Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 20 décembre 2019 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seront reconduits passé ce délai.
Par un jugement n° 2000190-2000191 du 11 juin 2020 le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01527 le 10 juillet 2020, complétée par un mémoire enregistré le 22 juillet 2020, M. et Mme D... représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 11 juin 2020 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet de Meurthe et Moselle du 20 décembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe et Moselle de leur délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué et les arrêtés contestés sont contraires à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- contrairement aux arrêtés et au jugement, ils remplissent les conditions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2021, le préfet de Meurthe et Moselle conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Grossrieder, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D..., nés respectivement en 1990 et 1992, de nationalité kosovare, ont déclaré être entrés en France pour la seconde fois le 13 mars 2014 de manière irrégulière, accompagnés de leurs deux premiers enfants mineurs. Déboutés une première fois de leurs demandes d'asile par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) à l'issue de leur premier séjour en France, ils ont fait l'objet, le 31 janvier 2012, d'un arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Nancy et qu'ils soutiennent avoir exécuté. A l'occasion de leur seconde entrée en France le 13 mars 2014, ils ont de nouveau sollicité l'asile. Leurs demandes ayant été rejetées pour la seconde fois par l'OFPRA et par la CNDA, M. et Mme D... ont fait l'objet, le 13 novembre 2017, d'un arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. N'ayant pas exécuté les mesures d'éloignement prises à leur encontre, M. et Mme D... ont présenté le 15 juin 2018 une demande de délivrance d'un titre de séjour au motif de leur vie privée et familiale, laquelle a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Ils ont alors, le 1er avril 2019, demandé à nouveau à bénéficier d'un titre de séjour au motif de leur vie privée et familiale. Par deux arrêtés du 20 décembre 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à la demande de séjour des intéressés, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seront reconduits passé ce délai. Par un jugement du 11 juin 2020 dont M. et Mme D... font appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
3. Les requérants font valoir qu'ils vivent en France depuis plusieurs années avec leurs trois enfants, régulièrement scolarisés et dont deux sont nés en France. Mais, alors qu'ils ne démontrent pas être dépourvus de liens au Kosovo, où ils ont vécu jusqu'en mars 2014, après avoir regagné volontairement leur pays d'origine après une première mesure d'éloignement, ces éléments ne suffisent pas à justifier qu'ils auraient développé en France des attaches telles que les décisions du préfet porteraient une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale. Les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les époux D... seraient séparés de leurs enfants en cas de départ du territoire français ou que ces derniers, actuellement scolarisés en France, seraient affectés dans leur développement en cas de retour dans leur pays d'origine, au seul motif qu'ils connaitraient peu le Kosovo et ne maîtriseraient que le français et le romanii. Dans ces conditions, les arrêtés du 20 mars 2018 par lesquels le préfet de Meurthe et Moselle a obligé les époux D... à quitter le territoire français n'ont pas méconnu l'intérêt supérieur de leurs enfants, protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...)". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de cet article par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant par là-même des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
6. En l'espèce, M. D... produit un contrat de travail à durée indéterminée pour une durée de six heures hebdomadaires en qualité de serveur et aide-cuisine dans une pizzeria. Toutefois, compte tenu des conditions de séjour des époux D... et de la nature et de la durée hebdomadaire de ce contrat de travail, l'emploi salarié de M. D... ne révèle pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de Meurthe et Moselle du 20 décembre 2019.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
9. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction de M. et Mme D... ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 20NC01527