Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 mai 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.
Par un jugement n° 2003228 du 7 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 août 2020 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 mai 2020 du préfet du Haut-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Il soutient que :
- en jugeant que la commission du titre de séjour n'avait pas à être consultée et que sa résidence habituelle en France n'était pas démontrée depuis 2006, le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ;
- il est en droit d'obtenir l'examen de sa situation et de sa demande de titre de séjour au regard des dispositions prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par lettre du 30 mars 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux ressortissants algériens et de ce qu'il y a lieu de substituer à cette base légale celle tirée du pouvoir de régularisation dont dispose l'autorité préfectorale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 14 février 1961, de nationalité algérienne, est entré en France selon ses dires le 18 août 2001. Le 27 février 2020, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 5 mai 2020, le préfet du Haut-Rhin lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 7 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".
3. M. C... soutient résider sur le territoire français depuis 2001 sans interruption, soit depuis plus de dix ans à la date de la décision litigieuse. Toutefois, comme l'ont souligné les premiers juges, s'il établit, par ses bulletins de salaire sa présence en France ininterrompue depuis août 2016, il ne produit pour les années antérieures, à compter de 2009, que des documents de faible valeur probante, telles que les attestations établies en juin 2016 par un travailleur social de la maison du partage relatant qu'il a fréquenté cet établissement de 2005 à 2016, deux factures d'achat de matériel en 2013 et 2015, une ordonnance et un avis d'imposition pour l'année 2015, qui ne peuvent être regardés comme permettant de justifier de sa présence en France pour les années concernées, ni, par suite, comme établissant sa présence continue sur le territoire national depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Selon l'article L. 313-14 alinéa 2 du même code : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
5. Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour, dès lors que ces ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte des dispositions précitées que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article 6 de l'accord franco-algérien, équivalentes à celles des articles L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les ressortissants algériens qui se prévalent de ces stipulations. Comme il a été dit précédemment, M. C... ne démontre pas remplir effectivement les conditions prévues à l'article 6-1° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié pour bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir ".
7. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
8. Il ressort de ce qui a été dit au point 7 que le préfet du Haut-Rhin ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. C....
9. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur un autre texte ou fondement légal que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du fondement légal sur lequel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
10. Si le préfet du Haut-Rhin, ainsi qu'il a été dit au point 8, a fondé de façon erronée sa décision sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a lieu de substituer à ce fondement celui relatif au pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet pour régulariser, en opportunité, la situation de tout étranger, dès lors que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver M. C... des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi et que le préfet dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. M. C... s'est prévalu à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour de la seule durée de sa résidence en France. Ainsi qu'il a été dit au point n° 3, il ne démontre résider de manière habituelle et continue en France que depuis l'année 2016. En outre, la promesse d'embauche par une entreprise spécialisée dans la pose d'armatures dont il se prévaut a été établie postérieurement à l'arrêté en litige. Enfin, si le requérant fait état de l'exercice d'une activité professionnelle régulière depuis l'année 2016, il ressort des pièces du dossier que son épouse et ses cinq enfants demeurent toujours en Algérie. Par suite, au regard de l'ensemble de ces éléments, le préfet du Haut-Rhin n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant en ne faisant pas usage à son égard de son pouvoir de régularisation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 20NC02653