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01/07/2021 | FRANCE | N°21NC00281

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 01 juillet 2021, 21NC00281


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union fédérale des consommateurs " Que Choisir " Nancy et sa région (UFC Que Choisir Nancy) a demandé au tribunal administratif de Nancy, sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, de reconnaître le droit pour chaque contribuable de la métropole du Grand Nancy assujetti à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre de l'année 2018 à être déchargé de cette taxe et de se voir restituer la somme correspondante.

Par un jugement rendu sous le numéro 2001

015 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a fait droit à cette dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union fédérale des consommateurs " Que Choisir " Nancy et sa région (UFC Que Choisir Nancy) a demandé au tribunal administratif de Nancy, sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, de reconnaître le droit pour chaque contribuable de la métropole du Grand Nancy assujetti à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre de l'année 2018 à être déchargé de cette taxe et de se voir restituer la somme correspondante.

Par un jugement rendu sous le numéro 2001015 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2021 et un mémoire enregistré le 30 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'UFC Que Choisir Nancy devant le tribunal administratif ;

Il soutient que :

- la demande devant le tribunal administratif était irrecevable, au regard des dispositions combinées des articles R. 77-12-4, R. 421-1 du code de justice administrative et R. 196-2 du livre des procédures fiscales, en l'absence de réclamation préalable portée devant l'autorité compétente pour accorder le droit, la lettre adressée à la métropole du Grand Nancy ne pouvant en tenir lieu en l'absence d'obligation de transmission à l'autorité compétente, les dispositions du code des relations entre le public et l'administration n'étant à cet égard pas applicables dans le cadre de l'action en reconnaissance de droit ;

- il résulte des dispositions de l'article 1520 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année 2018 que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères peut également couvrir les dépenses du service de collecte et de traitement des déchets non ménagers visés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ; c'est donc à tort que le jugement attaqué a estimé que cette taxe ne pouvait financer l'élimination des déchets autres que ménagers ;

- en vertu des dispositions des articles L. 2224-14 et L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales et L. 541-2 du code de l'environnement, il convenait d'extourner du montant des recettes non fiscales le montant de la redevance pour enlèvement des déchets industriels ce qui aurait dû conduire les premiers juges à retenir des recettes non fiscales à hauteur de 6 882 019 euros et non pas de 6 992 019 euros ;

- en méconnaissance de l'article L. 77-12-3 du code de justice administrative, le jugement omet de préciser les conditions de droit et de fait auxquelles est subordonné le droit à décharge reconnu à chaque assujetti à la taxe ; en effet, le droit des contribuables à obtenir une telle décharge doit nécessairement être subordonné à la condition d'avoir introduit une réclamation relative à la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères de l'année 2018 avant le 31 décembre 2019 conformément à l'article L. 77-12-2 du code de justice administrative, étant entendu que la lettre adressée par l'association à la métropole du Grand Nancy ne saurait valoir réclamation préalable ;

- subsidiairement, il y a lieu pour la cour en application de l'article L. 77-12-3 du code de justice administrative, compte tenu des effets excessifs qu'aurait la reconnaissance d'un droit à décharge, de limiter celle-ci aux seules actions déjà introduites à la date de sa décision ou de limiter dans le temps le droit à obtenir cette décharge.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 mars et 12 mai 2021, l'UFC Que Choisir Nancy, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en vertu des articles L. 114-2 et L. 114-3 du code des relations entre le public et l'administration, il incombait à la métropole du Grand Nancy, fut-elle incompétente pour accorder le droit, de transmettre la réclamation préalable à l'autorité compétente ; ne l'ayant pas fait, une décision implicite de rejet a été acquise au bout de quatre mois ; en conséquence la demande devant le tribunal administratif de Nancy était bien recevable ;

- si c'est par une erreur de plume que le tribunal a repris les règles de droit applicables antérieurement au 1er janvier 2016, il n'en demeure pas moins que dans ses éléments de calcul de la disproportion, au point 12, il a bien pris soin de ne pas extourner le volet non ménager du budget déchet de la collectivité de sorte qu'il a bien appliqué les dispositions de l'article 1520 du code général des impôts ; au demeurant il suffira à la cour d'effectuer une substitution de motifs pour valider le calcul effectué par le jugement ;

- même en déduisant la somme de 110 000 euros relatives aux déchets industriels, il n'en demeure pas moins une disproportion de 59,33 % de la taxe par rapport au coût du service ;

- le jugement est suffisamment précis en ce qui concerne les conditions de la reconnaissance du droit et notamment celle de justifier de la qualité d'assujetti à la taxe au titre de l'année 2018 étant entendu que la réclamation préalable a déjà été envoyée à la métropole du Grand Nancy et qu'elle satisfait aux conditions de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales, et l'impact financier de l'exercice de ce droit ne saurait constituer un motif justifiant d'en limiter les effets.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me B... représentant l'association UFC Que Choisir Nancy.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 11 décembre 2019, l'association UFC Que Choisir Nancy a saisi le président de la métropole du Grand Nancy d'une demande fondée sur les articles L. 77-12-1 et suivants du code de justice administrative relatives à l'action en reconnaissance de droits et tendant à obtenir, au bénéfice des contribuables de la métropole y ayant été assujettis, la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères établie au titre de l'année 2018. Par un courrier du 11 février 2020, le président de la métropole du Grand Nancy a apporté des précisions relatives aux modalités d'établissement du budget d'élimination et de traitement des déchets de sa collectivité et justifié le taux de la taxe fixé par l'assemblée délibérante de la métropole du Grand Nancy. L'association UFC Que Choisir Nancy a alors saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande, présentée sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, tendant à obtenir la reconnaissance du droit pour les contribuables de la métropole d'obtenir la décharge de cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères établie au titre de l'année 2018. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement ci-dessus visé du 23 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a fait droit à cette demande.

2. Aux termes de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative : " L'action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt. Elle peut tendre au bénéfice d'une somme d'argent légalement due ou à la décharge d'une somme d'argent illégalement réclamée. Elle ne peut tendre à la reconnaissance d'un préjudice. / Le groupe d'intérêt en faveur duquel l'action est présentée est caractérisé par l'identité de la situation juridique de ses membres. Il est nécessairement délimité par les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public mis en cause. / L'action collective est présentée, instruite et jugée selon les dispositions du présent code, sous réserve du présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 77-12-2 du même code : " La présentation d'une action en reconnaissance de droits interrompt, à l'égard de chacune des personnes susceptibles de se prévaloir des droits dont la reconnaissance est demandée, les prescriptions et forclusions édictées par les lois et règlements en vigueur, sous réserve qu'à la date d'enregistrement de la requête, sa créance ne soit pas déjà prescrite ou son action forclose./Un nouveau délai de prescription ou de forclusion court, dans les conditions prévues par les dispositions législatives et réglementaires applicables, à compter de la publication de la décision statuant sur l'action collective passée en force de chose jugée. Les modalités de cette publication sont définies par décret en Conseil d'Etat. /Postérieurement à cette publication, l'introduction d'une nouvelle action en reconnaissance de droits, quel qu'en soit l'auteur, n'interrompt pas, de nouveau, les délais de prescription et de forclusion ". Aux termes de l'article R. 421-1 du même code : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 77-12-4 du même code : " Pour l'application de l'article R. 421-1, la décision attaquée est la décision de rejet explicite ou implicite opposée par l'autorité compétente à la réclamation préalable formée par le demandeur à l'action./ Le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'autorité compétente sur la réclamation préalable vaut décision de rejet./ Dans le cas où les droits dont la reconnaissance est demandée relèvent de la compétence d'autorités différentes, il appartient au demandeur de former une réclamation préalable auprès de chacune des autorités intéressées ".

3. Aux termes de l'article 1520 du code général des impôts : " I. - Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ". Aux termes du VI de l'article 1379-0 bis du même code : " 1. Sont substitués aux communes pour l'application des dispositions relatives à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères :/ (...)1° bis Les métropoles ". Aux termes de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas :/a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ;/b) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ; ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 ".

4. Aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables ". Aux termes de l'article L. 114-2 du même code : " Lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé ". Aux termes de l'article L. 114-3 du même code : " Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l'administration initialement saisie ".

5. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères, bien qu'instituée par la collectivité compétente, est assise, contrôlée et recouvrée par les agents de la direction générale des finances publiques. En conséquence, seul le directeur départemental des finances publiques a compétence, en vertu des articles L. 190 et R. 190-3 du livre des procédures fiscales, pour statuer sur les réclamations contentieuses des contribuables tendant à la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle ils ont été assujettis au titre d'une année et le ministre de l'économie des finances et de la relance est fondé à soutenir que la demande de l'association UFC Que Choisir Nancy du 11 décembre 2019 a été adressée à une autorité incompétente. L'association UFC Que Choisir Nancy soutient cependant que le président de la métropole du Grand Nancy était tenu de transmettre sa demande à l'autorité compétente, en vertu de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration et que son abstention à le faire n'a pas fait obstacle à l'acquisition d'une décision implicite de rejet de sa réclamation conformément aux dispositions de l'article L. 114-3 du même code, rendant ainsi recevable sa demande devant le tribunal administratif. Le ministre de l'économie des finances et de la relance soutient en outre que la réclamation adressée par l'association UFC Que Choisir n'a pas été de nature à conserver le délai de réclamation prévu à l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales dans les conditions de l'article L. 77-12-2 du code de justice administrative.

6. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : "Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".

7. Les moyens analysés au point 5 ci-dessus soulèvent une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse susceptible de se poser dans de nombreux litiges. Par suite, il y a lieu pour la cour de surseoir à statuer sur les conclusions des parties et de transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat afin de recueillir son avis en application des dispositions ci-dessus reproduites de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le dossier de la requête ci-dessus visée du ministre de l'économie, des finances et de la relance est transmis au Conseil d'Etat pour examen de la question de droit suivante :

" La demande présentée dans le cadre d'une action en reconnaissance de droits, en l'occurrence tendant à faire reconnaître le droit pour les contribuables d'une métropole d'obtenir la décharge de leur cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères établie au titre d'une année, adressée à une autorité incompétente pour l'accorder, est-elle, en l'absence de transmission de la pétition à l'autorité administrative compétente et dans l'hypothèse où les dispositions de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration seraient applicables, susceptible de faire naître une décision implicite de rejet de nature à lier le contentieux conformément à l'article R. 421-1 du code de justice administrative et de rendre ainsi recevable cette action en reconnaissance de droits devant le tribunal administratif en application de l'article R. 77-12-4 du code de justice administrative '

En cas de réponse positive à la première question, une telle demande présentée devant une autorité incompétente est-elle pour autant susceptible d'interrompre, en application de l'article L. 77-12-2 du code de justice administrative, les délais de prescription et de forclusion opposables aux personnes susceptibles de se prévaloir des droits dont la reconnaissance est demandée et, en particulier, d'interrompre les délais de réclamation et recours prévus par le livre des procédures fiscales " '

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête ci-dessus visée jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à l'UFC Que Choisir Nancy, à la métropole du Grand Nancy et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 21NC00281

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00281
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Taxes assimilées - Taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance - Recours administratif préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. le Pdt. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SCP BARADUC DUHAMEL RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-01;21nc00281 ?
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