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22/06/2021 | FRANCE | N°21NC00069

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 22 juin 2021, 21NC00069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Mme D... F... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obl

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Mme D... F... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 2005474, 2005475 du 9 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée, sous le n° 21NC00069, le 9 janvier 2021, Mme D... F..., épouse A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 9 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'un an, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II.- Par une requête, enregistrée, sous le n° 21NC00071, le 9 janvier 2021, M. B... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 9 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'un an, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet s'est cru lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 25 mai 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M et Mme A..., ressortissants albanais, sont entrés en France en 2013, avec leur fille majeure, et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par une décision du 23 février 2015, l'OFPRA a rejeté leurs demandes de réexamen. Les requérants ont fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 23 mars 2015. Le 11 août suivant, ils ont sollicité un titre de séjour en raison de leur état de santé et le préfet du Haut-Rhin leur a opposé un refus le 19 août 2015. Le 7 décembre 2015, Mme A... a renouvelé sa demande, que le préfet a rejetée le 17 décembre 2015. Le 10 octobre 2016, M. A... a sollicité un titre de séjour en se prévalant de son état de santé que le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer par une décision du 17 novembre 2016. Par un jugement du 30 septembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision et enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A.... Le 17 septembre 2019, M. et Mme A... ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des arrêtés du 8 juillet 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office. M. et Mme A... font appel du jugement du 9 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. Ces deux requêtes concernent les membres d'une même famille. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par le même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ".

4. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code alors en vigueur : " Pour l'application du 11 de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Par un avis rendu le 16 juin 2020, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers l'Albanie.

7. D'une part, il ne ressort pas des motifs de la décision en litige que le préfet du Haut-Rhin, se serait estimé lié par l'avis, dont il s'est approprié les motifs, rendu par le collège de médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence et ainsi commis une erreur de droit doit être écarté.

8. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'un état de stress post-traumatique qui, selon le certificat médical du 22 septembre 2020, nécessite des soins réguliers et de troubles cardiaques de type coronaropathie, d'une dilatation de l'aorte et d'hypertension artérielle, les pièces médicales produites par l'intéressé, notamment le certificat médical du 22 septembre 2020, qui se borne à mentionner qu'un retour dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa santé en raison de l'absence de certitude quant à l'efficacité des soins en Albanie, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis émis par le collège de médecins concernant l'existence et l'accessibilité effective à un traitement adapté à son état de santé. En outre, ni le rapport d'examen du 10 décembre 2014 qui mentionne que les lésions cutanées que présente M. A... sont compatibles avec l'agression qu'il relate avoir vécue dans son pays d'origine, ni le certificat médical du 22 septembre 2020, qui se borne à reprendre les déclarations de l'intéressé, ne permettent de démontrer que ses troubles psychiatriques seraient en lien avec des évènements violents vécus en Albanie et qui, en conséquence, s'opposeraient à ce qu'il puisse être regardé comme pouvant y bénéficier d'un traitement effectif. Il ressort de plus des pièces produites par le préfet du Haut-Rhin que l'Albanie dispose d'une offre de soins complète et équivalente à celle proposée dans les pays d'Europe de l'ouest pour prendre en charge les problèmes psychiatriques ainsi que des médicaments nécessaires au traitement des troubles cardiaques qu'il présente et qui, au demeurant, restent stables. Par suite, le moyen invoqué par M. A... tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. Il ressort des pièces du dossier que si M. et Mme A... sont présents en France depuis plus de sept ans à la date des décisions en litige, ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 59 et 50 ans en Albanie. Par ailleurs, les nombreux témoignages produits par les requérants attestant, plus particulièrement de la participation active de Mme A... à des activités bénévoles, notamment au sein de la fondation de l'Armée du Salut ou de l'association Saint-Vincent-de-Paul, ne sont pas à elles-seules suffisantes pour justifier de leur intégration particulière à la société française alors qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... ne comprend et ne parle pas le français. Par ailleurs, si leurs deux filles résident régulièrement en France, elles ne vivent pas avec eux. Dans ces conditions, le préfet du Haut-Rhin n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. et Mme A... en refusant de leur délivrer un titre de séjour.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

10. L'illégalité des décisions de refus de titre de séjour n'étant pas établie, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français doivent, par voie de conséquence, être annulées.

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 à 8, le moyen invoqué par M. A... tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. Pour les mêmes motifs que ceux cités au point 9, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

13. L'illégalité des décisions de refus de titre de séjour n'étant pas établie, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de destination doivent, par voie de conséquence, être annulées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par les requérants à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes n°s 21NC00069 et 21NC00071 de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.

N°s 21NC00069 et 21NC00071 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 21NC00069
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stephane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SABATAKAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-22;21nc00069 ?
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