Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 19 décembre 2018 par laquelle le directeur délégué du groupement hospitalier Aube-Marne a refusé de le réintégrer sur un poste de médecin urgentiste au centre hospitalier de Romilly-sur-Seine, ensemble la décision du 10 janvier 2019 portant rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1900311 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions des 19 décembre 2018 et 10 janvier 2019 en tant qu'elles se rapportent à la période comprise entre le 19 juin 2018 et le 25 février 2019 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 4 mai 2020, M. E... C..., représenté par Me D..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 1900311 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 juillet 2019 ;
2°) d'annuler les décisions du directeur délégué du groupement hospitalier Aube-Marne des 19 décembre 2018 et 10 janvier 2019 ;
3°) d'annuler la décision du directeur délégué du groupement hospitalier Aube-Marne du 15 février 2019 en tant qu'elle se substitue aux décisions des 19 décembre 2018 et 10 janvier 2019 ;
4°) de mettre à la charge du groupement hospitalier Aube-Marne la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité pour défaut de communication de son mémoire du 18 juin 2019, alors même qu'il contenait des éléments nouveaux ;
- c'est à tort que les premiers juges ont soulevé une exception de non-lieu à statuer, dès lors que, malgré l'annulation de la mesure de suspension prise à son encontre le 19 juin 2018 par le jugement n° 1801685 du 12 mars 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait fait l'objet d'une réintégration pour la période allant du 19 juin 2018 au 25 février 2019 ;
- les décisions en litige des 19 décembre 2018 et 10 janvier 2019 sont entachées d'une erreur de droit, d'une erreur d'appréciation et d'un détournement de pouvoir, dès lors que les diligences nécessaires pour permettre sa réintégration effective n'ont pas été accomplies et que, du fait de la disparition du motif exceptionnel ayant fondé sa suspension en qualité de praticien hospitalier, le refus de le réintégrer dans ses anciennes fonctions n'est pas justifié par l'intérêt du service ;
- la décision du 15 février 2019 n'est pas devenue définitive, dès lors qu'elle procède au retrait des décisions des 19 décembre 2018 et 10 janvier 2019 et se substitue à elles ;
- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas apprécié la légalité de la décision du 15 février 2019 ;
- le changement d'affectation résultant de la décision du 15 février 2019 méconnaît les dispositions du second alinéa de l'article R. 6152-5-1 du code de la santé publique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 23 juin 2020, le groupement hospitalier Aube-Marne, représenté par la SCP Colomes-Mathieu-Zanchi, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions à fin d'annulation en tant qu'elles sont dirigées contre les courriers des 19 décembre 2018 et 10 janvier 2019, qui sont dépourvus de caractère décisoire, sont irrecevables ;
- les conclusions à fin d'annulation en tant qu'elles sont dirigées contre la décision du 15 février 2019 sont nouvelles en appel et, en conséquence, irrecevables ;
- le requérant n'a plus qualité, ni intérêt à solliciter sa réintégration, dès lors qu'il a présenté sa démission le 7 février 2020 et que cette démission a été acceptée par une décision de la directrice générale du centre national de gestion du 25 février 2020 devenue définitive ;
- les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour M. C....
Une note en délibéré, présentée pour M. C... par Me D..., a été enregistrée le 11 décembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... C... est praticien hospitalier. Il a été titularisé le 1er juillet 2002. Nommé par un arrêté du 1er décembre 2016 à temps plein au centre hospitalier de Romilly-sur-Seine, qui constitue l'un des établissements du groupement hospitalier Aube-Marne, il exerçait ses fonctions, depuis le 1er janvier 2017, au sein du service des urgences. Considérant que l'intéressé s'est trouvé en difficulté lors de la prise en charge de certains patients, le secrétaire général des hôpitaux Champagne Sud, par une décision du 19 juin 2018, l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire dans l'intérêt du service et lui a fait interdiction d'accéder aux locaux du groupement hospitalier Aube-Marne. En application de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, l'agence régionale de santé de la région Grand Est a saisi le conseil régional de l'ordre des médecins de Champagne-Ardenne. L'expertise réalisée le 15 octobre 2018 ayant conclu à l'absence de " critère d'incompétence professionnelle ", le conseil national de l'ordre des médecins, par une décision du 6 novembre 2018, a estimé qu'il n'existait pas d'éléments de nature à établir l'existence d'une insuffisance professionnelle de M. C... rendant dangereux l'exercice de sa profession. Par un courrier du 15 novembre 2018, la directrice générale du centre national de gestion a informé le directeur général du groupement hospitalier Aube-Marne qu'elle reprenait à son compte la décision du 6 novembre 2018. Faisant valoir que, en l'absence d'insuffisance professionnelle, aucun motif ne justifiait la mesure de suspension prise à son encontre, le requérant a sollicité, le 10 décembre 2018, sa réintégration sur son poste de médecin urgentiste au sein du centre hospitalier de Romilly-sur-Seine. Par une décision du 19 décembre 2018, le directeur délégué du groupement hospitalier Aube-Marne a refusé de faire droit à cette demande et a proposé à l'intéressé, soit une affectation en tant que médecin urgentiste au centre hospitalier de Troyes, soit un placement en recherche d'affectation auprès du centre national de gestion. Le 24 décembre 2018, M. C... a formé un recours gracieux, qui a été rejeté le 10 janvier 2019, cette nouvelle décision ajoutant aux propositions précédentes celle d'une affectation au sein du service de médecine polyvalente ou de gériatrie du groupement hospitalier Aube-Marne. Le 12 février 2019, le requérant a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation des décisions des 19 décembre 2018 et 10 janvier 2019. Il relève appel du jugement n° 1900311 du 9 juillet 2019, qui prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation en tant qu'elles se rapportent à la période allant du 19 juin 2018 au 25 février 2019 et rejette le surplus des conclusions de la demande.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense par le groupement hospitalier Aube-Marne :
2. Il ressort des pièces du dossier que, M. C... ayant présenté sa démission le 7 février 2020, la directrice générale du centre national de gestion, par une décision du 25 février 2020 devenue définitive, a prononcé sa radiation des cadres à compter du 1er avril 2020. Toutefois, contrairement aux allégations du groupement hospitalier Aube-Marne, de telles circonstances n'ont pas eu pour effet de rendre sans objet la présente requête. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense doit être écartée.
Sur les fins de non-recevoir opposées en défense par le groupement hospitalier Aube-Marne :
3. D'une part, M. C... n'a, devant le tribunal, demandé l'annulation que des 19 décembre 2018 et 10 janvier 2019 refusant de faire droit à ses demandes de réintégration sur son poste de médecin urgentiste au sein du centre hospitalier de Romilly-sur-Seine, et non, en outre, celle de la décision du 15 février 2019 l'affectant au service de médecine polyvalente à orientation gériatrique sur le site de Sézanne à compter du 25 février 2019. Cette dernière n'ayant ni pour objet ni pour effet de procéder au retrait des décisions des 19 décembre 2018 et 10 janvier 2019, M. C... n'est pas fondé à soutenir que ses conclusions à fin d'annulation doivent être regardées comme étant dirigées également contre elle. Au surplus, si le requérant a, dans instance distincte, contesté la décision du 15 février 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par une ordonnance n° 1900452 du 3 mai 2019, devenue définitive, lui a donné acte du désistement de cette demande. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de la requête, en tant qu'elles visent la décision du 15 février 2019, nouvelles en appel et au surplus dirigées contre une décision définitive, ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.
4. D'autre part, contrairement aux allégations de l'intimé, les courriers des 19 décembre 2018 et 10 janvier 2019, qui refusent de faire droit à la demande de réintégration de M. C... sur son poste, présentent un caractère décisoire et font grief à l'intéressé. Par suite, il y a lieu d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation dirigées contre ces courriers.
Sur la régularité du jugement :
5. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.
6. Les premiers juges ont décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. C... tendant à l'annulation des décisions des 19 décembre 2018 et 10 janvier 2019 en tant qu'elles refusent sa réintégration jusqu'au 25 février 2019, au motif que, en vertu d'un jugement distinct n° 1801685 du 12 mars 2019 ayant enjoint à l'administration de le réintégrer au service des urgences du centre hospitalier de Romilly-sur-Seine entre le 19 juin 2018 et le 25 février 2019, il avait obtenu, en cours d'instance, pour la période du 19 juin 2018 au 25 février 2019, la réintégration refusée par les décisions contestées. Toutefois, indépendamment de ces circonstances, dès lors que ces décisions n'ont pas été retirées, les conclusions de la demande tendant à leur annulation n'ont pu que conserver leur entier objet. C'est donc à tort que les premiers juges ont prononcé un tel non-lieu partiel et par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de régularité soulevés par le requérant, ce dernier est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué.
7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Sur la légalité des décisions contestées :
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par les décisions en litige des 19 décembre 2018 et 10 janvier 2020, le directeur délégué du groupement hospitalier Aube-Marne a refusé de faire droit à la demande de réintégration de M. C... au sein du service des urgences du centre hospitalier de Romilly-sur-Seine, tout en lui proposant une affectation en tant que médecin urgentiste au centre hospitalier de Troyes, un placement en recherche d'affectation auprès du centre national de gestion ou encore une affectation au sein du service de médecine polyvalente ou de gériatrie du groupement hospitalier Aube-Marne. Puis, par une nouvelle décision du 15 février 2019, devenue définitive, l'autorité administrative a décidé d'affecter le requérant au sein du service de médecine polyvalente à orientation gériatrique du site hospitalier de Sézanne à compter du 25 février suivant. Dans ces conditions, le groupement hospitalier Aube-Marne doit être regardé comme ayant accompli les diligences nécessaires pour permettre la réintégration effective de l'intéressé à l'issue de sa période de suspension. M. C... fait valoir que le refus de le réintégrer dans ses anciennes fonctions de médecin urgentiste au sein du centre hospitalier de Romilly-sur-Seine n'est pas justifié par l'intérêt du service, mais le rapport d'expertise du 15 octobre 2018, s'il exclut " le critère d'incompétence professionnelle ", relève néanmoins les difficultés de communication, d'assimilation et interprofessionnelles de l'intéressé et recommande un allègement de ses horaires de garde et un changement d'équipe. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. C... entretenait des relations conflictuelles avec sa cheffe de service et pouvait adopter un comportement inapproprié, tant à l'égard de ses collègues, que du personnel paramédical. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation, dont seraient entachées les décisions en litige des 19 décembre 2018 et 10 janvier 2019, ne peuvent être accueillis.
9. En deuxième lieu, si M. C... fait valoir que le refus de le réintégrer dans ses anciennes fonctions répond à une volonté de sa supérieure hiérarchique de l'évincer du service, ses allégations ne sont étayées par aucun élément probant. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.
10. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision du 15 février 2019 serait contraire aux dispositions du second alinéa de l'article R. 6152-5-1 du code de la santé publique ne peut qu'être écarté comme inopérant, dès lors que ces dispositions ne confèrent à l'agent concerné aucun droit à retrouver son poste à l'issue d'une période de suspension.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions des 19 octobre 2018, 10 janvier et 15 février 2019.
Sur les frais de justice :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1900311 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : La demande de première instance et le surplus des conclusions de la requête de M. A... sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées par le groupement hospitalier Aube-Marne en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour M. E... C... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au groupement hospitalier Aube-Marne.
N° 19NC02463 2