Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt mois.
M. C... a également demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du même jour par lequel le même préfet l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours dans le département de Meurthe-et-Moselle.
Par un jugement nos 2002479 - 2002480 du 14 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2020, M. E... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 2002479 - 2002480 du tribunal administratif de Nancy du 14 octobre 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés contestés ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, ou à tout le moins une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, le jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors que le préfet s'est borné à produire des pièces non accompagnées d'un mémoire en défense et que ces pièces ne lui ont été communiquées que quelques minutes avant le début de l'audience ; il est entaché d'un défaut de motivation, le tribunal n'ayant pas entièrement répondu à son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision ;
- en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence , le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de l'irrégularité de la notification de la décision ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la signataire de la décision n'a pas reçu délégation pour signer les obligations de quitter le territoire français ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- le préfet n'a pas statué sur la demande de délivrance d'un titre de séjour qu'il lui avait présentée sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est cru à tort lié dans l'examen de sa situation ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
- la signataire de la décision ne disposait pas d'une délégation à cette fin ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- il s'est cru, à tort, tenu de lui refuser un délai de retour ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit, compte tenu du contexte de restriction des vols internationaux lié à la pandémie et à la situation en Arménie, pays dont les frontières terrestres sont fermées ;
- la décision est dépourvue de base légale compte tenu de la mention de dispositions concurrentes, et dès lors que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires aux articles 1er et 3 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- la décision n'est pas justifiée, dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et ne présente pas de risque de fuite ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la signataire de la décision ne disposait pas d'une délégation à cette fin ;
- il n'a pas été mis à même de présenter ses observations au préalable ;
- la décision est entachée d'erreur de droit, le préfet s'étant fondé sur l'analyse de l'Office de protection des réfugiés et apatrides sans exercer sa propre appréciation ;
- elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- la signataire de la décision ne disposait pas d'une délégation à cette fin ;
- le préfet n'a pas envisagé la possibilité de ne pas lui interdire le retour sur le territoire français à titre humanitaire ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
- la signataire de la décision ne disposait pas d'une délégation à cette fin ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle ne lui a pas été régulièrement notifiée ;
- son droit à être entendu a été méconnu, alors qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations, et a été empêché de les faire valoir ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision méconnaît l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, tant dans son principe que dans sa durée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2021, le préfet de
Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité du jugement en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français :
1. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ".
2. Le requérant fait valoir que le préfet s'est borné à produire des pièces, non accompagnées d'un mémoire en défense lui permettant d'en apprécier la portée, et que ces pièces ne lui ont été communiquées que quelques minutes avant le début de l'audience. Il résulte de l'instruction que les pièces en cause sont les arrêtés contestés par l'intéressé, un précédent jugement et une main-courante le concernant et une convocation qui lui a été adressée, un courrier de sa part et quelques procès-verbaux de ses auditions. Tous ces documents, notamment les procès-verbaux d'audition, qu'il a signés, étaient donc déjà connus de l'intéressé. En outre, eu égard à leur teneur réduite, il ne résulte pas de l'instruction qu'il n'était pas à même de les examiner utilement avant l'audience devant le tribunal. Du reste, si, lors de cette audience, il s'est plaint de leur communication tardive, il n'a pas sollicité un délai pour pouvoir les examiner plus attentivement. Dans ces conditions, alors que, dans le cadre de la procédure contentieuse prévue par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les affaires sont instruites en l'espace de 96 heures et que, conformément à l'article R. 776-26 du code de justice administrative, leur instruction est close après que les parties ont formulé leurs observations orales, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui communiquant ces éléments peu avant le début de l'audience, le tribunal a méconnu le principe du contradictoire.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. Contrairement à ce que soutient M. C..., le tribunal a répondu de manière complète à son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté au point 4 du jugement attaqué, en se prononçant tant sur l'existence, que sur la portée de la délégation de signature dont bénéficiait la secrétaire générale de la préfecture de Meurthe-et-Moselle.
En ce qui concerne la régularité du jugement en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence :
5. Le requérant fait valoir que le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de l'irrégularité de la notification de la décision. Toutefois, un tel moyen étant inopérant en excès de pouvoir, le tribunal n'était pas tenu d'y répondre, et n'a donc entaché son jugement d'aucune irrégularité en s'abstenant de le faire.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen commun à toutes les décisions contestées :
6. Par un arrêté du 21 janvier 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 22 janvier 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à Mme D..., secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer les décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflits. L'ensemble des décisions contestées entrant ainsi dans le champ de cette délégation de signature, dont l'exercice n'est pas subordonné à l'empêchement du préfet, le moyen tiré de ce que Mme D... n'était pas habilitée à les signer doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, les considérations circonstanciées relatives à la situation personnelle du requérant permettent de vérifier que le préfet a procédé à un examen particulier de cette situation. Sont, à cet égard, sans incidence les deux erreurs de plume qu'il comporte s'agissant de l'identité et de la nationalité de l'intéressé.
8. En deuxième lieu, M. C... soutient qu'il avait présenté une demande d'admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur laquelle le préfet aurait omis de statuer avant de l'obliger à quitter le territoire français. Toutefois, il n'apporte aucun élément pour établir l'existence d'une telle demande, laquelle ne ressort pas des mentions de l'arrêté contesté.
9. En troisième lieu, en se bornant à soutenir que " le préfet s'est cru à tort lié dans le cadre de l'examen de la situation du requérant : il indique qu'aucuns motifs humanitaires et exceptionnels ", sans achever cette phrase, le requérant ne met pas la cour à même d'apprécier la portée du moyen qu'il a entendu soulever.
10. En quatrième lieu, les seules circonstances que deux des enfants du requérant sont scolarisés en France et qu'un troisième y est né ne suffisent pas à établir que la décision contestée porte une atteinte excessive au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ou serait contraire à l'intérêt supérieur de ses enfants. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
11. En premier lieu, M. C... reprend en appel ses moyens tirés du défaut de motivation de la décision, de la méconnaissance de son droit à être entendu, du défaut d'examen particulier et du défaut de base légale de la décision, tant en raison de la contrariété des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par rapport aux articles 1er et 3 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, qu'en raison de la pluralité des dispositions visées par l'arrêté contesté. En l'absence de tout élément nouveau apporté par le requérant en appel sur ces différents moyens, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit et à juste titre par la première juge.
12. En deuxième lieu, si le requérant soutient que le préfet a commis une erreur de droit en refusant de lui accorder ce délai, compte tenu du contexte de restriction des vols internationaux lié à la pandémie de coronavirus et à la situation de conflit dans le Haut-Karabagh, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, il était dans l'impossibilité de retourner immédiatement en Arménie.
13. En troisième lieu, il est constant que, depuis son arrivée en France en 2016, M. C..., a fait l'objet, le 31 juillet 2019, d'une première mesure d'éloignement à l'exécution de laquelle il s'est soustrait en n'y déférant pas. Par suite, il se trouvait dans la situation où, en application des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Meurthe-et-Moselle pouvait légalement décider de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire.
14. En quatrième lieu, et pour autant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet s'est cru tenu de refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.
15. En cinquième lieu, en se bornant à soutenir qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, ce que le préfet n'a pas relevé à son encontre, et qu'il ne présente pas de risque de fuite, ce que contredit son comportement passé, ainsi que la circonstance, mentionnée dans l'arrêté contesté, qu'il a changé d'adresse sans en informer les autorités compétentes, le requérant n'établit pas que le préfet a commis une erreur d'appréciation en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
16. En premier lieu, le requérant reprend en appel, sans apporter le moindre élément nouveau, son moyen de la violation de son droit à être entendu. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit et à juste titre par la première juge.
17. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour apprécier la situation de M. C... au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet s'est cru lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant la demande d'asile de l'intéressé.
18. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
19. Si le requérant soutient qu'un retour dans son pays l'exposerait à des traitements contraires à ces stipulations, il n'apporte aucun élément à l'appui de cette affirmation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
20. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
21. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui énonce les considérations de droit constituant le fondement de l'interdiction de retour sur le territoire en litige, comporte également un examen de la situation personnelle et familiale du requérant, notamment au regard de l'ancienneté de son séjour et de ses liens en France, rappelle qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement, à laquelle il s'est soustrait, et précise que son comportement ne semble pas représenter, pour l'heure, une menace pour l'ordre public. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet a motivé sa décision au regard de chacun des quatre critères prévus par les dispositions précitées pour fixer la durée de l'interdiction de retour.
22. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu de vérifier si des circonstances humanitaires ne faisaient pas, en l'espèce, obstacle à l'interdiction de retour en litige.
23. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation en fixant à 20 mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
24. En premier lieu, le requérant reprend en appel ses moyens tirés du défaut de motivation de la décision, de la méconnaissance de son droit à être entendu, du défaut d'examen particulier de sa situation et de la méconnaissance de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'absence de tout élément nouveau apporté par le requérant en appel sur ces différents moyens, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit et à juste titre par la première juge.
25. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. C..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
N° 20NC03306 2