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28/12/2020 | FRANCE | N°19NC03105

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 28 décembre 2020, 19NC03105


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement no 1901162 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête en

registrée sous le n° 19NC03105 le 31 octobre 2019, M. D... C..., représenté par Me B..., demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement no 1901162 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03105 le 31 octobre 2019, M. D... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 mai 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 13 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier, dès lors qu'il ne se prononce pas sur la disponibilité d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme E..., présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant malien, est entré en France en 2009, selon ses déclarations. Il a présenté une demande de titre de séjour en qualité de commerçant, qui a été rejetée le 17 février 2011 par le préfet de police de Paris. Par une décision du 25 avril 2012, le préfet du Bas-Rhin a également refusé de l'admettre au séjour. Le 27 août 2015, M. C... a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 18 janvier 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer le titre sollicité et a décidé de sa remise aux autorités espagnoles. Le tribunal administratif de Strasbourg a suspendu cet arrêté par une ordonnance du 23 mai 2017 et a enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour. M. C... a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour à compter du 30 mai 2017. Par un nouvel arrêté du 13 novembre 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. C... fait appel du jugement du 21 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, ayant indiqué, dans son avis du 21 juin 2018, que si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé pouvait voyager sans risque, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'était pas tenu de mentionner l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'OFII doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre de tremblements essentiels et d'hypertension artérielle, ainsi que de crises d'angoisse et d'attaques paniques, pour lesquels il suit des traitements médicamenteux combinés et des thérapeutiques ajustables régulièrement. Pour refuser à l'intéressé le titre de séjour qu'il avait sollicité pour raisons de santé, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé notamment sur un avis émis le 21 juin 2018 par le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, mais que le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que M. C... pouvait voyager sans risque

6. Les pièces produites par le requérant, notamment les courriers rédigés par un médecin neurologue et des certificats rédigés par deux médecins généralistes, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet du Bas-Rhin. Par ailleurs, le requérant ne saurait utilement soutenir qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, dès lors que le collège des médecins de l'OFII a estimé que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé ne devrait, en tout état de cause, pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Si M. C... se prévaut de deux promesses d'embauche et du fait qu'il serait présent sur le territoire français depuis plus de dix ans, il ne justifie pas d'une résidence stable et continue en France depuis 2009, dès lors, d'une part, que les documents qu'il produit n'établissent sa présence en France que pour des périodes limitées et, d'autre part, qu'il a lui-même déclaré plusieurs dates d'entrée en France, notamment 2009, mai 2011, mai 2012 et mars 2014. En outre, alors qu'il a vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine, où résident notamment sa mère, sa fratrie et deux de ses enfants, il ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, d'une bonne intégration dans la société française. Enfin, il résulte des propres déclarations de l'intéressé qu'il était titulaire, à la date de l'arrêté attaqué, d'un titre de séjour espagnol valable du mois d'avril 2015 jusqu'au mois d'avril 2020. A cet égard, si M. C... allègue ne pas avoir l'intention de retourner en Espagne et avoir fait les démarches pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour espagnol pour de simples raisons de sécurité, il ne l'établit pas. Il n'établit pas davantage qu'il aurait diligenté cette procédure auprès du Consulat espagnol de Strasbourg, et non depuis l'Espagne. Dans ces circonstances, M. C... ne justifie pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 13 novembre 2018. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin

2

N° 19NC03105


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03105
Date de la décision : 28/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GROSSRIEDER
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : RUDLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-28;19nc03105 ?
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