La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2021 | FRANCE | N°20NC01261

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 03 juin 2021, 20NC01261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à compter de l'exécution de cet arrêté et a assorti

cette interdiction d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'inf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à compter de l'exécution de cet arrêté et a assorti cette interdiction d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information de Schengen.

Par un jugement n° 1906550 du 30 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01261 le 22 juin 2020, Mme A... C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 octobre 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 13 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la fixation du pays de renvoi :

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de destination ;

- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision contestée ;

- le préfet a estimé à tort qu'il était en situation de compétence liée ;

- le préfet a méconnu le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la mesure est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressée ;

Sur le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information de Schengen :

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision contestée.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2021, le préfet du Bas-Rhin demande le rejet de la requête.

Mme C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Wurtz, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante géorgienne née le 9 janvier 1976, est entrée en France le 20 mars 2019. Elle a déposé une demande d'asile le 28 mars 2019 qui a été rejetée le 31 mai 2019 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant en procédure accélérée. Par un arrêté du 13 août 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à compter de l'exécution de cet arrêté et a assorti cette interdiction d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information de Schengen. Mme C... fait appel du jugement du 30 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

3. Si Mme C... soutient que, atteinte d'une leucémie aiguë lymphoblastique, elle reçoit en France un traitement qui ne serait pas disponible dans son pays, il ne ressort pas des pièces du dossier et, notamment, des certificats médicaux qu'elle produit, qu'elle ne pourrait effectivement y bénéficier d'une poursuite appropriée de la prise en charge de cette maladie, alors notamment que le document qu'elle fournit, intitulé par elle " liste des médicaments disponibles en Géorgie ", est dépourvu de valeur probante. Les documents produits ne permettent pas davantage d'établir que l'intéressée ne pourrait pas voyager vers son pays. Par suite, le moyen selon lequel la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :

4. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

5. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants. ".

6. Eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... risquerait, en raison de son état de santé, d'être exposée à des traitements contraires aux stipulations précitées en cas de retour dans le pays dont elle est originaire. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

8. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

10. Il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer à l'encontre de l'intéressée une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet du Bas-Rhin, dont il n'est pas établi qu'il se serait cru en situation de compétence liée, a pris en compte, dans le cadre du pouvoir d'appréciation qu'il exerce à cet égard, les quatre critères énoncés par les dispositions citées ci-dessus du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour retenir en particulier la faible durée de présence de Mme C... sur le territoire français et l'absence de liens personnels et familiaux en France. Il est constant que la requérante ne résidait sur le territoire français que depuis moins de cinq mois à la date de la décision contestée et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait des liens personnels ou familiaux en France, hormis son fils faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Le moyen tiré de ce que la mesure serait disproportionnée au regard de la situation personnelle de l'étranger ne peut être utilement invoqué indépendamment du moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et est dès lors, par lui-même, inopérant.

En ce qui concerne le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information de Schengen :

11. Il suit de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision obligeant Mme C... à quitter le territoire français doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 août 2019 du préfet du Bas-Rhin. Ses conclusions aux fins d'injonction doivent, en conséquence, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 20NC01261


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01261
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Christophe WURTZ
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SABATAKAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-03;20nc01261 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award