Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1802634 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistré le 8 janvier et 7 septembre 2020, Mme D... B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance du II de de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales quant au délai qui lui a été accordé pour exercer son option ;
Sur la régularité et le bien-fondé des impositions :
- le vérificateur a méconnu les dispositions du IV de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, seule la présentation des documents de nature comptable dont la tenue est obligatoire en vertu de l'article 54 du code général des impôts pouvait lui être demandée ;
- en l'obligeant à se prononcer le jour même afin qu'elle fasse le choix de l'une des options prévues par les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, l'administration a méconnu ces dispositions ;
- l'administration ne lui a pas indiqué la nature des données utiles aux traitements informatiques qu'elle entendait effectuer en méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est excessivement sommaire et radicalement viciée dans son principe.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., qui exploite à titre individuel un restaurant à Strasbourg, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 étendue au 30 novembre 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par proposition de rectification du 21 décembre 2015, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013, assortis de pénalités. Mme B... relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient la contribuable, le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance du II de de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales quant au délai qui lui a été accordé pour exercer son option. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) IV. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. ". Aux termes de l'article L. 47 A du même livre dans sa rédaction applicable à la présente procédure d'imposition : " I.- Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. / Le premier alinéa du présent article s'applique également aux fichiers des écritures comptables de tout contribuable soumis par le code général des impôts à l'obligation de tenir et de présenter des documents comptables autres que ceux mentionnés au premier alinéa du même article 54 et dont la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés. (...) ". Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. "
4. Doivent être regardés comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité, au sens des dispositions des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales, dont les données sont soumises au contrôle qu'elles prévoient, les progiciels de comptabilité sur lesquels sont reportées les recettes journalières ainsi que les caisses ou équipements de nature comparable dotés de logiciels informatiques participant, même indirectement, à la centralisation des recettes journalières dès lors qu'ils concourent effectivement à l'établissement de la comptabilité. Est à cet égard sans incidence la circonstance que les données de ces caisses ou équipements ne soient pas transmises de manière informatique au progiciel de comptabilité.
5. Il résulte de la proposition de rectification du 21 décembre 2015 qu'à la demande des vérificateurs lors du contrôle inopiné de l'activité de Mme B..., cette dernière a procédé à la sauvegarde des données du disque dur de l'unique caisse enregistreuse de son restaurant et les a gravées sur une clé USB qui a été fournie par l'administration. Eu égard à ce qui a été dit au point précédent, ces données issues de la caisse enregistreuse du restaurant, équipée d'un logiciel informatique, entrent dans le champ du contrôle des comptabilités tenues au moyen de systèmes informatisés prévu par les articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales dès lors que cet équipement permet, par ses fonctions de facturation et d'encaissement, une centralisation journalière des recettes, et concourent ainsi à la formation des résultats comptables de l'activité de Mme B.... En outre, la requérante ne peut utilement invoquer le contenu de la doctrine administrative référencée 13-L-1-06 reprise au BOI-BIC-DECLA-30-10-20-40-20131213, qui concerne la procédure d'imposition, et ne peut, par suite, être regardée comme comportant une interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Il s'ensuit que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition méconnaîtrait les dispositions du IV de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales.
6. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées. "
7. D'une part, il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en oeuvre de ces investigations que si celui-ci a ensuite fait le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.
8. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 10 avril 2015, l'administration a informé Mme B... qu'elle envisageait des traitements informatiques sur sa comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés visant " - à s'assurer de la cohérence et de l'exhaustivité des commandes, des ventes et règlements enregistrés, - à contrôler les taux de TVA appliqués aux articles vendus; - à suivre des flux matières par rapprochement entre les stocks, les entrées et les sorties de produits ; - à contrôler les procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisses, notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés ; - ainsi que tout traitement destiné à valider la cohérence et l'exhaustivité des données requises pour ces différentes analyses. " L'administration a ainsi indiqué à la requérante les données comptables sur lesquelles elle souhaitait faire porter ses recherches, l'objet de ses investigations et les modalités de son contrôle en précisant que les traitements étaient destinés à la validation de la cohérence et de l'exhaustivité des données. Par suite, le vérificateur, qui a précisé la nature des investigations nécessaires au contrôle et qui n'était pas tenu d'indiquer précisément les données informatiques qui seraient utilisées, a mis à même Mme B... de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.
9. D'autre part, si le contribuable doit disposer d'un délai suffisant pour lui permettre d'exercer utilement son choix entre les trois options offertes par les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, ni les dispositions précitées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ni aucune autre disposition n'imposent de délai spécifique entre le moment où le contribuable est informé de la nature des investigations souhaitées et invité à choisir entre les options prévues par le II de cet article et le moment où il formalise ce choix par écrit.
10. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 21 décembre 2015 que, lors de la première intervention sur place le 10 avril 2015, le service a informé Mme B... de son intention de réaliser des traitements informatiques et l'a invitée à choisir entre les trois options prévues au II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales précité par un courrier du même jour, remis en main propre à l'intéressée. Ce courrier accordait à Mme B... un délai de sept jours pour effectuer son choix, ce qui constitue un délai suffisant pour lui permettre d'exercer utilement ce choix. A supposer même que Mme B... ait rendu ledit document en main propre au vérificateur dès le 10 avril 2015, comme il lui était loisible de le faire, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été contrainte par les vérificateurs de faire ce choix avant le délai de sept jours accordé, l'administration déclarant au demeurant avoir obtenu la réponse de Mme B... seulement lors de la remise des CD-Rom contenant la comptabilité le 17 avril 2015. Dès lors, en dépit des mentions pré-imprimées portées sur l'attestation remise par le service le 10 avril 2015, lesquelles n'étaient pas de nature à l'induire en erreur sur la durée de ce délai maximal de sept jours, l'intéressée ne peut être regardée que comme ayant volontairement renoncé au délai qui lui avait ainsi été accordé par l'administration Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas disposé du temps nécessaire pour formaliser son choix entre les options mentionnées ci-dessus. En outre, Mme B... soutient avoir été privée de la possibilité de prendre l'attache d'un avocat afin d'être conseillée sur les trois options prévues au II de l'article L. 47 A. Cependant le courrier du 10 avril 2015 ne constitue qu'un élément du dialogue auquel donne lieu la vérification de comptabilité. L'intéressée ayant été informée par avis de vérification du 31 mars 2015 de l'ouverture d'une procédure de vérification de comptabilité et de la possibilité de se faire assister au cours des opérations de contrôle par un conseil ou par son expert-comptable, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'une garantie.
11. Il résulte de ce qui précède que l'administration n'a pas méconnu les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
12. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 21 décembre 2015, que le vérificateur, qui n'a pas écarté la comptabilité de l'activité de Mme B... comme étant irrégulière, a constaté qu'au cours des exercices clos en 2012 et 2013, respectivement 22 % et 20 % du prix total des commandes a été annulé pour chacune des années, représentant 23 % du montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée en 2012 et 21 % en 2013. 2 416 tickets ont été ainsi annulés en 2012 et 2 347 en 2013. Le vérificateur a constaté que sur ces deux exercices, les règlements par chèques et en espèces présentaient un taux d'annulation compris entre 54, 20 % et 60, 98 % en nombre des règlements. Eu égard à ces constatations, le vérificateur a déterminé le chiffre d'affaires des ventes et la taxe sur la valeur ajoutée à partir de la comptabilité de Mme B... en y réintégrant les annulations de règlements qui ont été considérées comme non justifiées. Des journées manquantes, il a extrapolé les recettes des jours traités afin de déterminer le chiffre d'affaires hors taxes des exercices clos en 2012 et 2013. Il a ensuite calculé la taxe sur la valeur ajoutée.
13. D'une part, la méthode de détermination du résultat imposable, qui ne constitue pas une reconstitution extra-comptable du chiffre d'affaires, a seulement conduit le vérificateur à analyser les données propres au fonctionnement de l'activité de Mme B... et à réintégrer des recettes annulées à tort. Dans ces conditions, la méthode utilisée n'apparaît ni radicalement viciée dans son principe ni excessivement sommaire. Eu égard à cette méthode de détermination du résultat imposable, la requérante ne justifie pas qu'une étude de marge sur des exercices antérieurs, pour lesquels au demeurant il n'est pas établi que cette fonctionnalité d'annulation n'aurait pas été utilisée, démontrerait l'incohérence de la méthode de l'administration. D'autre part, en se bornant à soutenir que la fonctionnalité " annulation " a été utilisée dans des conditions particulières, ces annulations étant liées à une défaillance de la caisse enregistreuse ou à des erreurs de saisies selon la requérante, Mme B..., qui est la seule à pouvoir produire de tels éléments, n'apporte aucune précision au soutien de ses allégations pour contester utilement le montant des recettes déterminé par l'administration. Les seules explications de la requérante ne sauraient justifier le nombre important de commandes annulées après leur règlement, parfois jusqu'à quatre jours après les ventes, s'élevant à 2 416 tickets en 2012 et 2 347 en 2013. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration, à qui incombe la charge de la preuve en vertu des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle n'a pas écarté la comptabilité comme étant irrégulière et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires n'a pas été saisie, a rectifié le résultat imposable de Mme B... au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en conséquence.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N° 20NC00040