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03/06/2021 | FRANCE | N°20NC02155

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 03 juin 2021, 20NC02155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1908855 du 21 février 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant l

a cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC02155 le 29 juillet 2020, M. A... C...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1908855 du 21 février 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC02155 le 29 juillet 2020, M. A... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 février 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 29 octobre 2019 du préfet du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me D... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement attaqué méconnaît les dispositions des articles 29 du code civil et R. 771-2 du code de justice administrative, le principe de séparation des ordres administratif et judiciaire et leurs règles de compétence ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire et subsidiairement entaché le jugement d'une erreur de fait ;

S'agissant du bien-fondé du jugement :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- sa nationalité soulève une difficulté sérieuse qui justifie qu'une question préjudicielle soit transmise à l'autorité judiciaire ;

- sa nationalité française fait obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance du 5 de l'article 6 de l'accord franco­algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

-il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 avril 2021, le préfet du Bas-Rhin demande le rejet de la requête.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 9 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Wurtz, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né en 1992, ressortissant algérien, fait appel du jugement du 21 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Sur la régularité du jugement :

2. En présence d'une question préjudicielle relevant de la compétence des tribunaux judiciaires, il appartient au juge d'appel, non d'annuler le jugement attaqué, mais de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question. La circonstance que le tribunal administratif se serait abstenu à tort de surseoir à statuer est par suite sans incidence sur la régularité du jugement.

3. En indiquant, pour écarter le moyen tiré de ce que M. C... aurait la nationalité française, que l'acte de naissance de sa mère mentionnant que les parents de cette dernière étaient français et la demande de certificat de nationalité française présentée par elle en juillet 2017 ne sont pas de nature à établir que la question de la nationalité de l'intéressé présenterait une difficulté sérieuse, les premiers juges ont répondu d'une manière suffisamment motivée à ce moyen.

4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que M. C... avait déjà fait l'objet, avant l'intervention de cet arrêté, de trois obligations de quitter le territoire français. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait, en les mentionnant, fondé son jugement sur des pièces qui ne lui auraient pas été communiquées. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, en relevant que M. C... n'avait jamais invoqué auparavant les circonstances relatives à sa nationalité qu'il faisait valoir devant le tribunal, les premiers juges ne se seraient pas bornés à opérer une déduction des motifs de l'arrêté attaqué et des écritures du requérant mais auraient fondé leur jugement sur des pièces non soumises à la procédure contradictoire.

5. Enfin, si M. C... soutient que les premiers juges ont commis une erreur de fait, une telle erreur se rapporterait au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité. Il appartient seulement à la cour, le cas échéant, de redresser cette erreur dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

6. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que le jugement serait irrégulier doivent être écartés.

Sur l'exception de nationalité française :

7. Aux termes de l'article 29 du même code : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. / Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire (...) ". Aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ".

8.Aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sont considérées comme étrangers au sens du présent code les personnes qui n'ont pas la nationalité française, soit qu'elles aient une nationalité étrangère, soit qu'elles n'aient pas de nationalité ". Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ". Il résulte, en outre, de l'article 30 de ce code que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française.

9. M. C... soutient que sa mère dispose de la nationalité française par sa naissance. A cet égard, il produit la copie délivrée par le service central d'état civil du ministère des affaires étrangères de l'acte de naissance de sa mère Mme B... C... mentionnant que celle-ci est née le 27 décembre 1954 à Tozeur en Tunisie de deux parents de nationalité française. Il fournit également l'accusé de réception, daté du 28 juillet 2017, de la demande de délivrance d'un certificat de nationalité française de sa mère, résidant désormais en Algérie. Dans ces conditions, la question de savoir si M. C... a acquis la nationalité française par filiation soulève une difficulté sérieuse qu'il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de trancher. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la juridiction compétente aurait rendu une décision se prononçant sur cette question. Il y a lieu, dès lors, de surseoir à statuer sur la requête de M. C... jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question. En vertu des dispositions précitées du code de justice administrative, il appartient à la cour de transmettre cette question préjudicielle à la juridiction compétente, laquelle est le tribunal judiciaire de Strasbourg, dans le ressort duquel le requérant demeure.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. C... jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Strasbourg se soit prononcé sur la question de savoir s'il avait ou non la nationalité française au 29 octobre 2019.

Article 2 : La question mentionnée à l'article précédent est transmise au tribunal judiciaire de Strasbourg.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et au président du tribunal judiciaire de Strasbourg.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 20NC02155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02155
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Christophe WURTZ
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BURKATZKI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-03;20nc02155 ?
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