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08/04/2021 | FRANCE | N°19NC03394

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 08 avril 2021, 19NC03394


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2019 par lequel le préfet du Jura l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901657 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2

019, M. D... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2019 par lequel le préfet du Jura l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901657 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2019, M. D... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 novembre 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 16 septembre 2019 ;

Il soutient que :

- l'arrêté méconnaît les articles 3-1 et 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet ne peut lui opposer, sans méconnaître son droit au recours effectif, l'absence de détention de titre de séjour dès lors que la décision portant refus de séjour n'est pas purgée de toutes voies de recours ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai est entachée d'une erreur d'appréciation et constitue une mesure disproportionnée ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né en 1984 et de nationalité albanaise, est entré régulièrement en France le 13 mars 2013 muni de son passeport biométrique albanais. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 janvier 2015 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 17 juillet 2015. Sa demande de réexamen a été définitivement rejetée par la CNDA le 11 octobre 2017. M. B... s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable du 17 mars 2015 au 16 mars 2016, qui n'a pas été renouvelé. Par arrêté du 7 mars 2016, le préfet du Jura a notifié à M. B... une obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire. La légalité de cette décision a été définitivement confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 14 décembre 2017. L'intéressé s'est maintenu irrégulièrement en France. Par arrêté du 16 septembre 2019, le préfet du Jura l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 5 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 16 septembre 2019.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... était présent en France depuis six ans et demi à la date de la décision attaquée, la durée de son séjour résulte principalement de ses démarches administratives au titre de l'asile. Par arrêté du 7 mars 2016, M. B... et son épouse ont fait l'objet d'un refus de séjour et d'une mesure d'éloignement dont la légalité a été définitivement confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 14 décembre 2017. Ils se sont cependant maintenus irrégulièrement en France. M. B... n'apporte aucune pièce justifiant que son épouse serait en situation régulière en France et que son éloignement ferait obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Albanie. Au demeurant, lors de son audition administrative par les services de la préfecture le 16 septembre 2019, M. B... a déclaré être séparé de son épouse depuis un an en raison de problèmes familiaux liés à son addiction à l'alcool. Son épouse a la garde de leurs deux enfants nés en 2012 et 2014. M. B... se borne à soutenir qu'il exerce un droit de visite de ses enfants sans toutefois établir qu'il aurait conservé un lien avec eux depuis sa séparation avec leur mère. Par ailleurs, s'il est établi que sa fille née en 2012 et son fils né en 2014 sont scolarisés en France, il n'est pas allégué que les enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité débutante en Albanie dans le cas d'un départ de son ex-épouse. En outre, le requérant ne justifie pas d'une insertion particulière en France en se bornant à se prévaloir d'une convention de travail à durée déterminée conclue avec l'association départementale de lutte contre les addictions du 8 avril 2019 au 7 février 2020. Les condamnations pénales de l'intéressé caractérisent au contraire un défaut de volonté de s'insérer socialement et professionnellement en France. Il n'est enfin pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et deux de ses soeurs alors qu'il ne justifie pas de l'intensité des liens qu'il aurait avec son frère et deux autres de ses soeurs résidant en France. Il n'apporte également aucun élément quant à son état de santé. Dans ces conditions, compte tenu des conditions du séjour de M. B... en France et au comportement qu'il a manifesté, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet du Jura n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. Pour les mêmes motifs que ceux exposé ci-dessus, la décision du préfet ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. En outre, dès lors que le requérant ne justifie pas de la présence régulière en France de la mère de ses enfants, il n'est pas fondé à soutenir que son éloignement conduirait à séparer les enfants d'un de leur parent. Enfin, le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'article 9-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, qui ne crée d'obligations qu'entre les Etats.

6. En troisième lieu, M. B... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français porte atteinte à son droit au recours au motif que l'arrêté " n° DCL/BMI/2019 " portant refus de séjour n'est pas purgé de toutes voies de recours. Cependant, le requérant, qui n'établit pas en tout état de cause s'être vu notifier en 2019 un arrêté lui refusant le séjour et qui a effectivement formé un recours à l'encontre de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, ne saurait soutenir que la décision attaquée porterait atteinte à son droit au recours effectif.

7. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision ne fixant aucun délai de départ volontaire :

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

9. Pour refuser à M. B... un délai de départ volontaire, le préfet du Jura s'est fondé, sur la circonstance que le comportement de l'intéressé constituait une menace à l'ordre public et sur la circonstance qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré une précédente mesure d'éloignement.

10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'extrait du bulletin numéro 2 du casier judiciaire de M. B... produit en première instance par le préfet, que le requérant a été condamné les 12 juin et 11 décembre 2015, 15 janvier et 12 avril 2018 à une peine d'emprisonnement totale de douze mois dont huit mois avec sursis assortie d'une obligation de soins médicaux pour des faits notamment de conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique sans assurance et malgré une suspension du permis de conduire, blessures involontaires, et violences sur sa conjointe. Par ailleurs, des infractions notamment de violences sur sa conjointe, récidive de conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans, d'emploi en bande organisée d'étranger non muni d'une autorisation de travail salarié, d'usage de faux de document administratif, de délivrance illégale de document administratif ont été relevées à son encontre entre le 1er janvier 2015 au 30 janvier 2018. Eu égard à la gravité des infractions et à leur répétition, le préfet du Jura, n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en relevant que la présence de M. B... en France constituait une menace pour l'ordre public et en refusant pour ce motif de lui octroyer un délai de départ volontaire. La circonstance qu'il fréquente l'association départementale de lutte contre les addictions, se conformant ainsi à son obligation de soins médicaux, ne suffit pas à considérer que l'intéressé ne représente pas à la date de la décision attaquée une menace pour l'ordre public.

11. En second lieu, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation, de la méconnaissance des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les motifs exposés précédemment.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Jura.

2

N° 19NC3394


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03394
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : GAY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-08;19nc03394 ?
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