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18/03/2021 | FRANCE | N°19NC01358

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 mars 2021, 19NC01358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 ainsi que des pénalités correspondantes ou à titre subsidiaire de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1700140 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Besançon, après avoi

r constaté un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus de la demande.

Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 ainsi que des pénalités correspondantes ou à titre subsidiaire de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1700140 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Besançon, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 6 mai 2019 et le 14 mai 2010, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités restant en litige ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'une part, une somme de 1 000 euros pour la procédure de première instance menée devant le tribunal administratif de Besançon et d'autre part, une somme de 1 500 euros pour la procédure d'appel.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 4 avril 2016 méconnaît les dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales concernant la motivation en fait des pénalités de retard ;

- l'administration a méconnu la loi, la doctrine administrative BOFIP-RSA-BASE-3050-30-20-20160830 n°10 et 30 et la réponse ministérielle publiée dans le journal officiel Sénat du 4 octobre 2007 dès lors qu'elle justifie de circonstances particulières liées à son emploi et de circonstances d'ordre familial et social ;

- il est proposé de retenir un calcul des frais kilométriques à hauteur de 12 200 euros correspondant à 30 576 km parcouru au titre de 2013 et 11 698 euros correspondant à 29 172 km au titre de 2014 ;

- à titre subsidiaire, si l'administration reconnaît que des circonstances particulières permettent la déduction d'un trajet de 60 kilomètres, elle devrait accepter la déduction des frais kilométriques à hauteur de cette distance et ne pas les limiter aux seuls 40 premiers kilomètres, soit une réduction de 9 384 euros au titre de 2013 et 8998 euros au titre de 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., résidente fiscale française domiciliée à Fuans (Doubs), exerce, depuis mars 2011, une activité professionnelle à Bienne en Suisse au sein de la société Rolex. Au cours de l'année 2016, elle a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration a partiellement remis en cause la déduction des frais réels qu'elle avait déclarés, pour les années 2013 et 2014, au titre des frais de transport. Par une proposition de rectification du 4 avril 2016, l'administration fiscale lui a notifié, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2013 et 2014 pour un montant total, en droits et pénalités, de 3 820 euros. Mme A... relève appel du jugement du 12 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 83 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut, après défalcation des cotisations, contributions et intérêts mentionnés aux 1° à 2° quinquies et à l'article 83 bis ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. Elle est limitée à 14 157 € pour l'imposition des rémunérations perçues en 2011 ; chaque année, le plafond retenu pour l'imposition des revenus de l'année précédente est relevé dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Le montant de la déduction forfaitaire pour frais professionnels ne peut être inférieur à 421 € ou à 924 € pour les personnes inscrites en tant que demandeurs d'emploi depuis plus d'un an, sans pouvoir excéder le montant brut des traitements et salaires. Cette disposition s'applique séparément aux rémunérations perçues par chaque membre du foyer fiscal désigné aux 1 et 3 de l'article 6. (...) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels, soit dans la déclaration visée à l'article 170, soit sous forme de réclamation adressée au service des impôts dans le délai prévu aux articles R.196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales. Le montant des frais réels à prendre en compte au titre de l'acquisition des immeubles, des véhicules et autres biens dont la durée d'utilisation est supérieure à un an s'entend de la dépréciation que ces biens ont subie au cours de l'année d'imposition. (...) Les frais de déplacement de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. Lorsque la distance est supérieure, la déduction admise porte sur les quarante premiers kilomètres, sauf circonstances particulières notamment liées à l'emploi justifiant une prise en compte complète. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir déduire de son revenu imposable ses frais professionnels, le contribuable doit fournir des justifications suffisamment précises pour permettre d'en apprécier le montant et de vérifier qu'ils ont été effectivement exposés par lui à l'occasion de l'exercice de sa profession. Ainsi, il ne peut ni se borner à présenter un calcul théorique de ses frais ni faire état de dépenses sans établir qu'elles constituent une charge de sa fonction ou de son emploi et il doit également établir qu'il justifie de circonstances particulières.

3. Mme A... soutient qu'elle peut se prévaloir, au titre des années en litige, pour justifier une prise en compte complète des frais de déplacement entre son domicile situé à Fuans et son lieu de travail en Suisse, séparés de 78 kilomètres, de circonstances particulières résultant d'une part, des difficultés qu'elle a rencontrées pour trouver un emploi en France, du fait qu'elle est restée dix mois au chômage après avoir démissionné de son poste précédent en raison du harcèlement dont elle avait été victime, de l'impossibilité de se rapprocher de Bienne sans devenir résidente suisse et d'autre part, de la proximité des membres de sa famille et de ses amis. Toutefois, il est constant qu'elle a été recrutée par l'entreprise Rolex en 2011 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Or, comme le relève l'administration en défense, la requérante a choisi, plus de deux ans et demi après ce recrutement de maintenir sa résidence principale à 78 kilomètres de son lieu de travail situé en Suisse en faisant l'acquisition, le 7 octobre 2013, du terrain sur lequel elle a fait édifier sa maison alors que, contrairement à ce qu'elle affirme, elle avait la possibilité de se rapprocher de Bienne tout en établissant sa résidence en France. En outre, et comme le fait valoir le service, elle n'a pas été licenciée de son précédent poste mais elle en a démissionné, sans que ne puisse être retenue la circonstance, au demeurant non démontrée, qu'elle aurait été victime de harcèlement ni que sa démission puisse être assimilée à un licenciement en raison de la durée de la période de chômage qui a suivie. Par ailleurs, si la requérante fait valoir qu'elle n'a pas trouvé d'emploi en France, il ressort toutefois des éléments qu'elle a produits que ses recherches d'emploi ont porté exclusivement sur le territoire suisse. Enfin, la seule circonstance qu'elle est " travailleur frontalier " ne constitue pas une circonstance particulière en tant que telle et ne permet pas de justifier l'intégralité des frais kilométriques en litige. Quant aux contraintes ou autres obligations familiales et sociales invoquées par Mme A... en tant que circonstances particulières, elles ne sauraient être justifiées par la seule proximité de ses amis et de la résidence, dans des maisons voisines de la sienne, de ses parents et de son frère. Dans ces conditions, et dès lors que la requérante ne fait état, pour justifier d'une résidence aussi éloignée de son lieu de travail, que de motifs de convenance personnelle, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'admettre la totalité des frais de déplacements exposés par Mme A... et n'a pris en compte que les quarante premiers kilomètres, comme le prévoit les dispositions précitées de l'article 83 du code général des impôts.

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

5. La requérante n'est pas fondée à invoquer la doctrine administrative référencée BOFIP-RSA-BASE-30-50-30-20-20160830 n°10 et 30 ainsi que la réponse ministérielle publiée dans le journal officiel Sénat du 4 octobre 2007, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elles ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

Sur les majorations :

6. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " I. Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable (...), donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires (...). / II.- Cette majoration n'est pas applicable : a) En cas de régularisation spontanée ou lorsque le contribuable a corrigé sa déclaration dans un délai de trente jours à la suite d'une demande de l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. (...) ".

7. La proposition de rectification adressée le 4 avril 2016 à Mme A..., indique en pages 2 et 3 que l'examen de son dossier fait apparaître des inexactitudes dont le détail est également exposé. Cette motivation des faits est également mentionnée dans les courriers en date des 28 avril et 25 mai 2016 transmis par l'administration à l'intéressée en réponse à ses observations. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la motivation en fait des pénalités en litige est insuffisante. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en décharges des impositions supplémentaires et pénalités litigieuses.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

En ce qui concerne les frais de première instance :

9. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande formée par la requérante sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'Etat n'ayant pas la qualité de partie principalement perdante en première instance, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif ait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice. Par suite, les conclusions de Mme A..., tendant à ce qu'une somme de 1 000 euros soit la mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice en ce qui concerne la procédure devant le tribunal administratif de Besançon doivent être rejetées.

En ce qui concerne la présente instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 19NC01358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01358
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : CABINET LAURANT ET MICHAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-03-18;19nc01358 ?
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