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29/12/2020 | FRANCE | N°19NC02692

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 29 décembre 2020, 19NC02692


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité (SARL) Solaris France a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2012 et des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt qui lui ont été assignés au titre des années 2010 et 2011 ainsi que le rétablissement du déficit reportable de l'année 2009.

Par un jugement n° 1701619 du

4 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à cette deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité (SARL) Solaris France a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2012 et des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt qui lui ont été assignés au titre des années 2010 et 2011 ainsi que le rétablissement du déficit reportable de l'année 2009.

Par un jugement n° 1701619 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2019, ainsi qu'un mémoire enregistré le 30 juillet 2020, la SARL Solaris France, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 juin 2019 en tant qu'il a laissé à sa charge les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt au titre des années 2010 et 2011 ainsi que les pénalités pour manquement délibéré et a rejeté ses conclusions tendant au rétablissement du déficit reportable de l'année 2009 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités laissées à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa politique de prix de transfert est justifiée par sa documentation, alors pourtant qu'elle n'était pas tenue aux obligations découlant de l'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales et que le service ne lui a pas demandé d'en produire, et ses marges sont de pleine concurrence alors que de son côté l'administration ne s'appuie pas sur des termes de comparaison avec les prix pratiqués par des entreprises similaires et n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'un transfert de bénéfices ; la méthode utilisée par le service afin de déterminer la valeur vénale correspondant au prix d'achat des bus est erronée alors qu'il existe entre les différents véhicules achetés auprès de SBC des différences d'équipements et d'aménagements ;

- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée dès lors qu'elle a suivi la politique de prix de transfert au sein du groupe et qu'elle en a justifié.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., représentant la SARL Solaris France.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Solaris exerce une activité de négoce, d'entretien et de réparation de véhicules terrestres de transport collectif de personnes. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 août 2012. Par deux propositions de rectifications des 17 décembre 2012 et 27 juin 2013, l'administration a effectué, suivant la procédure contradictoire de rectification, divers rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, sur le fondement de l'article 57 du code général des impôts, a réintégré dans le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés des années 2009, 2010 et 2011 les sommes qu'elle a regardées comme constitutives de bénéfices transférés indirectement à l'étranger. La SARL Solaris France ayant refusé les rectifications, celles-ci ont été confirmées pour la plupart après recours hiérarchique et devant l'interlocuteur départemental. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a rendu un avis favorable aux redressements le 13 avril 2015. Les impositions supplémentaires, assorties des pénalités pour manquement délibéré en ce qui concerne celles consécutives à l'application de l'article 57 du code général des impôts, ont été mises en recouvrement le 8 juin 2015. La réclamation préalable de la SARL Solaris France a fait l'objet d'une décision d'admission partielle du 27 janvier 2017. Par un jugement du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement admis la demande de la SARL Solaris France tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires. La SARL Solaris France relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il laisse à sa charge les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt et maintient la réduction du déficit reportable de l'année 2009 en conséquence des redressements effectués en matière de prix de transfert.

Sur le bien-fondé des impositions et les pénalités :

2. Aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ". Aux termes de l'article 57 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. (...) / A défaut d'éléments précis pour opérer les redressements prévus aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix payés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont supérieurs à ceux pratiqués, soit par cette entreprise avec d'autres fournisseurs dépourvus de liens de dépendance avec elle, soit par des entreprises similaires exploitées normalement avec des fournisseurs dépourvus de liens de dépendance, sans que cet écart ne s'explique par la situation différente de ces fournisseurs, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise établie en France, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes. A défaut d'avoir procédé à de telles comparaisons, l'administration n'est, en revanche, pas fondée à invoquer une présomption de transfert de bénéfices mais doit établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu.

3. Il résulte de l'instruction que la SARL Solaris France, créée le 21 novembre 2007, est la filiale à 100 % de la société de droit polonais Solaris Bus and Coach (SBC), laquelle a pour associé prépondérant une société établie à Chypre et dont elle assure en France la distribution des autobus que celle-ci lui fournit. L'administration a ainsi constaté que la SARL Solaris France avait fait l'acquisition auprès de la société SBC de 37 bus au cours de l'année 2009, 56 en 2010 et 111 en 2011. L'administration a estimé que le prix d'acquisition de ces bus était excessif compte tenu des importantes variations de prix d'achat pour un même type de véhicule, des prix de vente pratiqués par la société requérante auprès de ses clients et de l'importance des achats dans les charges d'exploitation occasionnant selon elle une situation de déficit structurel. Estimant insuffisante la justification par la société requérante de sa politique de prix d'achat et de vente, le service a évalué un prix d'achat des bus, qualifié par elle de normal, sur la base du prix d'achat le plus bas constaté pour chaque type de véhicule et a réintégré en conséquence dans les bénéfices imposables des années 2009, 2010 et 2011 la différence entre ce coût d'achat évalué et les montants facturés par la société SBC.

4. Il n'est pas contesté que la SARL Solaris France est la filiale à 100 % de la société SBC et que cette dernière lui accorde de manière récurrente des concours financiers. La SARL Solaris France se trouve ainsi sous la dépendance de la société de droit polonais SBC.

5. S'étant abstenue de comparer les prix d'achat facturés à la SARL Solaris par rapport à ceux pratiqués avec d'autres fournisseurs ou par des entreprises similaires exploitées normalement avec des fournisseurs dépourvus de liens de dépendance, l'administration doit, conformément aux principes rappelés au point 2 ci-dessus, rapporter la preuve d'un écart significatif entre les prix d'achats facturés et la valeur vénale des véhicules afin d'établir l'existence d'un transfert indirect de bénéfices au profit de la société SBC. Afin d'effectuer cette démonstration, l'administration se borne à mettre en évidence les écarts de prix d'achat entre les véhicules d'un même type et la faiblesse de la marge pratiquée lors de leur revente. De son côté, la SARL Solaris France établit les différences de caractéristiques et d'équipements entre les véhicules qu'elle revend fussent-ils du même type, justifiant ainsi des différences de prix d'achat, rappelle que sa situation comptable, après une période de démarrage, est devenue bénéficiaire dès l'année 2010 et démontre que sa marge brute sur achats revendus de 7,2 % en moyenne, au titre des trois années litigieuses, résultant de l'application d'une marge fixe de 10 000 euros sur chaque véhicule, est comparable à la marge brute moyenne pondérée pratiquée par les entreprises françaises indépendantes ayant une activité similaire, comprise entre 6,4 % et 15,7 % avec une médiane de 8,3 %. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'administration ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un transfert de bénéfices de la société requérante au profit de sa société mère établie en Pologne. Par suite, la SARL Solaris France est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré dans ses bénéfices imposables des années 2009, 2010 et 2011 les sommes regardées comme constitutives d'un transfert de bénéfices sans contrepartie à la société SBC.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Solaris France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a laissé à sa charge les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt au titre des années 2010 et 2011 ainsi que les majorations correspondantes, et a rejeté sa demande tendant au rétablissement du déficit reportable de l'année 2009 dans la mesure des réintégrations effectuées en application de l'article 57 du code général des impôts.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, le versement à la SARL Solaris France de la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par elle dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : Il est déduit des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés de la SARL Solaris France les sommes de 311 269 euros au titre de l'année 2009, 602 091 euros au titre de l'année 2010 et 1 690 270 euros au titre de l'année 2011.

Article 2 : Le déficit reportable de l'année 2009 de la SARL Solaris France est rétabli et la société est déchargée des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt ainsi que des majorations qui lui ont été assignés au titre des années 2010 et 2011, en conséquence des réductions de base prononcée à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 juin 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL Solaris France la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Solaris France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 19NC02692 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02692
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : CABINET KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-29;19nc02692 ?
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