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15/06/2021 | FRANCE | N°19NC02842

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 15 juin 2021, 19NC02842


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 11 décembre 2017 par laquelle l'autorité militaire de deuxième niveau, le général de corps d'armée de la région de gendarmerie Grand Est et la gendarmerie pour la zone de défense et de sécurité Est, a prononcé la sanction du premier groupe de vingt jours d'arrêts avec dispense d'exécution à son encontre et d'enjoindre à la ministre des armées, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à

intervenir, de retirer de tous ses dossiers administratifs les pièces relatives à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 11 décembre 2017 par laquelle l'autorité militaire de deuxième niveau, le général de corps d'armée de la région de gendarmerie Grand Est et la gendarmerie pour la zone de défense et de sécurité Est, a prononcé la sanction du premier groupe de vingt jours d'arrêts avec dispense d'exécution à son encontre et d'enjoindre à la ministre des armées, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, de retirer de tous ses dossiers administratifs les pièces relatives à la sanction infligée et d'en donner attestation.

Par un jugement n° 1800602 du 17 juillet 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision et a enjoint à la ministre des armées de supprimer toute mention de cette sanction annulée de tous les dossiers de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2019, la ministre des armées demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon du 17 juillet 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la tenue réitérée de propos à connotation raciste par le gendarme A... a été démontrée par l'enquête administrative diligentée par l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), qui a conduit, après l'audition de 56 militaires, à l'élaboration d'un rapport du 7 janvier 2016 ;

- les attestations produites par M. A... ne peuvent pas remettre en cause les constats établis par l'enquête administrative diligentée par l'IGGN, dont les attributions et l'organisation sont strictement encadrées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2019, M. A..., représenté par la Selarl MDMH, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la ministre des armées ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'absence de matérialité des faits qui lui sont reprochés se caractérise par une imprécision matérielle, temporelle et spatiale ;

- la sanction prononcée est disproportionnée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a intégré la gendarmerie mobile de Belfort le 1er avril 2014. Dans le cadre d'une enquête administrative diligentée par l'inspection générale de la gendarmerie nationale entre le 5 et 27 novembre 2015 en raison d'une plainte déposée par l'un de ses collègues pour des propos contraires à la déontologie, une décision du 1er juin 2016 portant sanction disciplinaire du blâme du ministre a été infligée à M. A..., ainsi qu'à cinq autres de ses collègues. Par jugement du 5 septembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a annulé cette sanction. Par décision du 11 décembre 2017, notifiée le 8 février 2018, une sanction disciplinaire de vingt jours d'arrêts avec dispense d'exécution a été infligée au requérant. La ministre des armées fait appel du jugement du 17 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 4137-1 du code de la défense : " Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : 1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure : " Le policier ou le gendarme ne se départit de sa dignité en aucune circonstance. En tout temps, dans ou en dehors du service (...), il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation ". Aux termes de l'article R. 434-27 du même code : " Tout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis.

4. Pour prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de M. A..., l'autorité militaire de deuxième niveau s'est fondée sur les conclusions d'une enquête administrative diligentée du 2 au 27 novembre 2015 par l'inspection générale de la gendarmerie nationale qui a conclu que ce dernier avait à plusieurs reprises, en service et en présence d'autres militaires, proféré des propos à connotation raciste. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des auditions des cinquante-six militaires entendus dans le cadre de cette enquête, que des propos ou des blagues à connotation raciste sont régulièrement tenus par les personnels affectés à l'escadron de gendarmerie mobile de Belfort dont M. A.... Si ce dernier conteste avoir tenu de tels propos, ses allégations sont contredites par les déclarations circonstanciées de quatre gendarmes (Djebali, Verger, Muller et Laurent) ainsi que par celles de l'intéressé au cours de l'enquête administrative. En outre, les attestations rédigées par deux des gendarmes dont les déclarations ont été retenues pour fonder la sanction litigieuse, qui précisent le contexte dans lequel les propos ont été tenus par M. A..., n'en contredisent pas la véracité. Dans ces conditions, l'exactitude matérielle des faits fautifs reprochés à M. A... est suffisamment établie, contrairement à ce qu'a pu estimer le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. A... devant le tribunal administratif de Besançon à l'encontre de la décision du 11 décembre 2017.

6. Aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : / (...) e) Les arrêts ; (...) ". Aux termes de l'article R. 4137-33 du même code : " Le sursis est prononcé pour un délai déterminé par l'autorité qui a infligé la sanction. Ce délai ne peut être inférieur à trois mois ni excéder douze mois. En cas de sursis, la sanction de consigne ou d'arrêts n'est ni exécutée ni inscrite, la réprimande, le blâme ou le blâme du ministre n'est pas inscrit. Si le militaire fait, au cours du délai de sursis, l'objet d'une sanction égale ou supérieure à la sanction ayant fait l'objet d'un sursis, il est mis fin au sursis et la sanction non encore exécutée s'ajoute à la nouvelle sanction. Les sanctions assorties d'un sursis ne sont inscrites au dossier individuel que lorsque le sursis est révoqué ".

7. Eu égard à la gravité des faits et aux effets d'une sanction d'arrêts prononcée avec sursis, non inscrite au dossier individuel de l'intéressé, l'autorité disciplinaire n'a pas pris, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, une sanction disproportionnée en décidant d'infliger à M. A... vingt jours d'arrêts avec sursis, malgré ses très bons états de service.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 11 décembre 2017 par laquelle l'autorité militaire de deuxième niveau a infligé à M. A... la sanction de vingt jours d'arrêts avec sursis.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. A... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon du 17 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Besançon ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. B... A....

2

N° 19NC02842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02842
Date de la décision : 15/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires - Discipline.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SOCIETÉ D'AVOCATS MAUMONT MOUMNI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-15;19nc02842 ?
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