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08/04/2021 | FRANCE | N°19NC03405

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 08 avril 2021, 19NC03405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902332 du 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés

les 23 novembre 2019 et 22 juillet 2020, et 12 janvier 2021, Mme E... A..., représentée par Me F......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902332 du 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés les 23 novembre 2019 et 22 juillet 2020, et 12 janvier 2021, Mme E... A..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 13 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient dans le dernier état de ses écritures que :

Sur la décision portant refus de séjour :

- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;

- le préfet du Haut-Rhin a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission au séjour au titre des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

- la décision méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision est entachée d'un vice de procédure car elle n'a pas pu émettre d'observations préalablement à l'édiction de la décision ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née en 1979 et de nationalité serbe, serait entrée irrégulièrement en France le 28 septembre 2013 selon ses déclarations. Elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 février 2014 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 18 septembre 2014. Par arrêté du 30 avril 2014, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 septembre 2014, une mesure d'éloignement a été prononcée à l'encontre de l'intéressée. Le 12 janvier 2015, Mme A... a déposé une demande de titre de séjour en raison de l'état de santé de son enfant. Elle s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour de six mois régulièrement renouvelée jusqu'au 4 mars 2017. Par arrêté du 22 septembre 2017, sa demande de renouvellement a été refusée et une seconde mesure d'éloignement a été prise à son encontre. Par jugement du 6 février 2018, son recours tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejeté. Le 25 octobre 2018, Mme A... a déposé une demande d'admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 13 décembre 2018, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 3 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 13 décembre 2018.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la requérante reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré du défaut de motivation. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :/(...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : "La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

4. Il ressort des pièces du dossier que si Mme A... était présente en France depuis cinq ans à la date de la décision attaquée, elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire malgré deux mesures d'éloignement des 30 avril 2014 et 22 septembre 2017. Elle n'a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour d'une durée de six mois uniquement en raison de l'état de santé de son fils et ce du 8 avril 2015 au 4 mars 2017. Il n'est pas justifié que les trois enfants de Mme A..., nés en 2010 et 2011, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité débutante en Serbie ou au Kosovo où ils sont nés. Comme s'en prévaut le préfet en défense, la demande d'asile déposée par son compagnon, M. C..., entré en France le 13 décembre 2018, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 18 mars 2019. L'intéressé n'a ainsi pas vocation à demeurer en France. La requérante ne peut utilement se prévaloir du dépôt par son compagnon en juin 2020 d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour, cette circonstance étant en tout état de cause postérieure à la décision attaquée. Il n'y a par suite pas d'obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Serbie. Par ailleurs, si la requérante se prévaut de l'état de santé de son fils, par arrêté du 22 septembre 2017, sa demande de renouvellement d'autorisation provisoire de séjour a été rejetée au motif que le défaut de prise en charge médicale de son fils B... ne devrait pas entraîner pour lui de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les certificats médicaux du pôle pédiatrie du groupement hospitalier de Mulhouse des 26 avril 2019 et 19 février 2020 produits par la requérante précisent qu'un suivi urologique et néphropédiatrique est nécessaire afin de prévenir tout risque d'insuffisance rénale. Le médecin reconnaît ignorer si un tel suivi est possible dans le pays d'origine de l'enfant. La requérante produit également pour la première fois en appel un rapport de consultation établi par un centre de la médecine de famille G... au Kosovo du 28 août 2012 qui établit le diagnostic d'insuffisance du rein gauche et conseille de poursuivre le traitement à l'étranger en raison de l'impossibilité de soins au Kosovo. Ce document émane cependant d'un centre de la médecine de famille dont il ressort du rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés du 10 décembre 2013 produit par la requérante que ces centres ne proposent que des soins primaires et que seuls les hôpitaux régionaux peuvent dispenser des soins plus complexes. Il ne ressort pas de ce rapport ni de celui du 6 mars 2017 qu'un suivi néphrologique ne serait pas possible dans ces hôpitaux régionaux. Ainsi, eu égard à l'avis du collège des médecins de l'OFII du 7 septembre 2017, ces éléments ne suffisent pas à considérer que la décision refusant le séjour à Mme A... sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de la situation particulière de son fils. En outre, en se bornant à se prévaloir du suivi de cours de français depuis septembre 2016 et de son investissement dans les sorties scolaires de ses enfants, Mme A... ne justifie pas d'une insertion particulière en France. La requérante n'est en mesure de faire état d'aucun lien avec la France où elle n'a pas d'attache familiale. Elle a vécu en Serbie puis au Kosovo jusqu'à l'âge de trente-quatre ans et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans ces pays où vivent deux de ses soeurs et un frère. Enfin, les attestations de tiers, rédigées en termes convenus, ne sont pas de nature à établir l'insertion de la requérante sur le territoire français. Par suite, compte tenu des conditions de séjour de l'intéressée, la décision refusant à Mme A... un titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations ci-dessus reproduites de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée de sa situation personnelle.

5. En troisième lieu, Mme A... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, lesquelles ne constituent pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge mais se bornent à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation sans les priver de leur pouvoir d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour.

7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

8. En premier lieu, la requérante reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de ce qu'elle n'a pas été entendue préalablement à l'édiction de la décision attaquée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le jugement attaqué.

9. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que Mme A... pourra, à l'expiration du délai de départ volontaire, être reconduite d'office à destination du pays dont elle la nationalité ou de tout pays dans lequel elle établit être légalement admissible. Si la requérante se prévaut de la nationalité kosovare de son compagnon, elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle aurait accompli des démarches vaines en vue d'être légalement admissible au Kosovo, pays où elle admet avoir vécu la majeure partie de sa vie et dont ses enfants aînés ont la nationalité. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis et ne conduirait pas à la séparer de ses enfants ou de son compagnon. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

10. En dernier lieu aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et ce dernier texte stipule que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

11. En se bornant à se prévaloir de la demande d'asile de son compagnon en cours d'instruction, Mme A... n'établit pas le caractère réel, personnel et actuel de risques auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine ou au Kosovo.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 19NC03405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03405
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : GOLDBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-08;19nc03405 ?
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