Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... E... et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 15 mai 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n°o 1905822, 1905823 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2019, sous le n°19NC03240, Mme B... E..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 1er octobre 2019;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de renouveler son titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai, et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la requête est recevable.
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation concernant la disponibilité d'un traitement adapté pour son fils en Albanie ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2021, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
II.- Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2019, sous le n° 19NC03241, M. A... E..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 1er octobre 2019;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de renouveler son titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai, et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la requête est recevable.
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation concernant la disponibilité d'un traitement adapté pour son fils en Albanie ;
- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2021, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 14 janvier 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n°2020-1402 et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme E..., ressortissants albanais, respectivement nés en 1984 et 1987, sont entrés en France une première fois le 27 septembre 2016 pour y solliciter l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Ils sont entrés irrégulièrement en France une nouvelle fois, selon leurs déclarations, en juin 2018, accompagnés de leurs deux enfants mineurs et ont sollicité leur admission au séjour en raison de l'état de santé de leur fils, C..., qui souffre de troubles autistiques. Par deux arrêtés du 15 mai 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a assorti ses décisions d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par deux requêtes distinctes qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, comme l'ont retenu les premiers juges, il ne ressort pas des termes des arrêtés contestés ni des pièces du dossier que le préfet se serait cru à tort en situation de compétence liée. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ".
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, de sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il ressort des pièces du dossier que pour prendre les décisions en litige, le préfet s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 22 novembre 2018 qui a estimé que l'état de santé de l'enfant C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il est constant que l'enfant C... souffre de troubles autistiques sévères. Les requérants soutiennent qu'il ne pourra pas bénéficier d'une prise en charge et d'un suivi approprié en Albanie. Toutefois, les pièces produites, consistant notamment en des certificats médicaux, établis en des termes généraux par les médecins qui ont examiné l'enfant, ainsi qu'un seul document peu étayé émanant du centre communautaire de santé mentale de Tirana en date du 3 juillet 2019, soit postérieur aux décisions en litige, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII et ne permettent pas d'infirmer l'appréciation du préfet selon lesquels le fils des requérants pourra bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 311-12 et L. 313-11 11° doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Les requérants se prévalent de leur durée de présence en France et du fait qu'ils ont entrepris d'y reconstruire leur vie familiale. Toutefois, à la date des décisions attaquées, ils n'étaient présents en France que depuis un peu plus d'un an. Par ailleurs, ils ne démontrent qu'ils seraient particulièrement intégrés dans la société française. En outre, ils n'établissent pas ni même n'allègent qu'ils seraient dépourvus de toutes attaches familiales dans leur pays d'origine, où ils ont vécu jusqu'à l'âge de 34 et 31 ans. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur leurs situations personnelles doivent être écartés.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
8. M. et Mme E... n'établissent pas que les décisions refusant de leur délivrer un titre de séjour sont entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions, qu'ils soulèvent à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination qui leur ont été opposées, doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par les requérants à fin d'injonction et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.
N° 19NC03240, 19NC03241 2