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08/04/2021 | FRANCE | N°20NC00713

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 08 avril 2021, 20NC00713


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français durant un an.

Par un jugement numéro 1905882 du 3 octobre 2019, le magistrat désigné par l

e président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français durant un an.

Par un jugement numéro 1905882 du 3 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2020, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 ;

3°) de faire injonction au préfet du Bas-Rhin de procéder au réexamen de sa situation au vu de son état de santé ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- l'obligation de quitter le territoire : ne repose pas sur un examen approfondi de sa situation ; est entachée d'erreur de fait en ce qu'il est mentionné qu'elle vit en concubinage avec une personne faisant l'objet d'une mesure d'éloignement alors qu'elle est seule en France son mari ayant disparu en Géorgie ; viole les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; méconnaît les dispositions du 10° de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et de ses conséquences sur sa situation ; viole les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et le 4° l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; viole les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales en ce qu'elle fait l'objet d'une mesure d'éloignement alors que la cour nationale du droit d'asile ne s'est pas encore prononcée sur son recours ;

- la décision fixant le pays de destination : est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour sur le territoire : est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; repose sur une appréciation erronée de sa situation.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante géorgienne née le 7 octobre 1964, a déclaré être entrée en France en janvier 2019. Elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée le 25 février 2019 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui a statué en procédure accélérée. Par un arrêté du 17 juillet 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction du territoire français d'une durée d'un an. Mme C... relève appel du jugement du 3 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :

2. L'arrêté du 17 juillet 2019 comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'indication des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Bas-Rhin s'est fondé afin de prendre à l'encontre de Mme C... les décisions attaquées.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " (...) I bis.- L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant (...) L'étranger qui fait l'objet d'une interdiction de retour prévue au sixième alinéa du III du même article L. 511-1 peut, dans le délai de quinze jours suivant sa notification, demander l'annulation de cette décision (...) ".

4. D'abord, si l'arrêté contesté indique à tort que Mme C... a un concubin faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, cette erreur de plume, pour regrettable qu'elle soit, n'a pas été de nature à influencer le sens de la décision litigieuse et demeure, par suite, sans incidence sur sa légalité dès lors qu'il n'est pas contesté que l'intéressée est sans attache familiale en France.

5. Ensuite, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Si Mme C... fait valoir qu'elle est atteinte d'une sclérose en plaque, diagnostiquée en 2011, les deux documents médicaux qu'elle produit sont rédigés en termes généraux et ne permettent, par conséquent, pas d'établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier de traitements appropriés en Géorgie où elle a vécu jusqu'en janvier 2019, selon ses propres déclarations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écartée.

6. Ensuite, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de ces stipulations : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et stipulations doit être écarté comme inopérant, dès lors que la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de renvoyer Mme C... vers son pays d'origine.

7. Enfin, il résulte des dispositions combinées du 7° de l'article L. 743-2 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du 6° de l'article L. 511-1, du I bis de l'article L. 512-1 et de l'article L. 512-3 du même code, qu'un ressortissant étranger issu d'un pays sûr dont la demande d'asile a été rejetée selon la procédure accélérée, s'il ne bénéficie pas du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours, peut contester l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. En outre, ce recours présente un caractère suspensif et le juge saisi a la possibilité, le cas échéant, en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement et de permettre, ainsi, au ressortissant étranger de demeurer sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours. Ainsi, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a été adoptée en méconnaissance du droit à un recours effectif garanti par les articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

8. D'abord, si Mme C... soutient qu'elle est menacée dans son pays d'origine par un membre de sa belle-famille, la requérante, dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 25 février 2019 et par la Cour nationale du droit d'asile le 30 juillet 2019, n'établit pas le bien-fondé de ses allégations en se bornant à produire sa convocation par l'Office. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, il n'est pas établi par les pièces médicales produites que l'état de santé de Mme C... nécessiterait un suivi médical dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle n'aurait pas accès à un traitement en cas de retour en Géorgie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. Ensuite, pour les motifs exposés ci-dessus, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision obligeant Mme C... à quitter le territoire doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

11. D'abord, à la date de la décision attaquée, Mme C... ne résidait en France que depuis quatre mois et n'y disposait d'aucune attache familiale. Par suite, alors même qu'elle n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et qu'elle ne trouble pas l'ordre public, le préfet du Bas-Rhin pouvait légalement, en application des dispositions précitées, décider de lui interdire le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

12. Ensuite, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision obligeant Mme C... à quitter le territoire doit être écarté.

13. IL résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi ci-dessus visées du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de du Bas-Rhin.

N° 20NC00713 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00713
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : LE GUENNEC - SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-08;20nc00713 ?
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