Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015.
Par un jugement n° 1724384 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2019, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2019 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'administration invoque le dépôt tardif de la déclaration de bénéfices pour refuser le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts dès lors que cette condition, qui n'est pas prévue par le texte, a été ajoutée de manière irrégulière par le pouvoir règlementaire au BOI BIC CHAMP 80-10-70-10 n°50 qui a repris la réponse ministérielle Kert du 07.08.1989 AN p.3514 ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux qui prévoit que l'impôt sur les bénéfices dont un contribuable a été dispensé pour son activité en zone de revitalisation rurale (ZRR) ne devient exigible que si dans un délai de cinq ans à compter de la date de la création de l'activité celle-ci a cessé ou a été délocalisée dans un territoire n'ayant pas la qualité de ZRR ;
- en l'absence de mention expresse dans l'article 44 sexies du code général des impôts de l'application aux bénéfices non commerciaux des dispositions des article 53-A, 170 et 175 du code général des impôts, l'administration n'est pas fondée à se prévaloir du dépôt tardif des déclarations de bénéfices applicable aux seuls bénéfices industriels et commerciaux pour remettre en cause le régime d'exonération prévu par l'article 44 sexies I du même code au titre des années litigieuses ; le texte utilise la notion de bénéfice réalisé et non pas celui de bénéfice déclaré ;
- la remise en cause opérée par l'administration apparaît excessivement sommaire alors qu'elle n'a jamais contesté la localisation de l'activité en litige dans une ZRR.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 pour son activité libérale de médecin généraliste exercée en zone de revitalisation rurale (ZRR). A la suite de ce contrôle, par une proposition de rectification du 13 décembre 2016, établie selon la procédure de rectification contradictoire, le service lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux pour les années 2013, 2014 et 2015. A la suite des observations de la contribuable, ces rectifications ont été maintenues pour les années 2014 et 2015, notamment en raison de la remise en cause par le service du bénéfice de l'exonération prévue par l'article 44 sexies du code général des impôts pour son activité exercée en zone de revitalisation rurale (ZRR), mais elles ont été abandonnées au titre de l'année 2013. La réclamation de la contribuable du 30 mai 2017 au titre des années 2014 et 2015 a été rejetée par une décision de l'administration du 11 juillet 2017. Mme B... relève appel du jugement du 26 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes du I de l'article 44 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, le bénéfice des dispositions du présent article est également accordé aux entreprises qui exercent une activité professionnelle au sens du 1 de l'article 92, ainsi qu'aux contribuables visés au 5° du I de l'article 35. Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération ". Aux termes de l'article 53 A du même code : " Sous réserve des dispositions du 1 bis de l'article 302 ter et de l'article 302 septies A bis, les contribuables autres que ceux visés à l'article 50 sont tenus de souscrire chaque année, dans les conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration permettant de déterminer et contrôler le résultat imposable de l'année ou de l'exercice précédent ". Aux termes de l'article 96 dudit code : " I. Les contribuables qui réalisent ou perçoivent des bénéfices ou revenus visés à l'article 92 sont obligatoirement soumis au régime de la déclaration contrôlée lorsqu'ils ne peuvent pas bénéficier du régime défini à l'article 102 ter. (...) ". Aux termes de l'article 97 du même code : " Les contribuables soumis obligatoirement ou sur option au régime de la déclaration contrôlée sont tenus de souscrire chaque année, dans des conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration dont le contenu est fixé par décret ". Enfin, aux termes de l'article 175 dudit code : " Les déclarations doivent parvenir à l'administration au plus tard le 1er mars. Toutefois, les déclarations souscrites par voie électronique en application de l'article 1649 quater B ter doivent parvenir à l'administration au plus tard le 20 mars, selon un calendrier et des modalités fixés par arrêté. Le délai du 1er mars est prolongé jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai en ce qui concerne les commerçants et industriels, les exploitants agricoles placés sous un régime réel d'imposition et les personnes exerçant une activité non commerciale, placées sous le régime de la déclaration contrôlée. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le régime d'exonération prévu à l'article 44 sexies du code général des impôts n'est pas applicable aux bénéfices que le contribuable a omis de déclarer dans les conditions et délais légaux, quels que soient les motifs de cette omission.
3. En premier lieu, et comme l'ont retenu les premiers juges, l'administration n'a pas fondé les redressements en litige sur la doctrine administrative, laquelle est au demeurant citée de manière erronée dans la requête d'appel, mais sur l'application des dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts. Par suite, Mme B... ne saurait utilement soutenir que la condition de délai indiquée dans le BOI-BIC-CHAMP-80-10-10-30 du 3 juin 2015 et le n°50 du BOI BIC CHAMP 80-10-70-10 du 26 juin 2019, d'ailleurs postérieures à l'année en litige, ne lui était pas opposable au motif qu'il s'agirait d'une norme illégale, ajoutée irrégulièrement par le pouvoir règlementaire.
4. En deuxième lieu, les dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts, citées au point 2, renvoient expressément d'une part, aux dispositions de l'article 53 A qui évoquent l'obligation pour les contribuables de souscrire chaque année une déclaration permettant de déterminer et de contrôler le résultat imposable de l'année ou de l'exercice précédent dans les conditions et délais prévus aux articles 172 et 175 du même code et d'autre part, à l'article 92 dudit code qui dispose que sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices notamment des professions libérales, cet article étant lui-même cité par les dispositions de l'article 96 du même code relatif au régime de la déclaration contrôlée. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait pas, pour remettre en cause le régime d'exonération prévu par cet article, se prévaloir du dépôt tardif de ses déclarations de bénéfice au motif que cette condition ne concerne que les seuls bénéfices industriels et commerciaux, à défaut de mention expresse, dans l'article 44 sexies du code général des impôts, de l'application des dispositions de l'article 53 A aux bénéfices non commerciaux.
5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, particulièrement de la proposition de rectification du 13 décembre 2016, que pour refuser à Mme B... le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts, l'administration a constaté qu'au titre des années en litige, la requérante avait déposé tardivement ses déclarations spéciales de bénéfices en méconnaissance des dispositions précitées du code général des impôts, à savoir le 16 septembre 2015 pour ses revenus 2014 alors qu'elle disposait d'un délai prorogé jusqu'au 19 mai 2015 et le 29 septembre 2016 pour ses revenus 2015 alors qu'elle bénéficiait d'un délai jusqu'au 18 mai 2016. Pour ce seul motif, l'administration était fondée à remettre en cause le régime de faveur dont l'intéressée s'était prévalue en application des dispositions précitées de l'article 44 sexies du code général des impôts. Au surplus, il n'est pas contesté que, comme l'a constaté l'administration dans la proposition de rectification précitée, Mme B... ne pouvait pas, au titre de l'année 2014, bénéficier de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts dès lors que ses deux établissements, bien que situés sur les territoires de communes classées en ZRR, n'étaient pas éligibles à ce régime de faveur puisque son établissement principal, situé sur la commune de Saint-Honoré-les-Bains, ne correspondait pas à la création d'une activité nouvelle et que son établissement situé sur la commune de Prémery est secondaire. L'administration a également relevé que concernant l'année 2015, la requérante avait cessé, à compter du 31 octobre 2014, son activité de médecin généraliste dans les communes précitées pour l'exercer à Strasbourg, commune non éligible au dispositif d'exonération prévu à l'article 44 sexies du code général des impôts.
6. En dernier lieu, la circonstance que l'article 6 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux prévoit que l'impôt sur les bénéfices dont un contribuable a été dispensé pour son activité en ZRR ne devient exigible que si dans un délai de cinq ans à compter de la date de la création de l'activité celle-ci a cessé ou a été délocalisée dans un territoire n'ayant pas la qualité de ZRR est inopérante dès lors que les redressements en litige sont fondés sur la seule remise en cause, par l'administration, de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts. De même, est sans incidence le moyen tiré de ce que la remise en cause ainsi opérée par l'administration serait " excessivement sommaire " au motif, au demeurant erroné, que cette dernière n'aurait jamais contesté la localisation de l'activité de médecin généraliste de Mme B... en ZRR.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N° 19NC03101