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29/12/2020 | FRANCE | N°18NC02121

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 29 décembre 2020, 18NC02121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Auto Exclusive 67 a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2013.

Par un jugement n° 1704097 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 juillet 2018 et le 18 mars 2

019, la SARL Auto Exclusive 67, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Auto Exclusive 67 a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2013.

Par un jugement n° 1704097 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 juillet 2018 et le 18 mars 2019, la SARL Auto Exclusive 67, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas suffisamment motivé son jugement en ne répondant pas aux arguments suivants : la simple mention d'un professionnel sur un certificat d'immatriculation ne permet pas de déterminer le régime de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable à un stade ultérieur ; elle ne disposait pas des moyens d'investigation lui permettant d'identifier que les sociétés espagnoles et roumaines étaient des sociétés " écran " ; le régime de la TVA applicable aux biens d'occasion n'est pas lié au lieu de départ de la marchandise ; le circuit de la marchandise ne peut être un " indice de fraude " pour le redevable, les procès-verbaux d'auditions rédigés dans le cadre de l'enquête judiciaire ne sont pas probants ;

- eu égard à la concurrence du marché international et local des véhicules haut de gamme, il ne peut lui être reproché des incohérences dans l'ordre chronologique des transactions réalisées le même jour ; cet élément ne permet pas d'apprécier le régime fiscal applicable à l'achat des voitures d'occasion ; rien ne lui permettait de déceler les anomalies mises en exergue par l'administration à l'occasion d'un contrôle systématique pour une partie des véhicules ;

- elle était en droit d'appliquer le régime de la marge indiqué sur les factures des fournisseurs dès lors qu'elle ne disposait pas des informations qui lui auraient permis de le remettre en cause ; les seuls documents qui lui auraient permis de connaitre le régime de TVA applicable sont constitués par les factures émises par les fournisseurs " situés en amont " ; les certificats d'immatriculation sont de simples documents administratifs d'autorisation de circulation qui ne présentent aucun caractère fiscal ;

- les procès-verbaux d'auditions obtenus par l'administration suite à l'exercice d'un droit de communication auprès du tribunal de grande instance de Colmar ne prouvent pas qu'elle avait connaissance d'un circuit frauduleux de TVA et qu'elle aurait participé à un système de fraude à la TVA sciemment organisé à son bénéfice ; les aveux des gérants ne sont pas probants pour ce qui la concerne ; les informations recueillies dans le cadre de l'enquête judiciaire devraient conduire à des rehaussements appliqués aux seuls fournisseurs ;

- les pénalités ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Auto Exclusive 67 ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Auto Exclusive 67, qui avait pour activité le négoce de véhicules d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2013. Par une proposition de rectification du 10 juin 2016, l'administration lui a notifié, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la remise en cause du régime de taxe sur la valeur ajoutée à la marge. La SARL Auto Exclusive 67 relève appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges, qui n'étaient en tout état de cause pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par la SARL Auto Exclusive 67 à l'appui du moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne saurait lui reprocher d'avoir appliqué un taux de TVA à la marge en se référant aux factures dont elle disposait, ont répondu de façon détaillée à ce moyen en indiquant notamment que les véhicules litigieux avaient été achetés globalement par des intermédiaires auprès de sociétés dites " écran " espagnoles ou roumaines, que la société requérante ne pouvait ignorer l'origine exacte des véhicules achetés auprès des sociétés Actua Sport et Dedicars, dès lors qu'elle était en possession de l'ensemble des cartes grises desdits véhicules dont les mentions révélaient l'origine des véhicules achetés par ses fournisseurs et l'identité de leurs premiers propriétaires et qu'enfin, l'administration fiscale avait relevé plusieurs incohérences chronologiques dans la mesure où certains véhicules ont été revendus par la SARL Auto Exclusive 67 avant même que son fournisseur les lui ait facturés. Dès lors, contrairement à ce qu'il est soutenu dans la requête, le jugement n'est pas entaché d'un défaut de réponse au moyen susmentionné, nonobstant la circonstance qu'il n'évoque pas les arguments tirés d'une part, de ce que la simple mention d'un professionnel sur un certificat d'immatriculation ne permet pas de déterminer le régime de TVA applicable à un stade ultérieur, de ce que la société requérante ne disposait pas des moyens d'investigation lui permettant d'identifier que les sociétés espagnoles et roumaines étaient des sociétés " écran ", de ce que le régime de la TVA applicable aux biens d'occasion n'est pas lié au lieu de départ de la marchandise, de ce que le circuit de la marchandise ne peut être un " indice de fraude " pour le redevable et d'autre part, de ce que les procès-verbaux d'auditions rédigés dans le cadre de l'enquête judiciaire ne seraient pas probants.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. Aux termes du 2° bis du I de l'article 256 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : "Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006 / 112 / CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...) ". Aux termes de son article 297 E : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E de ce code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Il en est de même lorsque le bien est acquis auprès d'un fournisseur situé en France et dont le fournisseur est situé quant à lui dans un autre Etat-membre. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

5. La SARL Auto Exclusive 67 ne conteste pas que les acquisitions de véhicules qu'elle a effectuées auprès de ses fournisseurs français, assujettis revendeurs, qui les avaient acquis de fournisseurs espagnols et roumains, eux-mêmes assujettis revendeurs, constituaient des livraisons intracommunautaires et que l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, lors de la revente, devait s'effectuer sur le prix total et non sur la marge, dès lors qu'il avait été établi que les véhicules concernés avaient été immatriculés et utilisés en Italie par des loueurs ou d'autres professionnels ayant pu déduire la taxe sur la valeur ajoutée lors de la première acquisition et qui les avaient revendus sous le régime des livraisons intracommunautaires. Par suite, les factures remises à la SARL Auto Exclusive 67 par ses fournisseurs ont, de manière erronée, fait mention du régime de taxation sur la marge.

6. Il résulte de l'instruction, en particulier des documents obtenus dans le cadre d'une demande d'assistance administrative internationale et des procès-verbaux d'auditions transmis par le tribunal de grande instance de Colmar à l'administration, dans le cadre d'une information judiciaire, que la SARL Auto Exclusive 67 connaissait la provenance des véhicules dont elle faisait l'acquisition, et donc le fait qu'ils étaient cédés par des utilisateurs ayant pu déduire la taxe sur la valeur ajoutée lors de la première acquisition ainsi qu'en attestent les mentions dans les certificats d'immatriculation qu'elle détenait, indiquant l'origine des véhicules achetés par ses fournisseurs et l'identité de leurs premiers propriétaires, le fait qu'elle se chargeait directement du transport des véhicules de l'Italie vers la France, les fournisseurs ne les prenant en charge à aucun moment, et enfin la circonstance que dans de nombreux cas, la vente du véhicule au client final intervenait avant que les véhicules ne soient acquis auprès des fournisseurs français. S'agissant de ces derniers, ainsi que de leurs fournisseurs espagnols et roumains, le service a relevé à juste titre qu'il s'agissait d'un ensemble de sociétés éphémères qui se succédaient rapidement dans le temps, et n'étaient en réalité que des officines de facturation dont l'interposition ne servait qu'à dissimuler l'origine exacte des véhicules en cause, alors que ces derniers n'étaient jamais passés par l'Espagne ou la Roumanie. Dans ces conditions, l'administration rapporte la preuve que la SARL Auto Exclusive 67, en sa qualité de professionnelle de la vente de véhicules, ne pouvait ignorer que le régime de taxation sur la marge n'était pas applicable aux acquisitions de véhicules qu'elle réalisait et qu'elle revendait ensuite, nonobstant la circonstance, au demeurant non démontrée, que des modifications ultérieures peuvent intervenir dans la chaine des transactions et modifier le régime de la TVA et le fait que la société requérante n'ait pas les mêmes moyens d'investigation que l'administration pour identifier l'application erronée du régime de la marge ou l'existence de sociétés dites " écran ".

7. Il résulte de ce qui précède que la SARL Auto Exclusive 67 n'est pas fondée à demander la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée contestés.

Sur les pénalités :

8. L'article 1729 du code général des impôts dispose que : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

9. Compte tenu de l'ensemble des éléments relevés par l'administration et énoncés au point 6 ci-dessus, c'est en toute connaissance de cause, en ayant recours notamment à des sociétés interposées sans rôle réel autre que celui de dissimuler les acquisitions intracommunautaires et d'émettre des factures faisant abusivement mention du régime de la marge, que la SARL Auto Exclusive 67 a décidé de réduire la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des cessions de véhicules d'occasion qu'elle réalisait, en se prévalant d'un régime particulier qu'elle savait ne pas être applicable, dans le but d'éluder l'impôt correspondant. En outre, et comme l'a relevé l'administration fiscale, le régime propre aux véhicules d'occasion avait été exposé à la société requérante au cours de deux précédentes vérifications de comptabilité, notamment dans les propositions de rectifications du 28 mai 2009 et du 27 août 2013. Par suite, l'administration ayant rapporté la preuve des manquements délibérés commis par la SARL Auto Exclusive 67 par les éléments ci-dessus analysés, c'est à bon droit qu'elle lui a infligé les majorations applicables dans un tel cas, en vertu des dispositions ci-dessus reproduites de l'article 1729 du code général des impôts.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Auto Exclusive n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Auto Exclusive 67 est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à la SARL Auto Exclusive 67 et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 18NC02121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02121
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Questions communes.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : FERNER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-29;18nc02121 ?
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