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08/04/2021 | FRANCE | N°19NC02900

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 08 avril 2021, 19NC02900


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Pelimex a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge en droits et pénalités du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 2012. Par une ordonnance du 26 mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de l'affaire au tribunal administratif de Nancy.

Par un jugement rendu sous le numéro 1626487 le 5 août 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande. r>
Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2019 et un mémo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Pelimex a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge en droits et pénalités du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 2012. Par une ordonnance du 26 mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de l'affaire au tribunal administratif de Nancy.

Par un jugement rendu sous le numéro 1626487 le 5 août 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2019 et un mémoire complémentaire

enregistré le 20 mars 2020, la SA Pelimex, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a confirmé les pénalités pour manquement délibéré ;

2°) de prononcer la décharge des pénalités pour manquement délibéré ayant assorti le supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la comptabilisation en charges des factures adressées par la société AEF au cours du mois d'août 2012 ne procède pas d'une volonté d'éluder l'impôt sur les sociétés compte tenu des poursuites judiciaires exercées à son égard par cette ancienne cliente ; si ces circonstances ne l'autorisaient pas à constater une charge, en revanche elles l'obligeaient à constater une provision pour litige de sorte que le résultat fiscal aurait été identique ; cette erreur comptable involontaire ne saurait justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré.

Par un mémoire enregistré le 25 octobre 2019, Me D... C..., administrateur judiciaire désigné dans le cadre de la procédure de sauvegarde de la SA Pelimex, ouverte par un jugement du tribunal judiciaire de Saverne du 8 septembre 2015, intervient volontairement à l'instance au soutien de la requête.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., représentant la société Pelimex et Me C....

Considérant ce qui suit :

1. La SA Pelimex, qui a pour activité la fabrication et le négoce d'appareils de mesures médicales, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, ayant concerné la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, à la suite de laquelle l'administration a réintégré dans le bénéfice imposable de l'année 2012 une charge exceptionnelle de 845 030 euros. Le supplément d'impôt sur les sociétés, assorti de la majoration pour manquement délibéré a été confirmé malgré un avis défavorable de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 16 février 2015 et mis en recouvrement au cours de l'année 2015. Sa réclamation ayant été rejetée le 25 octobre 2016, la SA Pelimex a saisi le tribunal administratif de Strasbourg. Par ordonnance du 26 mars 2019, l'affaire a été attribuée au tribunal administratif de Nancy, lequel, par un jugement du 5 août 2019, a rejeté la demande tendant à la décharge en droits et pénalités de ce supplément d'impôt sur les sociétés. La SA Pelimex relève appel de ce jugement, en tant seulement qu'il a confirmé la pénalité pour manquement délibéré qui lui a été infligée.

Sur l'intervention de Me D... C... :

2. Me D... C... a été désigné comme administrateur judiciaire, en vertu de l'article L. 622-1 du code de commerce, dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de la SA Pelimex par jugement du tribunal judiciaire de Saverne du 8 septembre 2015. Son intervention, qui doit être regardée comme effectuée au soutien des conclusions de la requête de la SA Pelimex, peut donc être admise.

Sur la pénalité pour manquement délibéré :

3. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et de son intention délibérée d'éluder l'impôt.

4. La SA Pelimex a noué au cours de l'année 2012 des relations commerciales avec une société AEF dans le but de faire fabriquer en Chine, sous la marque Pelimex, des éthylotests destinés à être distribués en France auprès des particuliers. Cette coopération n'ayant pas abouti, la société AEF a adressé au mois d'août 2012 deux factures à la SA Pelimex, l'une de 83 629, 70 euros hors taxes correspondant à des frais de mise en conformité d'un lot d'éthylotests, l'autre de 761 400 euros hors taxes, correspondant à des frais de développement et de fabrication d'éthylotest par un fournisseur chinois. La SA Pelimex a alors comptabilisé en charges exceptionnelles ces deux factures et en a déduit les montants de son bénéfice imposable de l'année 2012. La SA Pelimex ayant refusé de régler ces factures, la société AEF a porté le litige devant le juge de l'exécution, lequel a donné lieu à la mise en place dès le 11 décembre 2012 d'un nantissement judicaire du fonds de commerce de la société requérante puis, le 18 janvier 2013, à une saisie conservatoire de ses comptes bancaires à hauteur de 946 660 euros. Ces procédures se sont poursuivies devant la Cour d'appel de Colmar, qui a limité les saisies à la somme de 205 000 euros par arrêt du 24 juin 2013. L'administration fiscale, confirmée en cela par le jugement entrepris, estimant que les créances dont la société AEF se prévalait ne présentaient pas le caractère d'une dette certaine dans son principe et son montant à la clôture de l'exercice 2012, a réintégré dans le bénéfice imposable le montant des deux factures litigieuses, comptabilisées à tort en charges exceptionnelles. La société requérante admet désormais le principe de cette réintégration, mais conteste l'application de la majoration pour manquement délibéré au supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné.

5. Afin de justifier la pénalité pour manquement délibéré, l'administration relève que la SA Pelimex ne pouvait ignorer le caractère litigieux des factures émises par la société AEF et que le montant de la charge exceptionnelle déduite de son bénéfice représente 83 % de son résultat d'exploitation et 8,25 % de son chiffre d'affaires. Elle déduit de ces circonstances que la SA Pelimex a pris une décision de gestion, visant à minorer dans des proportions considérables son bénéfice imposable dans l'intention d'éluder l'impôt sur les sociétés de l'année 2012. Il résulte toutefois des éléments non contestés retracés au point 3 ci-dessus, que les prétentions de la société AEF à l'égard de la SA Pelimex ne sont pas du fait de cette dernière et que le litige entre les deux sociétés, dont l'existence était bien établie avant la clôture de l'exercice 2012, lui faisait courir le risque que la somme de 845 030 euros demeure à sa charge. Si ces circonstances n'autorisaient pas la SA Pelimex, comme elle l'a fait à tort, à constater une charge exceptionnelle, elles pouvaient, ainsi qu'elle le soutient dans ses écritures, lui permettre de constater une provision pour litige au 31 décembre 2012, provision qu'elle aurait également pu déduire de son bénéfice imposable. Ainsi, et en l'absence de tout montage ou de collusion frauduleuse avec la société AEF, l'écriture de charge exceptionnelle litigieuse apparaît, qu'elle ait consisté en une simple erreur comptable ou ait procédé d'une décision de gestion, comme ne révélant pas une volonté délibérée d'éluder l'impôt sur les sociétés.

6. Il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à soutenir que l'administration ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la volonté de la SA Pelimex d'éluder l'impôt sur les sociétés en ayant déduit de son bénéfice imposable le montant des factures émises par la société AEF au cours du mois d'août 2012. Par suite, elle est fondée à demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été infligées et l'annulation dans cette mesure du jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 août 2019.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SA Pelimex de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de Me C..., administrateur judiciaire de la SA Pelimex est admise.

Article 2 : Le jugement n° 1626487 du tribunal administratif de Nancy du 5 août 2019 est annulé en tant qu'il a maintenu à la charge de la SA Pelimex les pénalités pour manquement délibéré.

Article 3 : La SA Pelimex est déchargée des pénalités pour manquement délibéré ayant assorti le supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 2012.

Article 4 : L'Etat versera à la SA Pelimex la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Pelimex, à Me C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 19NC02900 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02900
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-04-03 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations. Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FAVIER
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : KRETZ

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-08;19nc02900 ?
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