Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par action simplifiée (SAS) Construction bois Jeremy's a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2013 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1500386 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Besançon a constaté un non-lieu à statuer partiel, a déchargé la SAS Construction bois Jeremy's des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2013 à hauteur de la somme de 1 762 euros et des pénalités correspondantes, a corrigé le résultat déficitaire de la société au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2012 et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 avril 2019 et 19 mars 2020, la SAS Construction bois Jeremy's, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 février 2019 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités correspondantes restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'avis de vérification de comptabilité relatif à la période du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2012, étendue au 30 septembre 2013 pour la taxe sur la valeur ajoutée, ayant été reçu deux jours après la date de la première intervention, la procédure est irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- elle n'a pas été informée de la date à laquelle le début des opérations de vérification a été reportée ;
- la vérification de comptabilité, relative à la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 concernant l'impôt sur les sociétés, a débuté à une adresse différente du siège de la société sans accord préalable du contribuable en méconnaissance de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ;
- cette seconde vérification n'est pas le prolongement de la première portant sur la période du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2012, dès lors que deux avis de vérification lui ont été adressés.
Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 20 décembre 2019 et 2 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Construction bois Jeremy's ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Construction bois Jeremy's a fait l'objet, à la suite de l'envoi de deux avis de vérification des 5 novembre 2013 et 24 janvier 2014, de deux vérifications de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2013. Par propositions de rectification des 17 décembre 2013 et 13 mai 2014, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de taxation d'office des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour les mois de juillet, août, octobre et décembre 2009, ainsi que janvier, février, avril, mai, juillet, août et septembre 2010 et une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2011, et dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour les mois de septembre et novembre 2009, mars et juin 2010, ainsi que la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013, et une cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2013. La SAS Construction bois Jeremy's relève appel du jugement du 12 février 2019 en tant que le tribunal administratif de Besançon a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne les impositions établies par voie de taxation d'office :
2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) / 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. ".
3. La SAS Construction bois Jeremy's n'a souscrit avant la date limite de dépôt aucune déclaration de résultats au titre des exercices clos au 30 septembre 2010, 2011 et 2012, et n'a régularisé sa situation qu'après mises en demeure adressée par l'administration. S'agissant de ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée des mois de juillet, août, octobre et décembre 2009, ainsi que janvier, février, avril, mai, juillet, août et septembre 2010, la société a déposé l'ensemble de ces actes après la date limite de dépôt. La société requérante ne conteste pas se trouver ainsi dans le cas où l'administration peut régulièrement établir les impositions concernés par voie de taxation d'office tant en matière d'impôt sur les société que de taxe sur la valeur ajoutée. Il résulte de l'instruction qu'eu égard aux dates de dépôt de ces déclarations mentionnées dans les propositions de rectification des 17 décembre 2013 et 13 mai 2014, cette situation de défaut de dépôt de déclaration dans le délai légal ou après mise en demeure n'a pas été révélée par la vérification de comptabilité. Il s'ensuit que les irrégularités qui auraient, selon la société requérante, entaché cette vérification sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Par conséquent, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir de l'irrégularité de la vérification de comptabilité résultant de l'avis du 5 novembre 2013 à l'appui de sa demande de décharge des impositions notifiées dans le cadre de la procédure de taxation d'office.
En ce qui concerne les impositions établies selon la procédure de rectification contradictoire :
4. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable à la présente procédure : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte. En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. " Il résulte de ces dispositions que la première intervention de l'administration sur place aux fins de vérification de la comptabilité du contribuable ne peut avoir lieu qu'après que ce dernier a été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de notification, dans un délai raisonnable qui ne peut être inférieur à deux jours ouvrés, de l'engagement du contrôle, cette garantie étant de nature à permettre au contribuable d'être présent ou représenté lors des interventions sur place du vérificateur.
5. Toutefois, lorsqu'un contribuable a été régulièrement informé de l'engagement d'une procédure de vérification par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification, dans les conditions prévues à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales citées au point 4 ci-dessus, aucune disposition législative ou réglementaire ne prescrit à l'administration, lorsqu'elle décide de reporter, de sa propre initiative ou à la demande du contribuable, la date qui avait été initialement prévue pour la première intervention sur place du vérificateur, d'envoyer ou de remettre un avis de vérification rectificatif au contribuable. L'administration est en revanche tenue d'informer le contribuable en temps utile, par tous moyens, de la date à laquelle est reporté le début des opérations de vérification.
6. Il est constant que l'avis de vérification adressé à la SAS Construction bois Jeremy's le 5 novembre 2013, portant sur la période allant du 1er juillet 2007 au 30 septembre 2012, période étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 septembre 2013 et fixant une date de première intervention le 19 novembre 2013, a été présenté le 6 novembre 2013 sans pouvoir être distribué. Le pli a seulement été délivré le 21 novembre 2013 après mise en instance auprès des services postaux, postérieurement à la date prévue initialement pour la première intervention. Par courrier du 26 novembre 2013 adressé à l'administration fiscale, le président de la SAS Construction bois Jeremy's a demandé le report de la première intervention au 3 décembre 2013. Il n'est pas établi ni même allégué par l'administration que le service , qui est pourtant tenu d'informer le contribuable en temps utile de la date à laquelle est reporté le début des opérations de vérification, aurait, préalablement à la visite du vérificateur, confirmé par tout moyen la date de cette intervention. S'il ressort des termes du courrier que la SAS Construction bois Jeremy's entendait se rendre disponible à la date qu'elle proposait, le défaut d'information du contribuable de la date finalement retenue pour le report du début des opérations de contrôle, ne lui permettant pas le cas échéant de se faire assister du conseil de son choix, l'a privée d'une garantie tenant au caractère contradictoire de la procédure. Il s'ensuit que la SAS Construction bois Jeremy's est fondée à soutenir que la vérification, ayant conduit aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des mois de septembre et novembre 2009, mars et juin 2010, et ainsi qu'au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013, est entachée d'irrégularité.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. ".
8. Si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux. Il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée.
9. Il résulte de l'instruction que l'avis de vérification du 24 janvier 2014, relatif à la vérification de comptabilité de l'impôt sur les sociétés au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013, adressé au siège de la société à Macornay, mentionne une première intervention à son " bureau " le 6 février 2014. Il est constant que le vérificateur s'est présenté le 6 février 2014 dans les locaux de la société situés à Lons-Le-Saunier où se trouve la comptabilité de la société comme cela a été porté à la connaissance de l'administration par courrier du contribuable du 26 novembre 2013 dans le cadre de la précédente vérification de comptabilité. La société requérante ne conteste pas que, conformément à ce courrier, la comptabilité y demeurait lors de cette seconde vérification de comptabilité. Elle ne justifie d'ailleurs pas avoir émis des réserves sur le lieu de la première intervention au cours des opérations de contrôle ou avoir sollicité une nouvelle intervention à son siège social à Macornay. Il s'ensuit que les conditions de la première intervention du vérificateur ne peuvent être regardées, par elles-mêmes, comme ayant été de nature à faire obstacle à la possibilité d'engager un débat oral et contradictoire. Par suite, la SAS Construction bois Jeremy's, qui n'a pas été privée de cette garantie, n'est pas fondée à soutenir que la vérification de comptabilité diligentée à son encontre se serait déroulée dans des conditions irrégulières.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Construction bois Jeremy's est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon ne lui a pas accordé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des mois de septembre et novembre 2009, mars et juin 2010, et au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La SAS Construction bois Jeremy's est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des mois de septembre et novembre 2009, mars et juin 2010, et au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 février 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Construction bois Jeremy's est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Construction bois Jeremy's et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N° 19NC01115