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17/06/2021 | FRANCE | N°20NC00274

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 20NC00274


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 mars 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 1903800 du 23 août 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2020, M. A... D..., repr

senté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de S...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 mars 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 1903800 du 23 août 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2020, M. A... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 18 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête est recevable.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de l'accès aux soins ;

- le préfet a méconnu les termes des circulaires nº DGS/SD6A/2005/443 du 30 septembre 2005 et n° 2007-383 du 23 octobre 2007 ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.

Le préfet du Bas-Rhin n'a pas produit de mémoire en défense.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant géorgien, né le 2 avril 1980, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 5 juin 2012, afin d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été refusée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 19 septembre 2013. Il a toutefois bénéficié d'un titre de séjour pour raisons médicales de 2015 à 2018, dont il a sollicité, le 28 février 2018, le renouvellement. Par un arrêté du 18 mars 2019, le préfet du Bas-Rhin, a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Par un jugement du 23 août 2019, dont M. D... fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de renouvellement du titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Par un avis rendu le 20 août 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il peut y bénéficier effectivement de soins. Il ajoute que l'intéressé peut voyager sans risque vers son pays d'origine.

6. Pour contester cet avis, M. D... fait valoir qu'il est porteur du virus de l'immunodéficience humaine (VIH), au stade A2 de la classification internationale CDC, qui nécessite un traitement antirétroviral dont il ne pourra pas bénéficier en Géorgie, et qu'il souffre également d'une hépatite C et d'un syndrome dépressif. Toutefois, s'agissant de cette dernière pathologie psychiatrique, le certificat médical du 5 avril 2019 du Dr. Burger, psychiatre, se borne à indiquer que le requérant bénéficie d'entretiens réguliers et d'un traitement médicamenteux, sans se prononcer sur la possibilité d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. Concernant l'hépatite C, le certificat du 8 avril 2019, rédigé par le Dr Batard, indique que " le patient est guéri spontanément d'une hépatite C " avant de mentionner, de manière contradictoire, que " Les derniers résultats en date du 21.02.2019 retrouvent une recontamination par le virus de l'hépatite C ". Ce même certificat déclare, sans autre précision que " en cas de persistance, le traitement de cette hépatite C devrait être réalisé, dont la disponibilité dans son pays d'origine est nulle ". Or, cette affirmation est contredite par un courrier du 25 mars 2016 du médecin conseil de l'ambassade de France en Géorgie, qui mentionne les principaux médicaments disponibles en Géorgie en vue du traitement de l'hépatite C, ainsi que les structures existantes. S'agissant, enfin, du VIH, ce même certificat du 8 avril 2019 affirme, de façon peu circonstanciée, que la disponibilité de son traitement actuel, lequel n'est au demeurant pas précisé, n'est pas garantie dans son pays d'origine. Par ailleurs, par les documents qu'il produit, notamment les données chiffrées publiées par l'ONU dans le cadre de son programme ONUSIDA, relatives à la proportion de la population géorgienne atteinte du VIH qui a accédé à des soins en 2016, le requérant ne remet pas en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ni ne justifie qu'à la date de la décision contestée, il ne pouvait pas bénéficier du traitement nécessité par son état de santé alors que le préfet produit en défense la liste, établie le 12 juin 2016, des traitements médicamenteux disponibles en Géorgie contre le VIH. M. E... ne saurait davantage se prévaloir des termes des circulaires nº DGS/SD6A/2005/443 du 30 septembre 2005 et n° 2007-383 du 23 octobre 2007 eu égard à leur ancienneté et dont le contenu ne vise que des recommandations pour émettre les avis médicaux concernant les étrangers malades atteints de pathologies graves. Dans ces conditions, l'intéressé n'apporte pas d'éléments suffisamment probants de nature à remettre en cause la pertinence de l'avis du collège de médecins de l'OFII concernant l'accessibilité effective dans son pays d'origine à un traitement approprié aux différentes pathologies dont il souffre. En conséquence, la décision portant refus de titre de séjour ne repose pas sur une inexacte application des dispositions précitées du 11° de L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

8. M. E... fait valoir qu'il réside en France depuis 2012 et qu'il est reconnu travailleur handicapé depuis le 14 juin 2016. Cependant, il n'apporte aucun élément sur les liens privés et familiaux auxquels la décision contestée aurait porté une atteinte excessive, ni sur son intégration dans la société française alors qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant, dépourvu de ressources propres, est entré irrégulièrement en France en 2012 et qu'il a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales notamment pour des faits de vols par ruse ou effraction, dont une condamnation à un an d'emprisonnement le 20 novembre 2013. Ainsi, le requérant ne justifie pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux alors qu'il ressort des pièces produites par le préfet en défense qu'il a déclaré que sa fille, ses parents et son frère résident en Géorgie, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui a été indiqué précédemment que M. E... n'a pas établi l'illégalité de la décision portant refus de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination seraient illégales, par voie d'exception, doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.

N° 20NC00274 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20NC00274
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-17;20nc00274 ?
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