités correspondantes au titre de ces deux années, à raison de la réintégration de frais kilométriques dans les bases imposables de cette société, non admis en charges déductibles et imposés entre leurs mains en tant que revenus distribués. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a, lors de sa séance du 29 juin 2016, confirmé la position de l'administration relative à la remise en cause des remboursements de frais de déplacement versés par la société. A la suite de leur réclamation du 22 novembre 2016, l'administration a pris une décision de rejet en date du 7 décembre 2017. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions restées à leur charge pour un montant total de 17 954 euros.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre (...) / Toutefois, les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursement de frais (...). / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / a) les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; / b) les frais de voyage et de déplacement exposés par ces personnes (...) / Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...)". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; ".
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que pour remettre en cause la déductibilité d'une partie des frais de véhicule de M. A..., inscrits dans la comptabilité de la société Cloisons 54, au motif qu'ils n'étaient pas justifiés, l'administration a retenu que l'examen des justificatifs transmis à sa demande par le contribuable, révélait que le kilométrage parcouru, indiqué sur les états de frais, présentait un caractère forfaitaire, à raison d'une fourchette entre 3 053 et 3 060 kilomètres de janvier à novembre 2012, et entre 4 068 à 4 071 kilomètres de décembre 2012 à mai 2013, que certains des états de frais étaient libellés au titre d'un mois alors que les déplacements correspondants se rapportaient au mois précédent ou suivant et que les états de frais présentés étaient incomplets en fin de période vérifiée. Le service a également relevé que la reconstitution des kilomètres parcourus par M. A... à l'appui des pièces justificatives fournis par la société Cloisons 54 faisait apparaître des discordances significatives entre les remboursements opérés par cette société et les états de frais présentés par son gérant, alors que cette société avait elle-même reconnu avoir accordé une moindre importance en fin de période vérifiée à la tenue des états de frais. Le vérificateur n'a donc admis que les déplacements réellement justifiés, soit 9 848 euros au titre de 2012 et 5 923 euros au titre de 2013.
4. Pour contester les kilométrages ainsi retenus par l'administration, les requérants soutiennent que leur reconstitution par le service, à partir des justificatifs qu'ils ont fournis, est erronée en ce qu'elle omet de prendre en compte les trajets retours des déplacements allers réalisés par M. A.... Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification que, comme le fait valoir l'administration en défense, ont bien été pris en compte mensuellement les trajets retours afférents aux déplacements allers considéré par le vérificateur comme étant justifiés
. Par ailleurs, si les requérants ont présenté devant les premiers juges des justificatifs de chantiers et en appel de nouvelles synthèses de déplacements professionnels et des états de frais pour démontrer que M. A... aurait parcouru, à titre professionnel, au moins 48.180 kilomètres au titre de l'année 2012 et au moins 53.024 kilomètres au titre de l'année 2013, il résulte de l'instruction que ces documents, destinés à attester l'importance de l'exploitation, ne sauraient justifier à eux-seuls la réalité des kilométrages parcourus par M. A..., alors que les justificatifs de chantiers, sur lesquels sont indiqués de manière manuscrite le kilométrage depuis le siège de la société à Messein (54850), attestent seulement l'existence des chantiers réalisés par la SARL Cloisons 54 au titre des années en litige et que certains de ces documents correspondent en réalité à des déplacements réalisés par le père du contribuable, M. C... A.... A cet égard, la circonstance que l'administration n'ait pas précisé le quantum des justificatifs complémentaires qu'elle a considérés comme n'étant pas attribués à M. B... A... est sans incidence. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que les frais de véhicule en litige n'ont pas été engagés dans l'intérêt direct de la société Cloisons 54. La circonstance que le nombre de kilomètres professionnels parcourus serait justifié par le kilométrage que M. A... a effectué postérieurement à la période vérifiée avec le véhicule de société qu'il utilise désormais est également inopérante. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a analysé ces dépenses comme des revenus distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts.
5. En second lieu, le moyen tiré de ce que l'application du coefficient de majoration de 1,25 %, dont le requérant ne précise même pas à quelle imposition il se rapporte, présente un caractère confiscatoire et porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques n'est pas assorti des précisions suffisantes qui auraient permis d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".
7. En premier lieu, M. A... demande la prise en compte des frais engagés lors de l'utilisation à titre professionnel de quatre véhicules dont deux appartiennent à son père et son épouse. S'agissant de ces véhicules empruntés dans un cadre familial, les requérants ne peuvent pas utilement se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20 du 19 mai 2014 n°50, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle est postérieure aux années en litige et qu'au demeurant, elle ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
8. En second lieu, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir, sur le même fondement, de la doctrine BOI-RSA-BASE-30-50-30-20-20 du 24 février 2017 n°390 et n°480, qui est postérieure aux années en litige. Au demeurant, et comme l'ont relevé les premiers juges, les contribuables ne justifient pas avoir pris en charge la quote-part " des frais de véhicule couverts par le barème kilométrique (...) afférents à son usage professionnel " prévue au n°390 et ne sauraient se prévaloir du n°480 de l'instruction précitée qui porte sur l'utilisation du barème forfaitaire des frais de carburant qui n'est pas en litige en l'espèce.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N° 19NC01429