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04/05/2021 | FRANCE | N°18NC01453

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 04 mai 2021, 18NC01453


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Callian à lui payer, à titre principal, la somme de 11 481,60 euros au titre des loyers échus impayés, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2015 et de leur capitalisation, et la somme de 76 800 euros à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement et de leur capitalisation, ou à titre subsidiaire, la somme de 103 680 euros su

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Callian à lui payer, à titre principal, la somme de 11 481,60 euros au titre des loyers échus impayés, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2015 et de leur capitalisation, et la somme de 76 800 euros à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement et de leur capitalisation, ou à titre subsidiaire, la somme de 103 680 euros sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2015.

Par un jugement n° 1500406 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Callian à verser à la société Grenke Location la somme de 11 481,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2015 et de leur capitalisation, la somme de 19 305,82 euros au titre de la perte de bénéfice escompté et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 mai 2018 et 29 janvier 2019, la société Grenke Location, représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1500406 du 15 mars 2018 ;

2°) de condamner la commune de Callian à lui verser la somme de 76 800 euros hors taxes (HT) soit 91 852,80 euros toutes taxes comprises (TTC) à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Callian à lui verser les sommes de 11 520 euros TTC au titre des loyers échus impayés et 35 000 euros HT au titre de la restitution des sommes versées ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Callian une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est en droit de solliciter l'indemnisation de l'intégralité du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée prononcée par la commune du contrat qui les liait ;

- ce préjudice comprend le gain manqué et la perte subie, qui s'élève en ce qui la concerne à 91 852,80 euros TTC (44 032,13+47 820,67) ;

- la durée du processus contractuel a permis à la commune de donner un consentement libre et éclairé ;

- le moyen tiré de l'absence de paraphe est inopérant dès lors que la commune a reconnu et déclaré avoir pris connaissance des conditions générales de location imprimées au verso du document ;

- la commune a été informée de l'obligation de détenir une autorisation préfectorale pour l'installation du matériel en cause, mentionnée dans le contrat de maintenance qu'elle a signé le 22 avril 2011 avec la société SLS ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la commune avait mis en oeuvre son pouvoir de résiliation du contrat fondée sur un motif d'intérêt général ;

- dans sa lettre de résiliation, la commune ne s'est pas prévalue d'une caducité du contrat mais d'une résiliation ; la commune ne justifie d'ailleurs pas de la notification d'une décision de résiliation du contrat la liant à la société SLS ;

- les loyers sont dus jusqu'à la date de résiliation ou de caducité du contrat ;

- elle a mis en demeure la commune de régler les loyers impayés ;

- en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable lors de l'introduction de la requête, la décision préalable pouvait naître en cours d'instance ;

- elle a également versé une somme de 35 000 euros HT afin de permettre à la commune de solder un précédent contrat de location en cours auprès d'un autre bailleur ;

- à titre subsidiaire, si la cour prononce la caducité du contrat, elle a droit au paiement des loyers échus impayés, soit 11 520 euros TTC ;

- elle est en droit de solliciter le prononcé de la caducité de la convention par laquelle elle a accepté de verser une indemnité de 35 000 euros HT à la commune, la conclusion et l'exécution du contrat de location du 21 juillet 2011 étant déterminant de son consentement ;

- si la cour prononce la nullité du contrat, elle est en droit de solliciter l'indemnisation du préjudice subi du fait de la faute commise par la commune qui engage ainsi sa responsabilité extra contractuelle ; elle a en conséquence droit au paiement de 193 292,23 euros, qui correspond au prix d'acquisition du matériel, qui a été utile à la commune ;

- la perte de bénéfice escompté, si le contrat avait été exécuté jusqu'à son terme, s'élève à 91 852,80 euros ;

- compte tenu des encaissements intervenus en exécution du contrat, l'allocation d'une somme de 91 852,80 euros indemnise le préjudice subi au titre des dépenses utiles et de la perte du bénéfice escompté.

Par un mémoire enregistré le 15 janvier 2019, la commune de Callian, représentée par Me B..., conclut :

1°) à l'annulation du jugement ;

2°) au rejet des demandes de la société Grenke Location ;

3°) à ce que soit mis à la charge de la société Grenke Location le versement de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'application du contrat litigieux doit être écartée dès lors qu'il a été conclu sans procédure de publicité et de mise en concurrence, en méconnaissance de l'article 28 du code des marchés publics ;

- la livraison du matériel le jour de la signature du contrat l'a privée de son délai de réflexion, entachant le contrat d'irrégularité ;

- la société Grenke Location ne l'a pas informée de ce que l'utilisation du matériel mis en location était subordonnée à une autorisation préfectorale ;

- les conditions générales de location n'ont pas été paraphées par le signataire de la commune, empêchant ce dernier d'apprécier la portée et l'étendue de son engagement ;

- l'irrégularité de la procédure préalable à la conclusion du contrat et les circonstances de sa conclusion ont affecté les conditions dans lesquelles la commune a donné son consentement ;

- ces irrégularités ont rendu possible la signature d'un contrat contenant des clauses, telles que celle concernant la résiliation à l'initiative du cocontractant, qui ne peuvent régulièrement figurer dans un contrat public ;

- la société requérante ne démontre aucun enrichissement sans cause de la commune, ni l'utilité qu'aurait eu cette dernière des dépenses exposées ;

- les clauses des articles 10.5 et 11.1 du contrat relatives aux modalités de résiliation sont nulles en ce qu'elles limitent le pouvoir de résiliation unilatérale de l'administration et lui sont donc inopposables ;

- la résiliation pour faute du contrat conclu avec la société SLS a entraîné la caducité du contrat la liant à la société Grenke Location, si bien qu'elle n'était pas redevable du loyer que le tribunal l'a condamnée à verser à la requérante ;

- la société Grenke Location n'a pas régulièrement adressé une demande préalable à la commune tendant au paiement du loyer trimestriel échu, conformément aux stipulations de l'article 10.3 du contrat ;

- compte tenu de la résiliation du contrat conclu avec la société SLS, prononcée aux torts exclusifs de cette dernière, le contrat de location conclu avec la société Grenke Location est devenu caduc, privant celle-ci de la possibilité de solliciter une indemnisation résultant de cette résiliation ;

- en tout état de cause, elle était fondée à résilier le contrat pour un motif d'intérêt général lié au bon fonctionnement du service public ;

- le montant de l'indemnité de résiliation sollicité par la société Grenke Location est manifestement disproportionné par rapport au préjudice subi dès lors qu'il équivaut au montant auquel elle aurait pu prétendre en cas d'exécution du contrat ;

- la société Grenke Location ne justifie pas de la réalité de son préjudice.

Par une ordonnance du 15 janvier 2019, la clôture d'instruction a été reportée au 31 janvier 2019.

La commune de Callian a présenté un mémoire, enregistré le 10 novembre 2020, après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., substituant Me B..., représentant la commune de Callian.

Deux notes en délibéré, présentées pour la commune de Callian, ont été enregistrées le 9 avril 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 avril 2011, la commune de Callian et la société SLS ont conclu un contrat portant sur la mise à disposition, l'installation, la mise en service, la démonstration, l'information du personnel utilisateur, la maintenance et l'entretien de matériel de télésurveillance, moyennant le paiement de 63 loyers mensuels de 1 913,60 euros toutes taxes comprises (TTC). Pour financer ce matériel, la commune a conclu le 21 juillet 2011, un contrat de location de longue durée avec la société Grenke location, moyennant le paiement de 21 loyers trimestriels de 11 481,60 TTC. Par lettre du 28 novembre 2014, la commune de Callian a informé la société Grenke Location qu'en raison de la résiliation pour faute du contrat de maintenance conclu avec la société SLS, le contrat de location financière qu'elles avaient conclu était résilié par voie de conséquence pour force majeure. En outre, en raison de la cessation de paiement par la commune des loyers dus à compter du 1er octobre 2014, la société Grenke Location a informé la commune qu'elle procédait à la résiliation anticipée du contrat et a réclamé le paiement d'une somme de 93 160,19 euros par lettre du 18 juin 2015. La société Grenke Location a ensuite saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Callian à lui verser, à titre principal, la somme de 11 481,60 euros au titre des loyers échus impayés et la somme de 76 800 euros à titre de dommages et intérêts, ou à titre subsidiaire, la somme de 103 680 euros sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle. La société Grenke Location relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg n'a fait que partiellement droit à sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la validité du contrat :

2. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat. Ces circonstances doivent ainsi être directement liées au vice de passation retenu.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 26 du code des marchés publics alors en vigueur : " Les marchés et accords-cadres peuvent aussi être passés selon une procédure adaptée, dans les conditions définies par l'article 28, lorsque le montant estimé du besoin est inférieur aux seuils suivants : (...) 2° 193 000 HT pour les marchés de fournitures et de services des collectivités territoriales ". Aux termes de l'article 28 du même code : " I.-Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat".

4. Si la commune de Callian fait valoir qu'eu égard à son montant total de 201 600 euros hors taxes, le contrat litigieux, qui ne porte au demeurant que sur le financement et non la fourniture du matériel, aurait été passé en méconnaissance de la procédure adaptée prévue à l'article 28 du code des marchés publics, elle n'invoque, en tout état de cause, aucun élément relatif aux circonstances dans lesquelles cette irrégularité a été commise qui serait susceptible de conduire à écarter, au regard des principes rappelés au point 2 du présent arrêt, l'application du contrat.

5. En deuxième lieu, contrairement à ce que la commune soutient, il n'incombait pas à la société Grenke Location, eu égard à l'objet du contrat qui la lie à la commune, d'informer cette dernière que l'utilisation des matériels de vidéosurveillance dont elle a fait l'acquisition était soumise à la délivrance d'une autorisation préfectorale. En outre, il ressort des termes du contrat conclu le 22 avril 2011 avec la société SLS, chargée de fournir et installer lesdits matériels, que cette obligation est mentionnée dans un encart grisé, qui a fait l'objet d'une signature spécifique de la commune.

6. En troisième lieu, la seule circonstance que les conditions générales de location n'ont pas été paraphées par la commune ne suffit pas à établir qu'elle n'aurait pas été mise en mesure d'en apprécier leur portée alors qu'en signant la première page du contrat, elle a reconnu expressément avoir pris connaissance de ces conditions.

7. En quatrième lieu, la commune soutient que la livraison du matériel, le même jour que celui de la signature du contrat de location financière conclu avec la société Grenke Location, l'a privée du délai de réflexion nécessaire lui permettant de donner son consentement éclairé. Le premier adjoint au maire de la commune a accepté les conditions générales du contrat conclu avec la société Grenke Location en signant sa première page où il est mentionné qu'il a pris connaissance desdites conditions. Il ne résulte pas de l'instruction que le signataire a été contraint de les signer dans des conditions ne lui permettant pas d'en prendre connaissance dans leur intégralité et d'en apprécier leur portée, alors même qu'aucun délai de rétractation ne lui a été accordé. Enfin, la commune a exécuté, pendant plus de trois ans, ce contrat qui n'a été résilié qu'en raison du manquement par la société SLS de ses propres obligations contractuelles. Dans ces conditions, dès lors qu'il n'est pas établi que le consentement de la commune a été vicié au moment de la conclusion du contrat litigieux, cette dernière n'est pas fondée à demander que le contrat soit écarté et que le litige ne soit pas réglé sur le terrain contractuel.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu'eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, et alors qu'il n'est pas établi que le contrat litigieux procèderait de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de la part de la société cocontractante ou qu'il aurait affecté les conditions dans lesquelles la commune a donné son consentement, le seul vice allégué, lié à l'absence de mesures de publicité, imputable à la commune de Callian ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme d'une gravité telle que le juge doive écarter le contrat liant la commune. Par suite, l'exception de nullité du contrat opposée par la commune de Callian doit être écarté.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires de la société Grenke Location présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle :

S'agissant de la caducité du contrat opposée par la commune de Callian :

9. Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants. Les clauses de ces contrats inconciliables avec cette interdépendance sont réputées non écrites. Au regard de cette interdépendance, seule la résiliation du contrat de fourniture et de maintenance peut entraîner la caducité, par voie de conséquence, du contrat de financement.

10. Les contrats conclus successivement par la commune de Callian entre d'une part, la société SLS pour la mise à disposition, l'installation, la mise en service, la démonstration, l'information du personnel utilisateur ainsi que la maintenance et l'entretien de matériel de télésurveillance, et d'autre part, avec la société Grenke Location pour le financement des matériels concernés, s'inscrivent dans une opération de location financière et sont ainsi interdépendants. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Callian a pris une décision expresse de résiliation du contrat conclu avec la société SLS préalablement à la décision du 28 novembre 2014 portant résiliation du contrat conclu avec la société Grenke Location. La seule inexécution de ses obligations contractuelles par la société SLS n'a pu, au regard de ce qui a été dit au point 9, entraîner la caducité du contrat en cours dont celui conclu avec la société Grenke Location. Ainsi, faute de justification de la résiliation du contrat conclu avec la société SLS, le contrat financier conclu avec la société Grenke Location n'est pas devenu caduc et cette dernière a pu demander le paiement du dernier loyer échu avant la résiliation décidée par la commune pour un motif d'intérêt général ainsi que l'indemnisation du préjudice subi du fait de cette rupture anticipée sur un fondement contractuel.

S'agissant du versement du loyer du mois d'octobre 2014 :

11. Aux termes de l'article 4 des conditions générales de location du contrat de location litigieux : ." Le locataire reste tenu du paiement de l'intégralité des loyers au bailleur, même en cas de dysfonctionnement, quelle qu'en soit la nature ou la cause, liée à la maintenance ou au fonctionnement des produits. Aucune compensation à quelque titre que ce soit, autre que judiciaire, ne pourra intervenir entre les parties ".

12. La commune de Callian, pour s'opposer au paiement du loyer d'octobre 2014, qui est antérieur à la résiliation, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 10.3 du contrat litigieux qui sont relatives à la résiliation du contrat. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la société Grenke Location devait la mettre en demeure de payer, préalablement à sa demande de paiement du dernier loyer échu dû en application des stipulations précitées, dès lors que la résiliation du contrat n'était pas encore intervenue.

13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Callian n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser à la société Grenke Location la somme de 11 481,60 euros au titre du loyer d'octobre 2014.

S'agissant de l'indemnité résultant de la résiliation anticipée du contrat :

14. En premier lieu, la commune de Callian ne peut pas utilement soutenir que les clauses des articles 10.5 et 11.1 du contrat litigieux sont illicites dès lors que la société Grenke Location ne demande pas l'indemnisation de son préjudice sur le fondement de ces stipulations mais sur le fondement des règles générales applicables aux contrats administratifs.

15. En deuxième lieu, en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier unilatéralement un tel contrat, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant, qui peut, dans ce cas, prétendre au versement d'une indemnité représentant non seulement les pertes éventuelles qu'il a supportées, mais également les gains dont il a été privé directement liés à cette résiliation.

16. La commune de Callian a résilié le contrat de location conclu avec la société Grenke Location pour un motif d'intérêt général résultant du dysfonctionnement du matériel loué et de l'inertie de la société en charge de la maintenance à mettre fin à ces désordres. Par suite, la société Grenke Location est fondée à solliciter la réparation des préjudices résultant de cette résiliation, dès lors qu'aucune stipulation contractuelle n'y fait obstacle.

17. Il résulte de l'instruction que la perte subie par la société Grenke Location, du fait de la résiliation anticipée du contrat de location de matériel de vidéosurveillance, s'élève à la somme de 44 032,13 euros toutes taxes comprises (TTC), correspondant à la différence entre le prix du matériel (193 292,93) qu'elle a versé au fournisseur et le montant des loyers qu'elle a encaissés (137 779.20) avant la résiliation du contrat, auquel s'ajoute celui du loyer d'octobre 2014 que la commune a été condamnée à verser par le jugement attaqué (11 481,60 euros). En revanche, contrairement à ce que soutient la société Grenke Location, la perte du bénéfice escompté de l'exécution du contrat indemnisable doit être calculée non sur l'intégralité de la durée du contrat comme il est demandé (47 820,67 euros pour 21 loyers) mais sur celle restant à courir à compter de la résiliation. Cette perte peut être évaluée à la somme 18 217,40 euros, eu égard au huit loyers restant à compter de la résiliation. Contrairement à ce que fait valoir la commune de Callian, la société Grenke Location établit la réalité de ce préjudice, eu égard à l'objet du contrat en cause qui porte sur le financement du matériel, dès lors que cette dernière a versé l'intégralité du prix du matériel loué sans obtenir le versement de la totalité des loyers qu'elle comptait encaisser en contrepartie. Il sera ainsi fait une exacte appréciation de l'indemnité de résiliation anticipée en la fixant à la somme de 62 249,52 euros (44 032,13 euros + 18 217,40 euros).

18. Contrairement à ce que soutient la commun de Callian, il ne résulte pas de l'instruction que le montant de l'indemnité auquel a droit la société Grenke Location, en réparation de la résiliation prononcée avant son terme du contrat litigieux, soit manifestement disproportionné par rapport au préjudice effectivement subi par cette dernière.

19. Il résulte de ce qui précède que la société Grenke Location est fondée à demander que la somme allouée par le tribunal administratif de Strasbourg au titre de l'engagement de la responsabilité de la commune de Callian en raison de la rupture anticipée du contrat soit portée à la somme de 62 249,52 euros.

S'agissant des intérêts et de leur capitalisation :

20. Même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal puis, en application des dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, au taux majoré s'il n'est pas exécuté dans les deux mois de sa notification. Par suite, les conclusions de la société Grenke Location tendant à ce que la somme qui lui a été allouée par le présent arrêt porte intérêts à compter de sa date de lecture sont dépourvues d'objet et doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Grenke Location, qui n'est pas la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Callian demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Callian une somme de 1 500 euros à verser à la société Grenke Location sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 19 305,82 euros que la commune de Callian a été condamnée à verser à la société Grenke Location par l'article 2 du jugement no 1500406 du 15 mars 2018 du tribunal administratif de Strasbourg est portée à la somme de 62 249,52 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 mars 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Callian versera la somme de 1 500 euros à la société Grenke Location en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Grenke Location, les conclusions incidentes de la commune de Callian tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Grenke Location et à la commune de Callian.

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N° 18NC01453


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01453
Date de la décision : 04/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : MAUDUIT-LOPASSO-GOIRAND et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-05-04;18nc01453 ?
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