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17/06/2021 | FRANCE | N°20NC01282

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 20NC01282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le préfet de la Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement numéros 2000735 et 2000770 du 20 mars 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a réservé le jugement des conc

lusions dirigées contre le refus de séjour pour être jugées devant la formation coll...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le préfet de la Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement numéros 2000735 et 2000770 du 20 mars 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a réservé le jugement des conclusions dirigées contre le refus de séjour pour être jugées devant la formation collégiale et rejeté le surplus de cette demande.

Par un jugement numéro 2000735 du 18 juin 2020 le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. D... dirigée contre la décision de refus de séjour.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 23 juin 2020, sous le numéro 20NC01282 M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 mars 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office ;

3°) de faire injonction au préfet de la Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai déterminé à compter de l'arrêt et au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire : a été prise par une autorité incompétente ; a méconnu l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration en ce qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations ; est entachée d'erreur de droit en ce que l'autorité a méconnu l'étendue de sa propre compétence en s'estimant à tort en situation de compétence liée ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; viole l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; repose sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi : est insuffisamment motivée ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; viole l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

II.) Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2020, sous le numéro 20NC02045, M. D..., représenté, par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 lui refusant un titre de séjour ;

3°) de faire injonction au préfet de la Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai déterminé à compter de l'arrêt et au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision lui refusant un titre de séjour :

- a été prise par une autorité incompétente ; est insuffisamment motivée ; a été prise en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité tunisienne, né le 2 octobre 1992, est entré irrégulièrement sur le territoire français, selon ses déclarations, au cours de l'année 2015. En mai 2018, il a été rejoint par son épouse qui s'est vu délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, régulièrement renouvelé. Le 21 novembre 2018, M. D... a sollicité son admission au séjour en faisant valoir sa situation personnelle et familiale ainsi que sa volonté de travailler. Par une décision en date du 20 septembre 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par une décision en date du 12 mars 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a assigné M. D... à résidence. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, M. D... relève appel du jugement du 20 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente ou le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination et du jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision lui refusant un titre de séjour.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 septembre 2019 pris dans son ensemble :

2. Les décisions contestées sont signées par Mme Marie-Blanche C..., secrétaire générale de la préfecture de Meurthe-et-Moselle. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a délégué sa signature à Mme C..., par des arrêtés du 9 septembre 2019 et du 21 janvier 2020 régulièrement publiés au recueil des actes administratifs de la préfecture du 12 septembre 2019 et du 22 janvier 2020, pour " tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit ". Par conséquent, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit être écarté comme manquant en fait.

3. L'arrêté attaqué mentionne de manière suffisante et non stéréotypées les considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité administrative s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. D... les décisions qu'il comporte. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du défaut de motivation des décisions attaquées sera écarté.

4. M. D... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que la décision lui refusant un titre de séjour a été prise à la suite d'une demande de sa part. Il résulte par ailleurs des dispositions des livres V et VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et particulièrement de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles est soumise l'intervention des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation de quitter le territoire français. Dès lors, la méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Selon les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

6. M. D... est entré, selon ses déclarations, irrégulièrement en France au cours de l'année 2015 et a présenté une demande de titre de séjour le 21 novembre 2018. Si l'intéressé fait état de la présence régulière en France de deux de ses frères et de son épouse, qu'il a épousée en Tunisie en 2014, et de celle de leur enfant âgé d'un an, il est constant que son épouse ne l'a rejoint qu'en 2017 avant de repartir en Tunisie et de revenir en France le 11 mai 2018. Son épouse étant titulaire d'un titre de séjour portant la mention " étudiante ", elle a vocation à retourner en Tunisie à l'issue de ses études. Les pièces produites n'établissent sa vie commune en France avec son épouse qu'à compter du 1er août 2019, soit moins de deux mois avant la décision attaquée. Le requérant soutient sans l'établir qu'il subvient aux besoins de sa fille et s'occupe d'elle pendant que son épouse poursuit ses études. Si l'intéressé produit une promesse d'embauche datée du 14 mars 2020 à durée indéterminée à compter du 1er juin 2020, il ne disposait pas de cette dernière à la date de la décision attaquée. Enfin, M. D... ne soutient nullement être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Par suite, en refusant à M. D... un titre de séjour, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ou des conséquences de sa décision sur situation personnelle.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondée à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de son recours dirigé contre l'obligation de quitter le territoire.

8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée au moment de prendre la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit sera écarté.

9. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 6 et dès lors que la requérante n'établit pas avoir déplacé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ou serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ou des conséquences de sa décision sur situation personnelle.

10. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. La décision attaquée prise à l'encontre du requérant, qui ne lui interdit pas le retour sur le territoire français et qui n'empêche pas son épouse, résidant temporairement en France pour les seuls besoins de ses études, de lui rendre visite avec son enfant en Tunisie, n'a pas pour effet de séparer l'enfant de ses parents. Par suite, le moyen tiré de la violation de ces stipulations sera écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

12. Eu égard à ce qui a été dit aux points ci-dessus et alors que le requérant se borne à soutenir sans autres développements que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de l'enfant, il n'est pas fondé à soutenir que les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes. Par suite, ses requêtes d'appel doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

N°20NC01282, 20NC02045 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. le Pdt. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : BLANVILLAIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Date de la décision : 17/06/2021
Date de l'import : 29/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NC01282
Numéro NOR : CETATEXT000043693839 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-17;20nc01282 ?
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