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04/05/2021 | FRANCE | N°20NC00929

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 04 mai 2021, 20NC00929


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., épouse D..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par un jugement n° 2000365 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê

te, enregistrée le 15 avril 2020, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., épouse D..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par un jugement n° 2000365 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2020, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mars 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 décembre 2019 du préfet du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer le titre de séjour sollicité, ou subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que la minute du jugement attaqué ne comporte pas les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- l'arrêté litigieux n'est pas suffisamment motivé ;

s'agissant de la décision portant refus de séjour :

- elle méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

s'agissant de la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

- sa situation aurait dû conduire le préfet à lui accorder un délai supérieur pour quitter le territoire ;

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante marocaine, née le 31 mai 1986, est entrée en France le 24 septembre 2018 sous couvert d'un sauf-conduit l'autorisant à séjourner sur le territoire français pendant une durée de huit jours. Le 23 novembre 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 décembre 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... fait appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte les signatures manuscrites du président de la formation de jugement, de la rapporteure et du greffier qui ont siégé à l'audience. Le moyen tiré de ce que le jugement ne comporterait pas ces signatures doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions litigieuses :

4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que pour refuser à Mme D... l'octroi d'un titre de séjour, lui faire obligation de quitter le territoire français et fixer le pays de destination, le préfet du Bas-Rhin, après avoir visé les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a rappelé le parcours personnel et administratif de la requérante, notamment sa date d'entrée en France, sa demande de titre de séjour, l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, la naissance de sa fille en France, ses attaches familiales en France ainsi que celles demeurées dans son pays d'origine. Cette décision, qui n'est pas rédigée de manière stéréotypée, comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le moyen dirigé contre la décision portant refus de séjour :

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains en application de l'article 9 de l'accord franco-marocain : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.

7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. Par un avis rendu le 9 mai 2019, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme D... nécessitait, à la date de l'avis, une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié et voyager sans risque vers son pays d'origine.

9. Mme D... souffre d'une hépatite B, pour laquelle elle bénéficie d'un traitement antiviral et d'une surveillance trimestrielle. Si elle soutient qu'elle ne pourra pas bénéficier, au Maroc, des soins appropriés à son état de santé, l'article de presse et le communiqué de presse qu'elle produit, se bornent à faire état, de manière générale, des insuffisances du système de santé marocain. Ces documents ne sont donc pas susceptibles de remettre en cause l'appréciation portée sur sa situation médicale par le préfet du Bas-Rhin, qui démontre en outre que le traitement dont bénéficie la requérante est disponible au Maroc. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour contestée méconnaîtrait le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

12. Mme D... fait valoir qu'elle a épousé le 13 septembre 2019 un compatriote, titulaire d'une carte de résident, qui a reconnu son enfant né le 29 octobre 2018. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France le 24 septembre 2018, sous couvert d'un sauf-conduit l'autorisant à y demeurer huit jours, compte tenu de l'état avancé de sa grossesse l'empêchant de poursuivre son trajet, alors qu'elle effectuait un transit vers la Turquie où elle se rendait pour accoucher. A la date de l'arrêté contesté, Mme D... n'était présente en France que depuis quatorze mois et n'était mariée que depuis deux mois au père de son enfant, sans qu'elle n'établisse l'intensité et la durée de leur relation antérieurement à son entrée en France. En outre, elle n'établit pas que ce dernier ne pourrait pas l'accompagner pour que leur vie familiale se poursuive dans leur pays d'origine. Enfin, la requérante n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Maroc où résident son père et un de ses frères et où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de Mme D... et au caractère récent de son mariage, la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ".

14. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point n°12 et au regard de la possibilité pour la cellule familiale de se reconstituer dans le pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant de la requérante. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le moyen dirigé contre la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

15. Si la requérante soutient qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours aurait dû lui être accordé, son moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été a été dit précédemment que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ne peut qu'être écarté.

17. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 12 et 14, les moyens tirés de ce que la décision fixant le Maroc comme pays de destination méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., épouse D..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 20NC00929


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00929
Date de la décision : 04/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : MEDINA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-05-04;20nc00929 ?
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