Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2003130 du 10 juin 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juin 2020, M. C... D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juin 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 20 mai 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ou à défaut de réexaminer sa situation de trois mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de deux cents euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ayant régularisé sa demande d'admission au séjour pour motif médical contrairement à ce que le préfet lui oppose ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;
- son droit d'être entendu préalablement à la décision prise à son encontre a été méconnu ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- c'est à tort que la préfète ne lui a pas accordé de délai de départ volontaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2021, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né en 1985 et de nationalité marocaine, serait entré irrégulièrement en France en décembre 2016 selon ses déclarations. A la suite d'un contrôle d'identité le 25 août 2017, l'intéressé a fait l'objet d'une mesure d'éloignement et d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Il s'est soustrait à ces mesures. Il a été écroué à la maison d'arrêt de Strasbourg le 20 février 2019 pour des faits de violence aggravée pour lesquels il a été condamné à des peines de six et trois mois d'emprisonnement par jugements du tribunal de grande instance de Strasbourg des 30 janvier 2018 et 2 avril 2019. Par arrêté du 20 mai 2020, la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. Par jugement du 10 juin 2020, dont M. D... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 20 mai 2020.
2. En premier lieu, M. D... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, les moyens tirés de l'insuffisante motivation et de l'erreur de droit entachant la décision lui refusant un délai de départ volontaire. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif
3. En deuxième lieu, M. D... soutient avoir déposé une demande d'admission au séjour pour raisons de santé le 29 janvier 2020, son dossier médical ayant été réceptionné par l'Office français de l'immigration et intégration le 1er avril 2020. Cependant, contrairement à ce que soutient l'intéressé, il ressort des pièces du dossier que M. D... a déposé sa demande de titre de séjour pour raisons de santé par courriers les 23 et 28 juin 2019. Par courriers électroniques des 2 juillet et 15 octobre 2019, les services de la préfecture lui ont demandé de compléter son dossier en adressant un certificat médical à l'Office français de l'immigration et intégration, ce qu'il n'a fait que le 1er avril 2020. Faute d'envoi des pièces médicales à l'Office français de l'immigration et intégration dans le délai prescrit d'un mois, la préfète du Bas-Rhin a classé sans suite sa demande. Il s'ensuit qu'en lui opposant dans l'arrêté attaqué le défaut de régularisation, la préfète n'a pas entaché ses décisions d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. D.... Par suite, le moyen doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Il résulte cependant de la jurisprudence de la cour de justice de l'union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de sa violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
5. Il résulte toutefois de la jurisprudence de cette même cour de justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. En outre, ainsi que la cour de justice l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été auditionné par les services de police lors de son interpellation le 19 février 2019 au cours duquel les perspectives d'un éloignement ont été évoquées. L'intéressé a par ailleurs déposé une demande de titre de séjour les 23 et 28 juin 2019 où il a pu faire valoir sa situation personnelle. Si les décisions attaquées ont été prises le 17 juin 2020, M. D... ne soutient pas ni même n'allègue qu'il aurait sollicité, en vain, un entretien, ni qu'il aurait été privé de la possibilité de faire valoir, auprès de l'administration, des éléments d'information ou des arguments nouveaux de nature à compléter sa demande initiale de titre de séjour. Enfin, M. D... a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 17 juin 2019, qui a été annulée le 25 juin 2019 par jugement du tribunal administratif de Strasbourg. Eu égard à cette précédente procédure, M. D... avait connaissance qu'une mesure d'éloignement pouvait être prise à son encontre. Il s'ensuit que M. D... n'est pas fondé à soutenir que ses droits reconnus par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnus.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui, dans le cadre de la procédure prévue aux titres I et II du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 ou au 5° de l'article L. 521-3 du même code est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er (...) ".
8. D'une part, il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis laissant craindre qu'un étranger en situation irrégulière ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement en raison de son état sanitaire, l'autorité préfectorale doit préalablement et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
9. Il ressort des pièces du dossier que si M. D... a adressé son dossier médical à l'Office français de l'immigration et intégration le 1er avril 2020 dans le cadre de sa demande de titre de séjour pour raisons de santé des 23 et 28 juin 2019, cette procédure, dont au demeurant il n'est pas contesté qu'elle a été classée sans suite, ne faisait pas obstacle à ce que la préfète du Bas-Rhin prononce à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, fixe le pays de destination et lui interdise le retour sur le territoire français. En effet, à la date de ses décisions attaquées, la préfète ne disposait pas d'éléments d'information suffisamment précis pour considérer que l'intéressé ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en raison de son état de santé. Par suite, la préfète n'était pas tenue de recueillir l'avis du collège des médecins avant de prendre l'arrêté contesté.
10. D'autre part, en se bornant à indiquer être atteint d'une tuberculose et souhaiter poursuivre son traitement en France, M. D... n'établit pas que les décisions attaquées méconnaîtraient les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
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N° 20NC01246