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06/07/2021 | FRANCE | N°20NC03108

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 20NC03108


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.

Par un jugement n° 2004770 du 3 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°)

d'annuler le jugement du 3 septembre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.

Par un jugement n° 2004770 du 3 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 septembre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 du ministre de l'intérieur ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont méconnu les principes qui régissent l'administration de la charge de la preuve, laquelle incombe au ministre de l'intérieur, qui s'est borné à faire état d'allégations non étayées qu'il conteste ;

- les motifs du jugement attaqué ne permettent pas de comprendre quelles infractions ont été retenues pour estimer qu'il présentait une menace d'une particulière gravité pour l'ordre ou la sécurité publics en lien avec le risque de commission d'actes de terrorisme ;

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé sur les motifs ayant conduit à la levée de la mesure individuelle de surveillance administrative à l'encontre de M. A... ;

- il n'entretient pas de relations habituelles avec M. A... ;

- la réalité de son interpellation en compagnie de M. A... en mai 2018 n'est pas établie ;

- M. A... ne peut être qualifié de personne " incitant, facilitant ou participant " à des actes de terrorisme ;

- en l'absence de transmission du dossier de l'instruction judiciaire, le tribunal ne pouvait tenir pour établis des éléments dont la preuve n'était pas apportée ;

- les conditions d'application des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure sont méconnues et entachées d'erreur d'appréciation, dès lors qu'il n'y a aucune raison sérieuse de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics en lien avec le risque de commission d'un acte de terrorisme ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit en ce qu'il a confondu apologie du terrorisme et risque de commission d'un acte de terrorisme ;

- sa seule condamnation par le tribunal correctionnel de Verdun en 2016 ne saurait caractériser le risque de commission d'un acte de terrorisme et repose sur des faits particulièrement anciens ;

- la mesure litigieuse a été prise en raison de la levée de son contrôle judiciaire, sans que l'administration ne tienne compte d'une décision émanant de l'autorité judiciaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. E... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grenier, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 21 juillet 2020, le ministre de l'intérieur a édicté une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance à l'encontre de M. E... en application des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. Cette mesure lui interdit de se déplacer en dehors de la commune de Metz sans autorisation préalable, l'oblige à se présenter tous les jours à 13h00, y compris les dimanches et jours fériés au commissariat de police et à confirmer son lieu d'habitation au commissariat de police ou à déclarer son nouveau domicile à la première présentation suivante et ce pour une durée de trois mois et lui interdit également de se trouver en relation, directe ou indirecte, avec M. B... A... pendant une durée de six mois. Par un jugement du 3 septembre 2020, dont M. E... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que s'il écarte, par son point 5, la mise en examen du requérant, le 22 juin 2018 pour " recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement ", eu égard à la décision du Conseil constitutionnel du 19 juin 2020 concluant à l'inconstitutionnalité du délit de recel de bien provenant d'une apologie publique d'un acte de terrorisme ainsi que la condamnation du 3 juin 2020 du tribunal correctionnel de Nancy pour des faits de déplacement interdit à l'extérieur d'un périmètre déterminé par le ministre de l'intérieur en raison de sa relaxe par un arrêt du 16 juillet 2020 de la cour d'appel de Nancy qui ont entraîné sa libération du centre pénitentiaire, il rappelle, par son point 4, l'ensemble des antécédents judiciaires de M. E... pour estimer que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics en lien avec le risque de commission d'un acte de terrorisme. Contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement attaqué est ainsi suffisamment motivé sur la menace d'une particulière gravité présentée par M. E....

3. En second lieu, pour rejeter la demande de M. E..., le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de M. E.... Par suite, en s'abstenant de préciser les motifs ayant conduit à la levée de la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance à l'encontre de M. A..., le tribunal n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre. ". L'article L. 228-2 du même code énonce que : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L.228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation. / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites (...) ". L'article L. 228-5 du même code énonce que : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à toute personne mentionnée à l'article L. 228-1, y compris lorsqu'il est fait application des articles L. 228-2 à L. 228-4, de ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité publique (...) ".

5. Il résulte de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures qu'il prévoit doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du casier judiciaire de M. E... qu'il a été mis en cause dans une vingtaine d'infractions de droit commun entre 2004 et 2014, dont plusieurs pour des faits d'outrage à personne dépositaire de l'autorité publique. Il a été de nouveau interpellé en mai 2018 pour menaces proférées à l'encontre d'un fonctionnaire de police, après avoir déclaré qu'il reviendrait un jour " faire un carnage à l'hôtel de police ". Il a été condamné le 19 septembre 2018 à quatre mois d'emprisonnement avec sursis par le tribunal correctionnel de Metz avec révocation du sursis le 29 mai 2018 à la suite d'une interpellation au cours de laquelle il a opposé une forte résistance. Il a de nouveau été condamné, le 13 décembre 2019, par le tribunal correctionnel de Metz à une peine d'emprisonnement de deux mois pour des faits de menaces de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique et d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique. Ces infractions établissent, au regard de leur caractère répété, grave et récent, que le ministre de l'intérieur pouvait, sans erreur d'appréciation, avoir des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. E... constituait une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics.

7. En deuxième lieu, d'une part, il ressort des pièces que M. E... a été condamné le 1er juin 2016 par le tribunal correctionnel de Verdun à une peine de quatre mois d'emprisonnement, devenue définitive, pour apologie publique d'acte de terrorisme, après avoir déclaré, le 12 janvier 2016, alors qu'il était en détention au centre de Montmédy, que les auteurs des attentats du Bataclan étaient " ses frères " et qu'il " pourrait faire la même chose ici " en concluant que cela " allait être la guerre en France ". Les faits qui ont donné lieu à cette condamnation, qui établissent son adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes, présentaient un caractère suffisamment récent à la date de l'arrêté du 21 juillet 2020 pour être pris en compte. M. E... ne saurait, à cet égard, utilement faire valoir que ces propos ont été prononcés sous l'effet de la colère dans le contexte de sa détention loin de sa famille. En outre, il ressort également des termes mêmes de l'arrêté du 21 juillet 2020, non contestés par M. E..., qu'il s'est radicalisé en prison et qu'au cours de sa détention en 2019, il a adopté " une attitude prosélyte, tenant ouvertement des propos en faveur du djihad et de Daech ". Par ailleurs, M. E... ne conteste pas sérieusement la consultation et le stockage de données à caractère djihadistes.

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le soutien de M. E... aux thèses djihadistes ne s'est pas démenti par la suite ainsi notamment que l'établissent ses relations avec son beau-frère, lui-même adepte de telles idées et avec M. A..., l'un des membres actifs de la mouvance pro-djihadiste de Metz. Si le requérant soutient ne plus avoir de relations avec ce dernier depuis qu'il a été libéré de détention, le 3 juillet 2017, il ressort d'un courriel de l'unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT) du 11 août 2020 que, le 7 mai 2018, alors qu'il lui était pourtant interdit d'entrer en relation avec M. E..., M. A... a fait l'objet d'un contrôle policier en sa compagnie à Metz. Ce courriel, qui est circonstancié, est suffisamment probant pour établir que M. E... est resté en contact avec M. A... après 2017.

9. Par suite, il ressort des pièces du dossier qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. E... constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qu'il soutient et adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes. Le ministre de l'intérieur a pu, en conséquence, au vu des éléments suffisamment probants dont il avait connaissance et notamment de la note des services de renseignements et du courriel de l'UCLAT, édicter les mesures prévues par les articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure.

10. En dernier lieu, la circonstance que le contrôle judiciaire dont M. E... faisait l'objet a été levé en juillet 2020 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux pris dans le cadre des mesures de contrôle administratif et de surveillance qui relèvent du ministre de l'intérieur.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2020 du ministre de l'intérieur. Les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.

2

N° 20NC03108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03108
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49 Police.

Police - Police administrative et judiciaire.

Police - Police administrative et judiciaire - Notion de police administrative.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DUSSORT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;20nc03108 ?
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