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22/06/2021 | FRANCE | N°19NC01406

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 22 juin 2021, 19NC01406


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... H..., M. I... B..., M. E... L... Q..., M. G... H... Q..., M. N... D... Q..., M. M... F... Q..., M. I... B... Q... et Mme O... P... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le règlement du service de collecte des déchets ménagers du syndicat mixte intercommunal pour l'enlèvement des ordures ménagères de Bischwiller et environs en tant que ses articles 4, 4.4 et 4.5 sont entachés d'illégalité.

Par un jugement nos 1605182, 1703075, 1703626, 1703868, 1703968, 1704456, 17044

57, 1802991 du 6 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... H..., M. I... B..., M. E... L... Q..., M. G... H... Q..., M. N... D... Q..., M. M... F... Q..., M. I... B... Q... et Mme O... P... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le règlement du service de collecte des déchets ménagers du syndicat mixte intercommunal pour l'enlèvement des ordures ménagères de Bischwiller et environs en tant que ses articles 4, 4.4 et 4.5 sont entachés d'illégalité.

Par un jugement nos 1605182, 1703075, 1703626, 1703868, 1703968, 1704456, 1704457, 1802991 du 6 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mai 2019 et le 2 octobre 2020, M. G... H..., désigné représentant unique, et 49 autres personnes, représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 mars 2019 ;

2°) d'annuler la délibération du 29 février 2016 du conseil communautaire de la communauté de communes du Pays Rhénan approuvant le règlement du service de collecte des déchets ménagers du syndicat mixte intercommunal pour l'enlèvement des ordures ménagères de Bischwiller et environs et en tout cas ses articles 4, 4.4 et 4.5 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays Rhénan la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision en litige méconnaît l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales dès lors que le montant de la redevance n'a pas été établi en considération du coût du service rendu, certains usagers n'ayant recours qu'au traitement des déchets (en déchetterie) sans collecte ; la facturation forfaitaire sur la base de trois types de bacs méconnaît ce principe ; elle méconnaît le principe d'égalité entre les usagers dès lors qu'elle ne tient pas compte du volume de déchets pour les bacs verts et jaunes ; la redevance pour les bacs bruns ne tient pas compte du service rendu dès lors qu'elle est fixée pour un nombre de levées et un poids maximum ne tenant pas compte du poids réel ; en outre les modalités précises de levées et de poids au-delà desquelles il y a un coût supplémentaire ne sont pas définies dans le règlement ;

- la redevance ne prévoit pas de différenciation selon les catégories d'usagers ;

- la règle d'équivalence, qui permet de tenir compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire, n'est pas applicable au service d'enlèvement des ordures ménagères ;

- le tarif ne repose pas sur des critères objectifs et rationnels dès lors que des usagers non pourvus de poubelles vertes et jaunes s'acquittent du même montant que ceux qui en sont dotés ; une redevance aurait dû être fixée pour les poubelles brunes, jaunes et vertes et une autre pour le traitement des déchets ;

- la redevance est disproportionnée par rapport au service rendu ; le budget excédentaire en section de fonctionnement et d'investissement démontre que la redevance est excessive ; le tarif de la redevance ne peut avoir d'autre objet que de financer le service rendu.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 mars 2020 et le 22 octobre 2020, la communauté de communes du Pays Rhénan, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire de M. H... Q... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. J...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,

- et les observations de Me C... pour les requérants et de Me K..., substituant Me A..., pour la communauté de communes du Pays Rhénan.

1. La communauté de communes du Pays Rhénan, qui a succédé au syndicat mixte intercommunal pour l'enlèvement des ordures ménagères de Bischwiller et environs, est chargée d'assurer la collecte et le traitement des déchets ménagers et assimilés. Par une délibération du 29 février 2016, elle a adopté le règlement de collecte des ordures ménagères proposé par le syndicat mixte intercommunal pour l'enlèvement des ordures ménagères de Bischwiller et environs. Ce règlement a notamment pour objet de déterminer l'assiette de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM) dont doivent s'acquitter les usagers. M. H..., désigné représentant unique, et 49 autres usagers doivent être regardés comme demandant à la cour d'annuler le jugement du 6 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la délibération du 29 février 2016 en tant qu'elle adopte les articles 4, 4.4 et 4.5 du règlement de collecte des ordures ménagères et assimilées.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable à la date de la délibération en litige : " Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes qui bénéficient de la compétence prévue à l'article L. 2224-13 peuvent instituer une redevance d'enlèvement des ordures ménagères calculée en fonction du service rendu dès lors qu'ils assurent au moins la collecte des déchets des ménages. (...) La redevance est instituée par l'assemblée délibérante de la collectivité locale ou de l'établissement public qui en fixe le tarif. Ce tarif peut, en raison des caractéristiques de l'habitat, inclure une part fixe qui n'excède pas les coûts non proportionnels et prévoir, pour les résidences constituées en habitat vertical ou pavillonnaire, une redevance globale calculée en fonction du nombre de résidents ou de la masse des déchets produits exprimée en volume ou en poids. (...) ".

3. Pour être légalement établie, une redevance pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou, le cas échéant, dans l'utilisation d'un ouvrage public et, par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service. Si l'objet du paiement que l'administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n'en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie. Il s'ensuit que le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire. Dans tous les cas, le tarif doit être établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d'égalité entre les usagers du service public et des règles de la concurrence.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du règlement du service de collecte des déchets ménagers du syndicat mixte intercommunal pour l'enlèvement des ordures ménagères de Bischwiller et environs, que le service d'élimination des déchets ménagers et assimilés comprend la collecte des ordures ménagères résiduelles déposées dans un bac brun, des déchets d'emballages ménagers recyclables déposés dans un bac jaune, des déchets en verre déposés dans un bac vert, le traitement des déchets ménagers et assimilés collectés, la collecte des déchets dans les déchetteries, le traitement des produits recyclables ainsi que l'élimination des autres déchets et, enfin, les frais de traitement administratif et comptable du service. Pour financer ce service, la communauté de communes du Pays Rhénan a mis en place, à compter du 1er janvier 2016, la redevance d'enlèvement des ordures ménagères prévue par l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales. Il résulte de l'article 4 de ce règlement que cette redevance incitative comprend, d'une part, une part fixe, correspondant à un certain nombre de levées et d'un poids maximum pour le bac brun, à 26 collectes par an non soumises au poids pour le bac jaune et à 12 collectes non soumises au poids pour le bac vert et, d'autre part, une part variable pour chaque levée et kilogramme supplémentaire pour les déchets résiduels en bac brun. Selon le règlement en litige, la part fixe correspondant à un nombre de levées minimales et à un volume donné d'ordures ménagères résiduelles et la part variable sont fixées chaque année par une délibération du conseil communautaire. Il résulte de l'article 4.4 de ce règlement que tout usager, même non doté d'un bac brun, se verra facturer au moins la somme forfaitaire annuelle correspondant au montant de la part fixe arrêté chaque année par délibération du conseil communautaire. Quant à l'article 4.5, il dispose que tout usager, même non doté d'une poubelle jaune ou verte, se verra facturer l'intégralité de la part fixe ainsi que la part variable correspondant à l'utilisation du bac brun.

En ce qui concerne le principe de proportionnalité :

5. En premier lieu, les requérants font valoir que le principe de proportionnalité est méconnu dès lors qu'ils sont tenus de verser la part fixe de la redevance alors même qu'ils n'utiliseraient pas l'intégralité des services de collecte et d'élimination des déchets.

6. Toutefois, si selon les dispositions des articles 4, 4.4 et 5 du règlement en litige rappelés au point 4, tous les usagers sont tenus de régler la part fixe correspondant à un nombre minimal de levées dans la limite d'un poids maximal de déchets résiduels, qu'ils disposent ou non d'un bac à déchets brun, jaune ou vert, il ne saurait en être déduit que la part fixe de la redevance excèdera nécessairement les coûts du service de collecte et d'élimination des déchets rendus à l'usager, incluant un nombre minimal de levées et un poids maximal de déchets résiduels, dès lors qu'il appartient au conseil communautaire d'arrêter chaque année, dans le respect du principe de proportionnalité, le montant de cette part fixe.

7. Par ailleurs, en admettant même que les requérants n'utiliseraient pas les services de collecte et d'éliminations des déchets en tout ou partie, ce qui paraît peu probable alors qu'il ressort des pièces du dossier que certains d'entre eux ont adopté un comportement déviant consistant à déposer leurs déchets en dehors du périmètre de compétence de la communauté de communes du Pays Rhénan, les dispositions du règlement en litige ne s'opposent pas à ce qu'ils saisissent d'une demande de décharge le juge judiciaire, compétent, s'ils sont en mesure d'établir qu'ils éliminent les déchets qu'ils produisent, dans le strict respect des règles du code de l'environnement, sans recourir au service de collecte et d'élimination des déchets mis en place par la communauté de communes du Pays Rhénan.

8. Dans ces conditions, M. H... Q... ne sont pas fondés à soutenir que le règlement en litige, notamment ses articles 4, 4.4 et 4.5, met nécessairement à leur charge une redevance sans rapport avec le coût du service rendu.

9. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que les résultats d'exploitation du service de collecte et d'élimination des déchets sont excédentaires depuis plusieurs années, ce qui établirait que la redevance d'enlèvement des ordures ménagères ne serait pas proportionnée au service rendu. Toutefois, un tel moyen ne peut être utilement invoqué à l'encontre du règlement en litige qui se borne à déterminer les caractéristiques de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères et ses redevables. Seule la délibération par laquelle le conseil communautaire arrêtera les tarifs de la redevance, notamment au titre de la part fixe, permettra d'apprécier si cette dernière est manifestement disproportionnée au regard du service rendu à l'usager.

10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des dispositions du règlement en litige, que la communauté de communes du Pays Rhénan a entendu intégrer dans le calcul de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères des coûts étrangers au service rendu, ni d'ailleurs qu'elle ne reposerait pas sur des critères objectifs et rationnels alors qu'elle est fondée sur le nombre de levées et le poids des déchets ménagers et assimilés à éliminer, notamment les déchets résiduels que les usagers sont incités à réduire.

11. En quatrième lieu, si le tribunal a rappelé que la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur du service peut être assurée non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire, il ne ressort pas des motifs de son jugement qu'il aurait justifié, en l'espèce, les modalités de détermination de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères par la contrepartie économique que les requérants retireraient de la mise en place du service. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier, et plus particulièrement du règlement en litige, que la détermination de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères prendrait en compte la valeur économique de la prestation pour ses bénéficiaires.

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la délibération en litige approuvant le règlement du service de collecte des déchets ménagers du syndicat mixte intercommunal pour l'enlèvement des ordures ménagères de Bischwiller et environs méconnaîtrait le principe de proportionnalité doit être écarté.

En ce qui concerne la rupture d'égalité :

13. Les requérants se prévalent à l'encontre de la délibération en litige d'une rupture d'égalité dès lors que la part fixe de la redevance est mise à la charge de tous les usagers, sans distinguer selon qu'ils utilisent ou non l'ensemble des bacs de collecte des déchets résiduels et recyclables et sans tenir compte des différentes catégories d'usagers et des quantités de déchets qu'ils produisent. Toutefois, le principe d'égalité n'implique pas que des personnes se trouvant dans des situations différentes soient soumises à des régimes différents. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la communauté de communes du Pays Rhénan n'aurait pas pris en considération les différentes catégories d'usager et les services dont ils bénéficient effectivement pour déterminer la part fixe de la redevance, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la délibération contestée qui approuve le règlement du service de collecte et d'élimination des déchets ménagers et assimilés.

14. La circonstance que le règlement en litige ne fixe pas le nombre de levées ni le volume maximum de déchets pour l'année au-delà duquel s'applique la part variable de la redevance, renvoyant sur ce point à une délibération que le conseil communautaire doit adopter annuellement, n'est pas en soi de nature à révéler une rupture d'égalité.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... Q... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la délibération du 19 février 2916 adoptant le règlement du service de collecte des déchets ménagers du syndicat mixte intercommunal pour l'enlèvement des ordures ménagères de Bischwiller et environs en tant que ses articles 4, 4.4 et 4.5 sont entachés d'illégalité.

Sur les dépens et les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes du Pays Rhénan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. H... Q... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. H... Q... la somme demandée par la communauté de communes du Pays Rhénan au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. H... Q... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté de communes du Pays Rhénan la communauté de communes du Pays-Rhénan sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... H... en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative et à la communauté de communes du Pays Rhénan.

N° 19NC01406 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19NC01406
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

135-02-03-03-06 Collectivités territoriales. Commune. Attributions. Services communaux. Ordures ménagères et autres déchets.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stephane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : BIHL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-22;19nc01406 ?
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