Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Rhin Habitat a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1606332 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2019, la SARL Rhin Habitat, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ne motivant pas suffisamment la réponse à ses observations ;
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) collectée exigible et non déclarée :
- c'est à tort que l'administration a qualifié les opérations en litige de prestations de services et a fondé les redressements en litige sur les dispositions de l'article 269-2-c du code général des impôts qui prévoient que le fait générateur est l'encaissement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) alors qu'en réalité elles constituent des livraisons de biens relevant des dispositions de l'article 256 I et II du même code pour lesquelles le fait générateur et l'exigibilité interviennent lors du transfert de propriété ou du " pouvoir de disposer du bien comme un propriétaire " conformément aux dispositions de l'article 269-1 a du même code ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que la qualification juridique des faits au regard du droit civil est sans incidence sur le litige ;
- il appartient à l'administration de prouver que la totalité des contrats conclus sur la période vérifiée concerne des constructions sans fourniture de plans par la société Rhin Habitat ;
- elle n'a jamais soutenu, lors de la vérification de comptabilité, que sa situation relevait des dispositions de l'article 269-2-c du CGI au motif que ses opérations correspondraient à des prestations de services ;
- l'administration a méconnu la doctrine B.O.I. TVA - CHAMP - 20 -50 - 30 n° 170 ;
En ce qui concerne les rappels d'impôt sur les sociétés :
- c'est à tort que l'administration a considéré que le produit de la vente de l'immeuble du client Mauro/Stantina devait être comptabilisé au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 au motif que les locaux avaient été mis à la disposition de ces clients dès lors que le procès-verbal de réception de cet immeuble, par lequel est constaté le transfert de propriété, n'était pas signé avant le 31 décembre 2014 ;
- c'est à tort que l'administration a considéré que les aides qu'elle avait consenties aux deux sociétés MMC et DHS, filiales de la Financière Gutenberg, représentaient un acte anormal de gestion dès lors que ces deux sociétés travaillent exclusivement pour son compte et qu'elle avait un intérêt à les soutenir commercialement ;
- le taux d'intérêt de 2% retenu par le service et appliqué aux avances consenties ne repose sur aucun fondement et n'a pas été fixé contradictoirement lors de l'entretien avec l'administration du 30 juillet 2015 ;
En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :
- la pénalité pour manquement délibérée n'est pas fondée dès lors que lors d'une précédente vérification de comptabilité réalisée en 2004, l'administration fiscale ne lui a fait aucune observation sur le régime de TVA appliqué, à savoir la TVA versée lors de la livraison des immeubles, qu'elle a donc continué à appliquer pour les années postérieures.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Rhin Habitat ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Rhin Habitat exerce une activité de construction et de commercialisation de maisons individuelles. Elle a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité, l'une portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, la seconde portant sur l'ensemble de l'année 2014. Au terme de ces contrôles, par une proposition de rectification du 25 août 2015, établie selon la procédure de rectification contradictoire, le service lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, s'élevant à 508 760 euros en droits et 272 785 euros de pénalités. L'administration l'a, en outre, assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, d'un montant total de 45 823 euros. La SARL Rhin Habitat relève appel du jugement du 27 décembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas fait entièrement droit à sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ".
3. Il résulte de l'instruction que l'administration a répondu dans sa réponse aux observations du contribuable du 10 décembre 2015 à l'argumentation développée par la SARL Rhin Habitat dans ses observations du 23 octobre 2015 en indiquant que la qualification des contrats au regard du droit civil est sans incidence sur le litige et en rappelant que les principes relatifs au fait générateur et à l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) étaient applicables aux opérations de construction d'immeubles, quelle que soit leur base juridique. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la réponse aux observations du contribuable ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire. (...) IV. 1° Les opérations autres que celles qui sont définies au II, notamment la cession ou la concession de biens meubles incorporels, le fait de s'obliger à ne pas faire ou à tolérer un acte ou une situation, les opérations de façon, les travaux immobiliers et l'exécution des obligations du fiduciaire, sont considérés comme des prestations de services ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; a bis) Pour les livraisons autres que celles qui sont visées au c du 3° du II de l'article 256 ainsi que pour les prestations de services qui donnent lieu à l'établissement de décomptes ou à des encaissements successifs, au moment de l'expiration des périodes auxquelles ces décomptes ou encaissements se rapportent ; (...) 2. La taxe est exigible : a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b, c, d et e du 1, lors de la réalisation du fait générateur ; (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits... Les entrepreneurs de travaux immobiliers peuvent, dans des conditions et pour les travaux qui sont fixés par décret, opter pour le paiement de la taxe sur les livraisons. ". Pour l'application de l'article 256 et du 2 de l'article 269 du code général des impôts, doivent être regardées comme des travaux immobiliers les opérations qui concourent directement à l'édification d'un bâtiment, laquelle doit s'entendre non seulement de la construction du bâtiment lui-même, mais aussi de la réalisation des équipements généraux qui l'accompagnent normalement, dès lors qu'ils ne sont pas destinés à être déplacés et qu'ils s'incorporent à l'immeuble. En conséquence, les travaux immobiliers ne comprennent pas la réalisation d'installations particulières répondant à une utilisation spéciale du bâtiment édifié.
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation : " Toute personne qui se charge de la construction d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage d'après un plan qu'elle a proposé ou fait proposer doit conclure avec le maître de l'ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l'article L. 231-2. Cette obligation est également imposée : a) A toute personne qui se charge de la construction d'un tel immeuble à partir d'un plan fourni par un tiers à la suite d'un démarchage à domicile ou d'une publicité faits pour le compte de cette personne ; b) A toute personne qui réalise une partie des travaux de construction d'un tel immeuble dès lors que le plan de celui-ci a été fourni par cette personne ou, pour son compte, au moyen des procédés visés à l'alinéa précédent. Cette personne est dénommée constructeur au sens du présent chapitre et réputée constructeur de l'ouvrage au sens de l'article 1792-1 du code civil reproduit à l'article L. 111-14. " L'article L. 231-3 du même code dispose que : " Dans le contrat visé à l'article L. 231-1, sont réputées non écrites les clauses ayant pour objet ou pour effet : (...) f) D'interdire au maître de l'ouvrage la possibilité de visiter le chantier, préalablement à chaque échéance des paiements et à la réception des travaux. ".
6. Il résulte de l'instruction, notamment de la lecture du contrat-type produit par la société requérante, que les contrats de construction de maison individuelle en litige portent sur la réalisation d'une maison individuelle par la SARL Rhin Habitat, désignée en qualité de constructeur, au profit de son client. Ce dernier, qui a la qualité de maître d'ouvrage, est, en vertu de l'article 5 dudit contrat, nécessairement propriétaire du terrain à bâtir et peut réaliser lui-même une partie des prestations de construction. La réalisation de la maison individuelle comprend ou non la fourniture du plan de la construction par la société requérante, laquelle peut également réaliser la conclusion des marchés de travaux avec chacune des entreprises de travaux immobiliers sous-traitantes et, le cas échéant, l'accomplissement des démarches et formalités nécessaires à l'obtention du permis de construire et des autres autorisations administratives. Il est par ailleurs constant que les contrats en litige prévoient en leur article 16 un échéancier précis des versements dus par le maître d'ouvrage qui est calqué sur les travaux accomplis par la société requérante. Par ailleurs, et comme l'ont relevé les premiers juges, les dispositions précitées de l'article L. 231-3 du code de la construction et de l'habitation autorisent le client, maître d'ouvrage, à visiter le chantier, préalablement à chaque échéance des paiements et à la réception des travaux, laquelle ne constitue pas un transfert de bien meuble corporel. Par suite, les prestations réalisées par la SARL Rhin Habitat ne consistent pas, comme cette dernière l'affirme, à livrer des immeubles achevés mais doivent être regardées comme des travaux immobiliers au sens de l'article 256 précité du code général des impôts. Or, si l'article 269 2 c) prévoit que " les entrepreneurs de travaux immobiliers peuvent, dans les conditions et pour les travaux qui sont fixés par décret, opter pour le paiement de la taxe sur les livraisons ", option qui en tout état de cause n'est pas établie en l'espèce, les conditions d'application de ce régime particulier, précisées à l'article 78 de l'annexe III au code général des impôts, excluent expressément au 2° " la construction et (...) la livraison des immeubles destinés à être affectés à l'habitation pour les trois quart au moins de leur superficie ". Dans ces conditions, les contrats conclus par la SARL Rhin Habitat ne relevant pas de la livraison de biens, les travaux immobiliers réalisés dans leur cadre doivent être regardés comme des prestations de service, en application des dispositions précitées du IV de l'article 256 du code général des impôts, et être soumis en matière d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée aux règles définies au c) du 2 de l'article 269 précité du code général des impôts, nonobstant leur qualification au regard du droit civil. Il s'ensuit que la SARL Rhin Habitat n'est pas fondée à demander que les travaux qu'elle réalise dans le cadre des contrats de construction de maison individuelle qu'elle conclut avec ses clients soient considérés comme des livraisons de biens. Par suite, c'est par une exacte application de la loi fiscale que l'administration a rappelé la taxe que la société requérante avait acquittée selon le régime des livraisons de biens alors qu'elle était exigible dès l'encaissement des avances versées par les clients.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ".
8. La SARL Rhin Habitat ne peut utilement invoquer, sur le fondement de ces dispositions, le paragraphe n° 170 de la doctrine BOI-TVA-CHAMP-20-50-30-20120912 qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
9. En premier lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés... ". Il résulte de ces dispositions que les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont, en ce qui concerne les travaux d'entreprise, rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la réception complète ou partielle, même provisoire ou faite avec réserves, ou, à défaut et au plus tard, à l'exercice au cours duquel les travaux ont été achevés et mis à la disposition du maître de l'ouvrage.
10. Il résulte de l'instruction que la SARL Rhin Habitat a perçu du client Mauro/Stantina, en exécution d'un contrat de construction d'une maison individuelle conclu le 29 mars 2011, des avances s'élevant à un montant total de 109 314 euros, qui n'ont pas été incluses dans ses produits au motif que ce client refusait de signer la réception du chantier en raison de certaines malfaçons. Toutefois, il n'est pas contesté que, comme le fait valoir l'administration en défense, ce client a emménagé le 1er janvier 2014 dans l'immeuble en cause. Par suite, dès lors que le maître de l'ouvrage a obtenu la disposition des locaux antérieurement à la clôture de l'exercice 2014, c'est à bon droit que l'administration a rattaché à cet exercice les produits correspondants, nonobstant l'absence de réception des travaux.
11. En deuxième lieu, il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Les prêts sans intérêts ou assortis d'un taux minoré ainsi que l'abandon de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers, ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Cette règle doit recevoir application même si le bénéficiaire de ces avances est une filiale, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages consentis par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l'hypothèse où l'entreprise apporte une telle justification, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que cette contrepartie est dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que sa rémunération est excessive.
12. Pour justifier les avances en litige, consenties sans intérêt aux deux sociétés DHS et MMC, filiales de la Financière Gutenberg, la SARL Rhin Habitat affirme qu'elle était liée par une relation d'affaires étroite avec ces deux sociétés qui connaissaient des difficultés financières et qu'elle avait donc un intérêt commercial à les soutenir financièrement. Elle fait valoir que l'intervention de ces deux sociétés dans la réalisation de ses prestations lui est essentielle pour pouvoir présenter un coût plus bas que la concurrence. Elle précise ainsi que la société DHS était chargée de l'intégralité de son service après-vente, de l'organisation et de l'intendance des salons et portes ouvertes et que la société MMC était chargée de la mise au point des avants projets techniques et thermiques et de l'élaboration des demandes de permis de construire. Elle en déduit que c'est à tort que l'administration a considéré que ces avances constituaient un acte anormal de gestion et a réintégré dans son résultat les intérêts qu'elle avait renoncé à percevoir, au taux de 2%,
13. D'abord, il résulte de l'instruction que l'administration fait valoir, sans être contredite sur ce point, que les prestations assurées par ces sociétés sont d'un volume modeste au regard de l'activité de la SARL Rhin Habitat. Par ailleurs, si la société requérante fait état de l'avantage concurrentiel dont elle bénéficierait en ayant recours à ces sociétés, elle ne le démontre par aucune pièce, alors que, comme le fait valoir l'administration, elle pouvait également faire appel, pour les prestations visées au point précédent, à la concurrence locale. Dans ces conditions, l'intérêt commercial allégué par la SARL Rhin Habitat et, par suite, l'existence d'une contrepartie aux avances sans intérêts consenties ne peut être regardé comme établi et l'administration doit être regardée comme démontrant l'existence d'un acte anormal de gestion.
14. Ensuite, le caractère normal ou anormal de la rémunération des avances de fonds consenties par une entreprise à une autre ne peut pas être valablement apprécié, en ce qui concerne le prêteur, par rapport au taux de base moyen du marché bancaire, qui rémunère l'escompte des effets privés entre banques, mais doit l'être par rapport à la rémunération que le prêteur pourrait obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel il placerait, dans des conditions analogues, des sommes d'un montant équivalent.
15. Contrairement à ce que soutient la société requérante, et comme l'ont relevé les premiers juges, le taux d'intérêt de 2 % retenu par l'administration n'est pas excessif dès lors qu'il est inférieur au taux qu'elle-même a dû supporter pour financer les avances consenties aux sociétés DHS et MMC, soit 3,99 % s'agissant du prêt de 125 000 euros accordé le 8 octobre 2013 par la Banque populaire d'Alsace Lorraine Champagne. Par ailleurs, la circonstance, au demeurant non établie, que ce taux d'intérêt de 2% n'aurait pas été fixé de manière contradictoire lors de l'entretien du 30 juillet 2015 ne saurait être utilement invoquée par les requérants.
Sur les pénalités :
16. Aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.
17. Pour justifier l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale fait valoir que la SARL Rhin Habitat ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnelle de la construction, les règles régissant l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée. Elle relève ainsi qu'en décalant systématiquement la déclaration de la taxe exigible normalement lors de l'encaissement des acomptes versés par ses clients à la date de livraison du bien immobilier construit, la SARL Rhin Habitat s'est procurée au détriment du trésor public, sur plusieurs exercices, une avance de trésorerie portant sur un montant s'élevant à 552 291 euros. Ce faisant, l'administration démontre l'intention de la société requérante d'éluder l'impôt, sans que celle-ci puisse utilement soutenir que lors d'une précédente vérification de comptabilité menée en 2004, l'administration n'aurait pas remis en cause le régime de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait appliqué lors de la période vérifiée. Par suite, l'application de la pénalité de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts était justifiée et le moyen doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Rhin Habitat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
19. La présente instance n'a pas donné lieu à des dépens. Par suite, les conclusions présentées par la société Rhin Habitat sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Rhin Habitat est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Rhin Habitat et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
2
N° 19NC00262