Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 18 avril 2019 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 1901645 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 novembre 2020, M. E... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision relative à l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement n° 1901645 du tribunal administratif de Nancy du 15 octobre 2020 ;
3°) d'annuler la décision contestée ;
4°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, ou à tout le moins une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision est entachée d'incompétence, dès lors que son signataire ne bénéficiait pas d'une délégation de signature régulière ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que : le préfet n'a pas consulté la commission du titre de séjour ; son droit à être entendu n'a pas été respecté ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions des articles
L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- son état de santé justifie son admission au séjour en France, dès lors qu'il ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2021, le préfet de
Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions aux fins de sursis à statuer et d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
1. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait saisi le bureau d'aide juridictionnelle d'une demande d'aide juridictionnelle et ce malgré la demande de régularisation qui lui a été adressée par le greffe le 12 novembre 2020. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions susmentionnées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, par arrêté du 30 août 2018, publié le jour même, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation au directeur de la citoyenneté et de l'action locale et, en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier, à son adjointe, Mme B..., à l'effet de signer les décisions relevant du service de l'immigration et de l'intégration de la préfecture. Contrairement à ce que fait valoir le requérant, cette délégation n'est nullement générale ou imprécise, puisqu'elle énumère les décisions ou catégories de décisions pour lesquelles elle est donnée, notamment celles relatives au séjour des étrangers. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de la citoyenneté et de l'action locale n'était pas absent ou empêché lorsque Mme B... a signé la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision doit être écarté.
3. En deuxième lieu, le droit à être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union Européenne, se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'un refus pourra être opposé à sa demande, voire qu'une mesure d'éloignement pourra être prise à son encontre. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations.
4. La décision contestée a été prise en réponse à une demande de M. D.... Il appartenait donc à ce dernier, lors du dépôt de sa demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions utiles et, le cas échéant, de faire valoir tout élément nouveau au cours de l'instruction de sa demande. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été empêché de le faire, M. D... n'est pas fondé à soutenir que son droit à être entendu a été méconnu.
5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... a sollicité son admission au séjour à un autre titre que son état de santé, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Dès lors, le préfet n'avait pas à analyser la situation de l'intéressé, ni à motiver sa décision au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 de ce code. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation de la décision, du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé et de l'erreur de droit ne peuvent qu'être écartés.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
7. Par un avis du 17 août 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la Serbie. Cette appréciation, que le préfet s'est appropriée, fait présumer que l'état de santé de M. D... n'est pas de nature à justifier son admission au séjour en France. Aucun des éléments apportés par M. D..., et notamment pas ses différents certificats médicaux, ne permet d'en remettre en cause le bien-fondé. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
8. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté comme étant inopérant, dès lors que M. D... n'a pas sollicité son admission au séjour sur leur fondement.
9. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. D..., ressortissant serbe, soutient qu'il réside en France avec son épouse et ses enfants depuis mai 2001, que le reste de sa famille est établie en France et qu'il n'a plus d'attache au Kosovo, dont il est originaire. Toutefois, les éléments qu'il fait valoir, consistant en des demandes qu'il a adressées à l'administration à partir de 2003 et des décisions que celle-ci, ainsi que la juridiction administrative, ont prises depuis, ne suffisent pas à établir qu'il aurait habituellement résidé sur le territoire national pendant toute cette période. Par ailleurs, son épouse est également en situation irrégulière, il n'apporte aucune précision au sujet de ses enfants ou de ses petits-enfants qui seraient nés en France et, à supposer même qu'il appartienne à la communauté rom, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il lui serait impossible de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de l'admettre au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Pour les mêmes raisons, doit également être écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.
12. Ainsi qu'il vient d'être dit que M. D... ne remplit pas ces conditions. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une irrégularité en s'abstenant de consulter au préalable la commission mentionnée par les dispositions précitées.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. D..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
N° 20NC03291 2