La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2021 | FRANCE | N°20NC02487

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 22 juin 2021, 20NC02487


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 7 septembre 2018 par laquelle le président du centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite, dont le siège se trouve à Trémery, a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1806867 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2020, Mme B...

A..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1806867 du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 7 septembre 2018 par laquelle le président du centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite, dont le siège se trouve à Trémery, a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1806867 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2020, Mme B... A..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1806867 du tribunal administratif de Strasbourg du 3 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision du président du centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite du 7 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au président du centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite de statuer à nouveau sur sa demande de protection fonctionnelle ;

4°) de condamner le centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite aux entiers frais et dépens et de mettre à sa charge la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la décision du 7 septembre 2018 est illégale dès lors que, étant victime d'agissements de harcèlement moral sur son lieu de travail de la part de son supérieur hiérarchique, le président du centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite aurait dû lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 28 mai 2021, le centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen invoqué par Mme A... n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,

- et les observations de Me E... pour le centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite.

Considérant ce qui suit :

1. Rédactrice principale de 1ère classe, Mme B... A... est fonctionnaire territoriale. Après avoir occupé un emploi d'agent d'accueil à la mairie de Trémery (Moselle), elle exerce, depuis le 1er avril 2010, les fonctions de secrétaire générale au sein du centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite, dont le siège se trouve sur le territoire de cette commune. S'estimant victime d'agissements de harcèlement moral depuis le mois de décembre 2012, de la part du directeur de l'établissement public de coopération, elle a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle par un courrier du 11 juillet 2018. Par une décision du 7 septembre 2018, le président du centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite a refusé de faire droit à la demande de l'intéressée. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 7 septembre 2018. Elle relève appel du jugement n° 1806867 du 3 mars 2020 qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...) / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " I.- En raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. / (...) / IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / (...) ".

3. D'une part, ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

4. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

5. Il est constant que Mme A... a été placée en arrêt de travail, à compter du 22 juin 2018, pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel et que cet arrêt de travail, à l'issue de la contre-visite médicale du 19 juillet 2018, a été considéré comme médicalement justifié. Toutefois, il ne ressort pas des éléments médicaux versés aux débats, notamment du certificat médical du médecin traitant de l'intéressée du 9 juillet 2018, que ces troubles psychiatriques seraient la conséquence d'agissements de harcèlement de moral sur son lieu de travail, ni même d'ailleurs du ressenti de l'agent face à des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de son activité professionnelle. En outre, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, le président du centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite n'a pas, en décidant de la soumettre à une contre-visite médicale, excédé les limites de l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique.

6. Par ailleurs, Mme A... fait valoir qu'elle est victime, depuis le mois de décembre 2012, d'agissements de harcèlement moral de la part du directeur du centre intercommunal, qui se caractérisent par une attitude et un comportement désobligeants à son égard, par des propos rabaissants, humiliants, voire injurieux, par un manque de reconnaissance et par des reproches constants concernant ses prétendues fautes. Toutefois, de telles allégations, au demeurant peu précises et circonstanciées, ne sont corroborées par aucun élément du dossier. Elles sont, en outre, fortement contestées par le rapport du 10 novembre 2018, adressé au président du centre intercommunal, à sa demande, par le directeur mis en cause, ainsi que par trois attestations de collègues datées des 3 janvier, 31 janvier et 1er février 2019. Si Mme A... soutient qu'elle aurait consigné par écrit l'ensemble des faits litigieux, il est constant qu'elle n'a pas jugé utile de porter ce document à la connaissance de son employeur, ni de le joindre à sa demande de première instance et à sa requête d'appel. L'intéressée n'a pas davantage donné suite à la proposition du président du centre intercommunal de la recevoir en entretien afin qu'elle puisse s'exprimer sur ces faits.

7. Enfin, le centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite fait valoir, en défense, que la manière de servir de Mme A..., qui a donné lieu à plusieurs rappels à l'ordre, n'est pas exempte de reproches et que sa plainte pour harcèlement moral, déposée le 24 juillet 2018 à la brigade de gendarmerie de Vigy, a été classée sans suite, le 27 juin 2019, pour infraction insuffisamment caractérisée, l'expertise psychiatrique, diligentée par le procureur de la République de Metz dans le cadre de cette procédure pénale, ayant conclu, à la suite de l'examen de l'intéressée le 11 septembre 2018, à l'absence d'élément en faveur du harcèlement moral. Le défendeur se prévaut également d'un courrier du 8 décembre 2017 dans lequel la requérante, déclinant une proposition de poste du maire de Trémery, a indiqué se sentir pleinement " épanouie " dans ses fonctions actuelles.

8. Dans ces conditions, alors même qu'une collègue de l'intéressée aurait également déposé plainte pour harcèlement moral contre le directeur du centre intercommunal, les éléments du dossier ne permettent pas de faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral à l'encontre de Mme A.... Par suite, le président du centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite n'a pas commis d'illégalité en refusant de faire droit à la demande de protection fonctionnelle de l'agent.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du président du centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite du 7 septembre 2018. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les dépens :

10. La présente instance n'ayant pas généré de dépens, les conclusions présentées par Mme A... en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de justice :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement au défendeur d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera au centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre intercommunal d'action sociale de la Rive droite.

N° 20NC02487 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20NC02487
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SCP DUMUR - MAAS - GENY - LA ROCCA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-22;20nc02487 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award