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06/05/2021 | FRANCE | N°20NC00229

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 mai 2021, 20NC00229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a notifié une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1901336 du 6 août 2019, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision d'interdiction de retour s

ur le territoire français d'une durée de deux ans, a enjoint au préfet de Meurthe-et-Mo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a notifié une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1901336 du 6 août 2019, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder sans délai à la suppression du signalement de Mme D... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2020, Mme C... D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 août 2019 en tant que le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de la demande ;

2°) d'annuler cet arrêté du 3 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, et subsidiairement de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de séjour :

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;

- la décision doit être annulée en conséquence de la décision portant refus de séjour.

Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- la décision doit être annulée en conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision doit être annulée en conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation et s'est cru à tort lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée et est stéréotypée.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle se réfère à ses moyens de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2019.

Par une ordonnance en date du 19 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 mars 2021 à 12h00.

Mme D... a adressé à la cour un mémoire, enregistré le 30 mars 2021 et non communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., née en 1980 et de nationalité turque, serait entrée irrégulièrement en France en 2012 selon ses déclarations. Elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 18 février 2013 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 3 septembre 2013. Par arrêté du 15 octobre 2013, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un arrêt de la cour de céans du 5 mars 2015. L'intéressée a sollicité le réexamen de sa demande d'asile qui a été rejetée le 24 juin 2014 par l'OFPRA. Les 9 et 29 janvier 2019, Mme D... a déposé une demande de titre de séjour " vie privée et familiale ". Par arrêté du 3 mai 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a notifié une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Mme D... relève appel du jugement du 6 août 2019 en tant que le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de la demande.

Sur le refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. Il ressort des pièces du dossier que si Mme D... se prévaut de sa présence en France depuis près de sept ans à la date de la décision attaquée, elle n'établit toutefois pas la réalité de sa présence continue durant ces années. En outre, la durée de son séjour résulte de l'instruction de sa demande d'asile et de son maintien irrégulier en France malgré une mesure d'éloignement prise à son encontre le 15 octobre 2013, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour de céans du 5 mars 2015. La requérante se prévaut de la présence régulière en France de ses cinq frères et soeurs, entrés en France entre 2000 et 2011. Elle fait valoir également qu'elle vit au domicile de sa soeur, A..., qui bénéficie d'un titre de séjour d'une durée de dix ans. Cependant, elle n'établit pas l'intensité des liens qu'elle aurait notamment avec ses frères. Si la requérante est hébergée chez sa soeur et a nécessairement des liens avec elle, cette seule relation ne suffit pas à démontrer que Mme D... aurait établi le centre de ses attaches privées et familiales en France, ayant vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans en Turquie. Dans ces conditions, la décision lui refusant le séjour ne méconnaît pas son droit à une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme D....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de séjour, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

6. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier et approfondi de la situation de la requérante.

7. En troisième lieu, pour les motifs que ceux énoncés au point 3, le préfet n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, eu égard à ce qui précède, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui refusant un délai de départ volontaire.

10. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 7) " risque de fuite " : le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite (...) ". Aux termes de l'article 7 de cette directive : " (...) 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire (...) ". Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;(...) ".

11. Pour fonder sa décision refusant d'accorder à Mme D... un délai de départ volontaire, le préfet s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée s'est soustraie à une précédente mesure d'éloignement. Si la requérante se prévaut du caractère brutal de la décision l'obligeant à quitter sans délai le territoire français et de l'absence d'attache familiale et matérielle dans son pays d'origine, ces seules circonstances ne suffisent pas à considérer que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conditions de séjour de l'intéressée.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, Mme D... n'établit pas l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision soulevée à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite doit être écarté.

13. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier et approfondi de la situation de Mme D... et se serait cru en situation de compétence liée. La décision attaquée comporte par ailleurs l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen particulier et de l'erreur de droit doivent être écartés.

14. En troisième lieu, pour les mêmes motifs énoncés au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

16. En se bornant à soutenir être isolée dans son pays d'origine et sans ressources, Mme D... n'apporte pas d'élément établissant qu'elle serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.

17. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 20NC00229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00229
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : CAGLAR

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-05-06;20nc00229 ?
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