Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1703452 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 juillet 2019 et le 20 avril 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 mai 2019 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont retenu l'administration fiscale et le tribunal administratif, elle justifie avoir effectué les diligences nécessaires pour louer l'appartement en litige ;
- elle était dans l'impossibilité de louer le bien litigieux à compter de 2007 en raison d'une part, de la liquidation judiciaire, prononcée cette même année, des sociétés Résidence hôtelière des Ducs de Chevreuse, locataire des lots et SOGECIF, cette dernière étant chargée de réaliser les travaux de rénovation du château et d'autre part, de l'état général de vétusté du château ;
- elle n'a pas pu faire réaliser les travaux de rénovation par des entreprises dès lors qu'elle a acquis le bien litigieux par vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) et que les travaux de rénovation doivent être réalisés de manière collective par l'ensemble des propriétaires de la copropriété.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n°2020-1402 et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Par acte notarié du 22 décembre 2003, les époux A... ont acquis un appartement de 126 m² situé au rez-de-chaussée du château " La Grange le Roy " sis à Grisy-Suisnes (Seine-et-Marne). Ce bien, acheté à la société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Financière Barbatre, était l'un des dix-sept lots compris dans l'opération de rénovation de ce château, inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques par un arrêté du ministre des beaux-arts du 7 août 1926, en vue de sa transformation en résidence hôtelière. Dans ce cadre, l'appartement a fait l'objet d'un bail commercial entre M. et Mme A... et la société anonyme Résidence hôtelière des Ducs de Chevreuse, filiale de la SARL Financière Barbatre, le jour même de son acquisition. Parallèlement, les travaux nécessaires à la transformation du bien devaient être réalisés par la SOGECIF, également filiale de la société Financière Barbatre, Le montant total de l'opération de 667 800 euros était financé par un prêt souscrit par les époux A... auprès du crédit mutuel de Strasbourg. Au titre de ses déclarations de revenus 2010, 2011 et 2012, Mme A..., dont l'époux est décédé en 2007, a déduit de ses autres revenus fonciers les montants respectifs de 15 490 euros, 15 191 euros et 15 296 euros correspondant aux intérêts de l'emprunt relatif à l'acquisition et aux travaux de rénovation de cet appartement, ainsi que 20 euros par année au titre des frais de gestion. Par proposition de rectification du 28 novembre 2013, l'administration fiscale a notamment remis en cause le caractère déductible de ces charges foncières et a assujetti la requérante aux rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales s'y rapportant. Mme A... relève appel du jugement du 21 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes de l'article 14 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 15, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : 1° Les revenus des propriétés bâties, (...) ". Aux termes de l'article 15 du même code, également relatif à la définition du champ d'application des revenus fonciers : " II. - Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. ". Aux termes de l'article 28 : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. ". Et aux termes de l'article 31 : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : (...) d) Les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés (...) ; ".
3. Il résulte de ces dispositions combinées que pour être déductibles du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu, les charges supportées par le propriétaire d'un bien immobilier doivent se rapporter à un bien produisant des revenus entrant dans cette même catégorie, et qu'est, en conséquence, exclue la déduction des intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition ou l'amélioration des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance. La réserve de jouissance est établie, notamment, par l'accomplissement ou non de diligences ayant pour objet de donner le bien en location. Il appartient donc au propriétaire d'apporter la preuve qu'il a offert à la location pendant l'année en cause le logement resté vacant au titre duquel il demande la déduction de charges foncières, et qu'il a pris toutes les dispositions nécessaires pour le louer.
4. L'appartement situé au rez-de-chaussée du château " La Grange le Roy " sis à Grisy-Suisnes, acquis par M. et Mme A... en 2003 n'a plus été loué depuis 2007 en raison de la défaillance de la société anonyme Résidence hôtelière des Ducs de Chevreuse. La requérante fait valoir qu'elle a été dans l'impossibilité de donner cet appartement en location à compter de 2007 en raison de la liquidation judiciaire des biens des sociétés appartenant au groupe Financière Barbatre, à savoir la société anonyme Résidence hôtelière des Ducs de Chevreuse, locataire de la copropriété et la SOGECIF, société en charge des opérations de travaux, qui n'a pas réalisé les travaux de rénovation prévus au contrat. Toutefois, s'il n'est pas contesté que M. et Mme A... ont dès l'origine donné l'appartement en location et que la défaillance des entreprises chargées de mener les opérations de réhabilitation n'est pas imputable aux acquéreurs, il résulte de l'instruction qu'à l'exception de la déclaration de créances auprès du liquidateur judiciaire du 2 juillet 2009, d'un courrier du 21 octobre 2008 adressé au notaire de l'opération immobilière afin d'obtenir les noms des autres propriétaires de la copropriété et d'un échange de messages électroniques, datés du 5 mai 2010, attestant de la volonté du fils de Mme A... d'obtenir le nom de la personne à l'initiative d'une rencontre des propriétaires le 19 mai 2008, aucune autre démarche n'a été engagée pendant la période en litige en vue de faire constater l'absence de réalisation des travaux ou de les faire réaliser pour permettre la mise en location de l'appartement. Si Mme A... fait valoir qu'elle a acquis le bien litigieux en vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) et qu'en l'absence de réalisation des travaux de rénovation, elle ne pouvait pas démarcher d'autres entreprises de travaux, il ne résulte pas de l'instruction que la vente a été conclue en l'état futur d'achèvement alors que les clauses de l'acte de vente du 22 décembre 2003, produit aux débats, indiquent au contraire que " l'acquéreur prendra l'immeuble présentement vendu dans son état au jour fixé pour l'entrée en jouissance ", laquelle est expressément fixée à la date de l'acte de vente. En outre, et comme le fait valoir l'administration en défense, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait engagé une action en justice contre la société Financière Barbatre qu'elle accuse de détournements de fonds à l'origine de la liquidation judiciaire des sociétés précitées. Dans ces conditions, Mme A... n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'accomplissement de diligences suffisantes qui auraient permis la location de l'appartement dont elle était propriétaire, au titre des années en litige. Dès lors, la requérante doit être regardée comme s'étant réservée la jouissance de cet appartement. Par suite, les intérêts de l'emprunt que la contribuable a contracté pour l'acquisition et la rénovation de ce logement, de même que les frais de gestion, n'étaient pas déductibles de son revenu foncier, en application des dispositions, citées au point 2, du code général des impôts.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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