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16/02/2021 | FRANCE | N°19NC02350

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 16 février 2021, 19NC02350


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... et M. A... F... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 25 mars 2019 par lesquels le préfet de la Moselle les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seront renvoyés.

Par un jugement n°s 1903565, 1903566 du 12 juin 2019, le président désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par

une requête, enregistrée le 23 juillet 2019, M. et Mme F..., représentés par Me Saoudi, demandent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... et M. A... F... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 25 mars 2019 par lesquels le préfet de la Moselle les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seront renvoyés.

Par un jugement n°s 1903565, 1903566 du 12 juin 2019, le président désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2019, M. et Mme F..., représentés par Me Saoudi, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 juin 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 25 mars 2019 du préfet de la Moselle.

Ils soutiennent que :

S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

- elles ne sont pas motivées ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant des décisions fixant le pays de destination :

- elles ne sont pas motivées ;

- elles méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F..., ressortissants de nationalité albanaise, sont entrés en France le 27 février 2017, accompagnés de leurs deux enfants mineurs nés en 2007 et 2016, en vue d'y solliciter l'asile. Par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 29 septembre 2017, confirmées par la Cour nationale de droit d'asile (CNDA) par deux décisions du 6 juin 2018, les demandes d'asile des intéressés ont été rejetées. Par deux décisions du 26 juillet 2018, l'OFPRA a déclaré irrecevables leurs demandes de réexamen. Les recours des intéressés contre ces décisions ont été rejetés par deux décisions de la CNDA du 18 janvier 2019. Par deux décisions du 6 mars 2019, l'OFPRA a rejeté leur deuxième demande de réexamen comme irrecevable. Par des arrêtés du 25 mars 2019, le préfet de la Moselle leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés d'office. M. et Mme F... font appel du jugement du 12 juin 2019 par lequel le président désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes des arrêtés contestés que, pour obliger M. et Mme F... à quitter le territoire français, le préfet de la Moselle, après avoir visé les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables, a notamment indiqué que les intéressés étaient arrivés en France le 27 février 2017, que leurs demandes d'asile avaient été rejetées à plusieurs reprises par des décisions de l'OFPRA et de la CNDA, que chacun des époux faisait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il n'était pas porté une atteinte disproportionnée aux droits des intéressés au respect de leur vie familiale. Les décisions contestées comportent ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions contestées, M. et Mme F... n'étaient présents sur le territoire que depuis deux ans. Ils n'établissent pas être dépourvus de liens familiaux et personnels dans leur pays d'origine, l'Albanie, où ils ont vécu jusqu'en 2017, ni avoir établi des liens anciens et stables en France, nonobstant la présence régulière de la soeur du requérant en France. Par ailleurs, tous les deux font l'objet d'une mesure d'éloignement de telle sorte que rien ne s'oppose à ce que leur cellule familiale se reconstitue en Albanie. Enfin, la circonstance que leur fils aîné, né en 2007, soit scolarisé en France en classe de 6ème ne saurait suffire à leur conférer une vie privée et familiale sur le territoire national. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle n'a pas porté au droit de M. et Mme F... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels les décisions contestées ont été prises. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

5. En troisième lieu, les requérants ne peuvent pas utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, qui n'impliquent pas, par elles-mêmes, un retour dans leur pays d'origine.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

7. La circonstance que l'aîné des enfants mineurs des requérants est scolarisé en France en classe de 6ème ne fait obstacle ni à la poursuite de sa scolarité en Albanie, ni à la reconstitution de la cellule familiale en dehors du territoire français. Dès lors, les décisions faisant obligation aux intéressés de quitter le territoire ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

8. En premier lieu, les décisions contestées, après avoir mentionné la nationalité albanaise des requérants, précisent que ces derniers n'établissent pas encourir un risque de traitement prohibé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Albanie. Dans ces conditions, les décisions en litige, qui comportent les éléments de fait et de droit qui constituent leur fondement, sont suffisamment motivées.

9. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. En soutenant qu'ils encourent des risques pour leur vie en cas de retour dans leur pays d'origine, les requérants doivent être regardés comme soulevant le moyen tiré de la méconnaissance, par les décisions fixant le pays de renvoi, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si les requérants, dont les demandes d'asile ont été rejetées tant par l'OFPRA que par la CNDA, soutiennent qu'ils ont subi et risquent de subir des persécutions en Albanie en raison d'un conflit foncier, ils ne l'établissent pas par les pièces qu'ils produisent, en particulier les certificats médicaux qui ne démontrent pas que les séquelles de blessures présentées par M. F... seraient en lien avec l'agression qu'il allègue avoir subi. Dans ces conditions, les décisions fixant le pays de destination ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F..., à M. A... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 19NC02350


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02350
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GRENIER
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : STANISLAS LOUVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-16;19nc02350 ?
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