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28/12/2020 | FRANCE | N°18NC01986

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 28 décembre 2020, 18NC01986


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier de Troyes en date du 20 septembre 2016, en tant qu'elle décide que les soins afférents à l'accident, reconnu imputable au service, dont elle a été victime le 1er mars 2016, seront pris en charge au titre de la maladie ordinaire à compter du 1er octobre 2016, ainsi que la décision du 5 décembre 2016 portant rejet de son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoind

re au centre hospitalier de prendre en charge les soins liés à l'accident...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier de Troyes en date du 20 septembre 2016, en tant qu'elle décide que les soins afférents à l'accident, reconnu imputable au service, dont elle a été victime le 1er mars 2016, seront pris en charge au titre de la maladie ordinaire à compter du 1er octobre 2016, ainsi que la décision du 5 décembre 2016 portant rejet de son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier de prendre en charge les soins liés à l'accident de service du 1er mars 2016, y compris à compter du 1er octobre 2016, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1700147 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé la décision du directeur du centre hospitalier de Troyes du 20 septembre 2016, en tant qu'elle décide que les soins afférents à l'accident de service du 1er mars 2016, seront pris en charge au titre de la maladie ordinaire à compter du 1er octobre 2016, ainsi que la décision du 5 décembre 2016 portant rejet du recours gracieux de Mme A... et, d'autre part, enjoint au centre hospitalier de Troyes de prendre en charge à compter du 1er octobre 2016 les soins afférents à l'accident de service du 1er mars 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 18NC01986 le 16 juillet 2018, complétée par des mémoires enregistrés les 21 décembre 2018 et 28 mars 2019, le centre hospitalier de Troyes, représenté par la SCP Colomes-Mathieu-Zanchi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 24 mai 2018 ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en considérant que les soins postérieurs au 30 septembre 2016 devaient être pris en charge au titre de l'accident de service du 1er mars 2016, et non au titre de la maladie ordinaire : il a méconnu ou dénaturé les conclusions du rapport d'expertise du Dr Duval, ainsi que l'avis de la commission de réforme, et fait prévaloir le seul certificat médical du Dr Kritly.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 septembre 2018 et 20 février 2019, Mme D... A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Troyes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A..., aide-soignante au centre hospitalier de Troyes, a été victime, le 1er mars 2016, d'une lombalgie consécutive à un brancardage, et placée en arrêt de travail à partir du 5 mars 2016, prolongé jusqu'au 22 juin suivant. Après avoir pris connaissance du compte-rendu d'expertise du Dr Duval, qui a examiné l'intéressée le 3 août 2016, et de l'avis émis le 13 septembre 2016 par la commission de réforme, le directeur du centre hospitalier de Troyes a, par une décision en date du 20 septembre 2016, d'une part, déclaré imputable au service l'accident du 1er mars 2016, acceptant la prise en charge des frais médicaux afférents jusqu'au 30 septembre 2016 et, d'autre part, décidé que les soins afférents à cet accident seront pris en charge au titre de la maladie ordinaire à compter du 1er octobre 2016. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier de Troyes du 20 septembre 2016, en tant qu'elle décide que les soins afférents à l'accident dont elle a été victime le 1er mars 2016 seront pris en charge au titre de la maladie ordinaire à compter du 1er octobre 2016, ainsi que la décision du 5 décembre 2016 portant rejet de son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier de prendre en charge les soins liés à l'accident de service du 1er mars 2016, y compris à compter du 1er octobre 2016. Le centre hospitalier de Troyes fait appel du jugement du 24 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à sa demande.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaire relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / L'établissement ou la collectivité dont il relève est subrogé dans les droits éventuels du fonctionnaire victime d'un accident provoqué par un tiers jusqu'à concurrence du montant des charges qu'il a supportées ou supporte du fait de cet accident. L'établissement ou la collectivité est admis à poursuivre directement contre le responsable du dommage ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées audit fonctionnaire pendant la période d'indisponibilité de celui-ci. ".

3. Le droit pour les fonctionnaires au remboursement des honoraires médicaux et des frais visés par ces dispositions est subordonné au caractère d'utilité directe de ces frais pour parer aux conséquences de l'accident. Lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice de ces dispositions est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain et non nécessairement exclusif avec l'accident de service.

4. Après avoir constaté, s'agissant des antécédents de Mme A..., l'existence d'un accident de travail survenu le 3 janvier 2014 et d'une " dépression réactionnelle imputable au service. Toujours en traitement chez une psychologue une fois par mois ", le Dr Duval souligne que la lombalgie consécutive à l'accident survenu le 1er mars 2016 " est mal supportée compte-tenu des antécédents anxio-dépressifs reconnus imputables au service " et que, si au jour de l'expertise, " le phénomène douloureux lombaire est surdimensionné par un état anxio-dépressif réactionnel ", cet état entraîne " la pérennisation des lombalgies " et rend la rééducation très difficile. Il conclut que " les lésions sont directement imputables à l'accident de service déclaré, à savoir lombalgies par brancardage du 3 mars 2016 les soins et arrêts de travail seront pris en charge au titre de cet accident ".

5. Ayant pris connaissance du compte-rendu d'expertise du Dr Duval, la commission de réforme a proposé, dans son avis du 13 septembre 2016, la prise en charge, au titre de l'accident de service du 1er mars 2016, de l'arrêt de travail de l'intéressée jusqu'au 30 septembre 2016. Cet avis mentionne : " Les arrêts et les soins seront à prendre en charge du 3 mars au 30 septembre 2016 au titre de cette reconnaissance ".

6. D'une part, en évoquant une " pérennisation des lombalgies " et un état anxio-dépressif " rendant la rééducation très difficile ", le Dr Duval a laissé entendre que les douleurs lombaires de Mme A... en lien direct et certain avec l'accident du 1er mars 2016 se manifesteront durablement. D'autre part, la commission de réforme, qui n'avait pas à se prononcer sur la période postérieure au 30 septembre 2016, dès lors qu'elle était seulement invitée à donner son avis sur la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du travail de mars 2016 et sur la " demande de reprise à temps partiel thérapeutique à compter du 1er octobre 2016 ", n'a pas exclu, par l'avis rendu le 13 septembre 2016, que les troubles de santé en lien direct et certain avec l'accident du 1er mars 2016 puissent persister postérieurement au 30 septembre 2016. A cet égard, la circonstance que l'arrêt de travail de l'intéressée prenait fin au 30 septembre 2016 n'interdisait pas de prendre en charge, au-delà de cette date, au titre de l'accident de service du 1er mars 2016, les soins en lien direct et certain avec cet accident, le bénéfice des dispositions de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 n'étant subordonné qu'à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec l'accident reconnu imputable au service, et l'agent concerné devant bénéficier de la prise en charge des frais médicaux directement entraînés par cet accident, y compris, le cas échéant, s'ils ont été exposés postérieurement à la date de consolidation constatée. Dans ces conditions, le directeur du centre hospitalier de Troyes ne pouvait pas, sans méconnaitre les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 et au vu des seuls éléments en sa possession à la date de la décision contestée, exclure définitivement, postérieurement au 30 septembre 2016, toute prise en charge des soins dispensés à Mme A... au titre de l'accident de service du 1er mars 2016 et décider par avance que les soins afférents à l'accident de service seraient pris en charge au titre de la maladie ordinaire à compter du 1er octobre 2016.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Troyes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé la décision du directeur du centre hospitalier de Troyes du 20 septembre 2016, en tant qu'elle décide que les soins afférents à l'accident dont elle a été victime le 1er mars 2016 seront pris en charge au titre de la maladie ordinaire à compter du 1er octobre 2016 et, d'autre part, enjoint au centre hospitalier de Troyes de prendre en charge à compter du 1er octobre 2016 les soins afférents à l'accident de service du 1er mars 2016.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le centre hospitalier de Troyes demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Troyes une somme de 2 000 euros à verser à Mme A... au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Troyes est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier de Troyes versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Troyes et à Mme D... A....

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

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N° 18NC01986


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01986
Date de la décision : 28/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Disponibilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GROSSRIEDER
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SCP CHOFFRUT-BRENER-BOIA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-28;18nc01986 ?
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