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17/06/2021 | FRANCE | N°20NC00809

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 20NC00809


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 17 février 2020 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert vers l'Allemagne.

Par un jugement n° 2000410 du 16 mars 2010, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mars 2020, sous le n° 20NC00809, Mme A..., représentée par la SCP Scribe Bail

leul Sottas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 mars 2020 ;

2°) d'annuler la déci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 17 février 2020 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert vers l'Allemagne.

Par un jugement n° 2000410 du 16 mars 2010, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mars 2020, sous le n° 20NC00809, Mme A..., représentée par la SCP Scribe Bailleul Sottas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision administrative litigieuse.

Elle soutient que :

- la décision de transfert en litige a été prise par une autorité incompétente ;

- le préfet n'établit pas que l'Allemagne a donné son accord ;

- elle a quitté l'Allemagne depuis plus de trois mois de sorte que cet Etat n'a aucune obligation de la reprendre en charge en application des dispositions de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet et les premiers juges ont méconnu l'article 53-1 de la constitution ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de l'article 17 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il n'est pas garanti qu'elle-même et ses deux enfants seront pris en charge à leur arrivée en Allemagne.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 octobre 2020 et le 1er avril 2021, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la Constitution ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante nigériane, née le 16 juillet 1996, s'est présentée le 19 novembre 2019 auprès du guichet unique de la préfecture du Bas-Rhin pour y déposer une demande d'asile. Le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'elle avait précédemment introduit une demande similaire en Italie et en Allemagne. Le 10 décembre 2019, le préfet a saisi les autorités italiennes et allemandes d'une demande de reprise en charge. Les autorités allemandes ont donné leur accord explicite le 12 décembre 2019. En conséquence, par un arrêté du 17 février 2020, le préfet du Bas-Rhin a décidé de la remise de l'intéressée aux autorités allemandes. Mme A... relève appel du jugement du 16 mars 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'article 29 du règlement UE n° 604/213 du 26 juin 2013 ci-dessus visé dispose que : " 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". Le préfet du Bas-Rhin justifie que Mme A... a fait l'objet d'un transfert auprès des autorités allemandes le 10 septembre 2020. L'arrêté contesté a ainsi été exécuté dans le délai de six mois prévu à l'article 29 précité à compter de la notification du jugement administratif. Dès lors, la requête d'appel de Mme A... n'est pas dépourvue d'objet et il y a lieu de statuer sur ses conclusions.

3. En deuxième lieu, la décision de transfert en litige a été signée par Mme D... B..., directrice des migrations et de l'intégration, qui bénéficiait, par un arrêté du préfet du Bas-Rhin du 28 décembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture du même jour, d'une délégation à l'effet de signer les décisions de transfert contestées. Cette délégation de signature n'est ni générale ni absolue Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a saisi les autorités allemandes, le 10 décembre 2019, d'une demande de reprise en charge de l'intéressée et celles-ci ont fait connaître explicitement leur accord le 12 décembre 2019, en application de l'article 18-1-d du règlement UE n°604/2013. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet n'apporte pas la preuve de l'accord des autorités allemandes.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 5. L'Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre Etat membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre Etat membre pendant le processus de détermination de l'Etat membre responsable / Cette obligation cesse lorsque l'Etat membre auquel il est demandé d'achever le processus de détermination de l'Etat membre responsable peut établir que le demandeur a quitté entre-temps le territoire des Etats membres pendant une période d'au moins trois mois ou a obtenu un titre de séjour d'un autre Etat membre. / Toute demande introduite après la période d'absence visée au deuxième alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'Etat membre responsable ".

7. Mme A... n'établit par aucune pièce versée à l'instance avoir quitté le territoire des Etats membres pendant une période d'au moins trois mois depuis l'enregistrement de ses empreintes en Allemagne le 17 juillet 2018. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes du premier alinéa du premier paragraphe de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La mise en oeuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, selon lequel " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ". Il en résulte que la faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

9. Tout d'abord, Mme A... ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision attaquée, qui n'a ni pour objet ni pour effet de la renvoyer dans son pays d'origine, des risques de persécutions qu'elle encourrait en cas de retour au Nigéria. Par ailleurs, en se bornant à affirmer qu'en raison d'un flux important de migrants en Allemagne, il n'est pas garanti qu'elle-même et ses deux enfants seront pris en charge à leur arrivée dans ce pays, la requérante n'établit pas l'insuffisance des conditions d'accueil en l'Allemagne ni que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités allemandes dans des conditions qui ne seraient pas conformes à l'ensemble des garanties exigées par le droit d'asile, alors que cet Etat, membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne présente aucune défaillance dans la mise en oeuvre des procédures d'asile. Dans ces conditions, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'enregistrer la demande d'asile de Mme A... en application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

N° 20NC00809 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SOTTAS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Date de la décision : 17/06/2021
Date de l'import : 29/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NC00809
Numéro NOR : CETATEXT000043693833 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-17;20nc00809 ?
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