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03/12/2020 | FRANCE | N°19NC02304

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 décembre 2020, 19NC02304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1701093 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Besançon a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, respectivement enregistrés le 19 juillet 2019 e

t le 29 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1701093 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Besançon a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, respectivement enregistrés le 19 juillet 2019 et le 29 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement rendu le 23 mai 2019 ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme A... l'imposition déchargée en première instance ainsi que les pénalités correspondantes.

Il soutient que :

- la décision du 21 mars 2012 a produit tous les effets de l'agrément prévu à l'article 217 undecies du code général des impôts auquel renvoie l'article 199 undecies C du même code, par conséquent la décision du 12 novembre 2015 constitue le retrait de cet agrément ;

- c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a fait droit à la demande de décharge des requérants dès lors que la décision de retrait d'agrément n'était pas fondée sur le non-respect d'une des conditions prévues au 1 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts, ainsi l'administration n'avait l'obligation ni de saisir la commission consultative, ni d'ouvrir au contribuable la possibilité de saisir cet organisme ;

- la construction des logements, objet de la décision du 21 mars 2012, prévue par le premier alinéa du I de l'article 199 undecies C du code général des impôts et raison d'être du dispositif fiscal sous agrément, n'a pas été réalisée par la société Saint-Maurice IV ;

- la proposition de rectification est suffisamment motivée en droit et en fait et l'administration n'était pas tenue de communiquer spontanément les décisions du 21 mars 2012 et du 12 novembre 2015 ;

- les moyens tirés de ce que l'avis d'imposition ne mentionne, ni la proposition de rectification prévue à l'article L 57 du livre des procédures fiscales, ni la lettre récapitulant les conséquences financières du contrôle sont inopérants ; il en est de même du moyen tiré de ce que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales méconnaîtraient les droits et libertés que la Constitution garantit ;

- il se réfère à ses écritures antérieures en ce qui concerne les autres moyens soulevés en première instance.

Par un mémoire en défense et un mémoire en réplique, respectivement enregistrés le 23 avril 2020 et le 27 juillet 2020, M. et Mme A..., représentés par Me C... et Me B..., concluent au rejet de la requête, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure de rectification est irrégulière par voie de conséquence de l'irrégularité de la procédure de retrait d'agrément ;

- la décision du 12 novembre 2015 est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, la commission consultative prévue à l'article 217 undecies du code général des impôts devait être consultée ;

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration n'a pas joint à cette proposition la décision du 12 novembre 2015 et la jonction de cette décision à la réponse aux observations du contribuable ne couvre pas le défaut de motivation de la proposition ;

- l'avis d'imposition complémentaire devait mentionner la proposition de rectification et le document relatif aux conséquences financières des rectifications ;

- en ne prévoyant pas une obligation similaire à celle de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales pour les avis d'imposition complémentaires émis à la suite d'un contrôle sur pièces opéré selon la procédure de rectification contradictoire, le 2ème alinéa de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales est contraire au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garanti par la Constitution ;

- ils sont fondés à se prévaloir de la documentation administrative de base référencée BOI-REC-PART-10-10-10 du 12 septembre 2012 et notamment de son paragraphe 20 ;

- la décision du 12 novembre 2015 est entachée d'erreur de droit et n'est pas justifiée.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1405 du 18 novembre 2020,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont bénéficié au titre des revenus de l'année 2012 de la réduction d'impôt prévue par les dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts à raison de l'investissement auquel ils ont souscrit dans la société SAS Saint-Maurice IV en vue de la réalisation d'un programme immobilier de cinquante-six logements situé à Saint-Laurent du Maroni (Guyane), ZAC Saint-Maurice et dénommé " Saint-Maurice IV ". Le 25 novembre 2011, la société Alcyom, représentant notamment la société SaintMaurice IV, a déposé auprès du bureau des agréments et rescrits de l'administration fiscale un dossier intitulé " demande d'agrément fiscal loi Girardin - article 199 undecies C du CGI " à raison de l'acquisition en l'état de futur achèvement d'un programme immobilier dit " SaintMaurice IV ", composé de 56 logements, 89 emplacements de stationnement, de locaux commerciaux, d'un local commun résidentiel et situé à Saint-Laurent du Maroni, ZAC Saint-Maurice (Guyane) et destiné à être donné en location par la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Société immobilière de Guyane (Siguy) pour partie dans le secteur locatif social. Le 21 mars 2012, l'administration a accusé réception du dossier complet et a donné son accord de principe à l'opération. Cet investissement a reçu l'agrément ministériel prévu à l'article 217 undecies du code général des impôts par décision du 21 mars 2012. Par une proposition de rectification du 9 décembre 2015, établie selon la procédure contradictoire, l'administration fiscale a remis en cause la réduction d'impôt opérée par M. et Mme A... au titre de l'année 2012 en se fondant sur le motif que l'agrément ministériel accordé à la SAS Saint-Maurice IV en vue de cet investissement avait été retiré par une décision du 12 novembre 2015. Par une réclamation contentieuse du 20 février 2017, rejetée par l'administration le 25 avril 2017, M. et Mme A... ont sollicité le dégrèvement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012. Par un jugement du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Besançon a prononcé la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2012 ainsi que des pénalités correspondantes. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement.

Sur le motif de décharge retenu par le tribunal administratif de Besançon :

2. Aux termes de l'article 199 undecies C du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I.-Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison de l'acquisition ou de la construction de logements neufs dans les départements d'outre-mer (...) La réduction d'impôt est acquise (...) au titre des investissements réalisés par une société soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés dont les actions sont détenues intégralement et directement par des contribuables, personnes physiques, domiciliés en France au sens de l'article 4 B (...) En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société. L'application de cette disposition est subordonnée au respect des conditions suivantes : 1° Les investissements ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l'article 217 undecies (...) ". Le III de l'article 217 undecies du même code prévoit la délivrance d'un agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de l'outre-mer. Aux termes de ces dispositions : " 1. (...) L'agrément est délivré lorsque l'investissement : a) Présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé (...) b) Poursuit comme l'un de ses buts principaux la création ou le maintien d'emplois dans ce département ; c) S'intègre dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable ; d) Garantit la protection des investisseurs et des tiers. L'octroi de l'agrément est subordonné au respect par les bénéficiaires directs ou indirects de leurs obligations fiscales et sociales et à l'engagement pris par ces mêmes bénéficiaires que puissent être vérifiées sur place les modalités de réalisation et d'exploitation de l'investissement aidé. 2. L'agrément est tacite à défaut de réponse de l'administration dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande d'agrément. Ce délai est ramené à deux mois lorsque la décision est prise et notifiée par l'autorité compétente de l'Etat dans les départements d'outre-mer (...) ".

3. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit plus haut, la société Alcyom a présenté par courrier du 25 novembre 2011, pour le compte des actionnaires de la société Saint-Maurice IV, un dossier de demande de l'agrément prévu par les dispositions précitées au titre du programme d'investissements SaintMaurice IV. Il résulte de l'instruction et notamment du courrier que lui a adressé le ministre chargé du budget le 21 mars 2012 que, si ce courrier mentionne la nécessité de transmettre certaines pièces, son dossier a été estimé complet le 14 mars 2012, ce qui n'est pas contesté par l'administration. Dans ce courrier du 21 mars 2012, le ministre indique à la société qu'en l'état des renseignements dont il dispose et après consultation du ministre chargé de l'outre-mer, l'opération " est susceptible de bénéficier de l'aide fiscale dans la limite globale provisoire en base de 6 690 305 euros " et qu'"une décision d'agrément sera délivrée, le moment venu, à la SAS " Saint-Maurice IV ", au titre de la construction des 56 logements ". Ce courrier ne peut, au vu des termes dans lesquels il est rédigé, être regardé comme une décision de délivrance de l'agrément sollicité. Elle ne peut davantage être regardée comme une décision créatrice de droits dès lors notamment que seul un agrément peut ouvrir droit, en application de l'article 199 C du code général des impôts, à la réduction d'impôt prévue au bénéfice des actionnaires au titre de l'année de souscription des parts de la société. Toutefois, en l'absence de décision expresse dans le délai prévu par les dispositions précitées de l'article 217 undecies du code général des impôts, l'agrément sollicité peut être regardé comme ayant été tacitement délivré le 14 juin 2012, trois mois après réception de la demande complète. Le courrier du 21 mars 2012, qui ne constitue pas une réponse de l'administration à la demande d'agrément, ne fait pas obstacle à ce que la société soit considérée comme titulaire d'un agrément tacite à l'expiration du délai prévu par l'article 217 undecies du code général des impôts. Dans ces conditions, la décision contestée du 12 novembre 2015, qui ne porte pas refus d'agrément, peut s'analyser comme une décision de retrait de l'agrément délivré au titre de l'opération.

4. En deuxième lieu, d'une part, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.

5. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision dont la légalité est contestée s'analyse en un retrait de l'agrément délivré à raison de l'opération Saint-Maurice IV, qui est régi par les dispositions spécifiques de l'article 1649 nonies A du code général des impôts aux termes duquel : " 1. L'inexécution des engagements souscrits en vue d'obtenir un agrément administratif ou le non-respect des conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné entraîne le retrait de l'agrément, la déchéance des avantages fiscaux qui y sont attachés et l'exigibilité des impositions non acquittées du fait de celui-ci assorties de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, décompté de la date à laquelle ces impôts auraient dû être acquittés (...) ". Ces dispositions ne subordonnent le retrait d'un agrément à l'initiative de l'administration ni à une condition d'illégalité de la décision retirée, ni à une condition de délai. Les intéressés ne peuvent, dès lors, utilement invoquer la méconnaissance des règles rappelées au point 4 ci-dessus, aujourd'hui codifiées au code des relations entre le public et l'administration.

6. D'autre part, en application du 2 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts, lorsque l'administration envisage une décision de refus d'agrément, elle doit en informer le contribuable par un courrier qui interrompt le délai mentionné au premier alinéa et offre la possibilité au contribuable, s'il le sollicite, de saisir, dans un délai de quinze jours, une commission consultative. Dès lors que, comme il a été dit précédemment, la décision contestée constitue un retrait d'agrément et non un refus d'agrément, les intéressés ne peuvent utilement soutenir que la société Saint-Maurice IV n'a pas été mise à même de saisir la commission consultative prévue par ces dispositions préalablement au refus d'agrément qui lui aurait été opposé.

7. Enfin, aux termes de l'article 46 quaterdecies V de l'annexe III au code général des impôts : " La commission consultative prévue au deuxième alinéa du 2 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts rend un avis motivé au ministre chargé du budget sur le respect des conditions prévues au 1 du III de l'article 217 undecies précité. / En l'absence de demande de saisine de la commission consultative, un délai d'une durée identique à celle mentionnée au premier alinéa du 2 du III de l'article 217 undecies précité court à compter de l'expiration du délai de quinze jours. / (...) / Tout dossier pour lequel une demande d'agrément a été déposée après la date de promulgation de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer et qui est susceptible de faire l'objet d'une décision de retrait d'agrément doit également être transmis à la commission pour avis selon les mêmes modalités ". Ainsi qu'il a été dit précédemment, les conditions prévues au 1 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts concernent l'intérêt économique de l'investissement pour le département dans lequel il est réalisé, ses buts principaux qui doivent être la création ou le maintien d'emplois dans ce département, son intégration dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable et, enfin, la garantie de la protection des investisseurs et des tiers.

8. Il résulte des termes de la décision du 12 novembre 2015 qu'elle repose sur des motifs tenant au non-respect des dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts, à l'inexécution de plusieurs des engagements souscrits en vue d'obtenir l'agrément, au non-respect de plusieurs des conditions auxquels l'octroi de l'agrément a été subordonné et au non-respect par un des bénéficiaires directs de l'opération de défiscalisation de ses obligations fiscales. Aucun de ces motifs ne se rattache aux conditions énoncées au 1 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts. Par suite, l'absence de transmission du dossier à la commission consultative prévue par les dispositions précitées, chargée de donner son avis sur le respect de ces conditions, n'a en l'espèce ni été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise, ni privé les opérateurs concernés d'une garantie. Par suite, ce vice de procédure n'entache pas d'illégalité la décision contestée.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon, afin de prononcer la décharge de l'imposition contestée, a jugé que la décision du 12 novembre 2015 retirant à la SAS Saint-Maurice IV l'agrément prévu par le 1° du I de l'article 199 undecies C du code général des impôts était illégale car prise à l'issue d'une procédure irrégulière.

10. Toutefois il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A... en appel et devant le tribunal administratif.

Sur les autres moyens soulevés par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Besançon et en appel :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L 57 du LPF : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

12. Il ressort de la proposition de rectification du 9 décembre 2015 que le service, après avoir fait mention de l'impôt concerné, des années d'imposition et de la base des rectifications, a indiqué aux requérants, comme fondement de la remise en cause de la réduction d'impôt litigieuse, que l'agrément accordé à la SAS Saint-Maurice IV lui avait été retiré, par la décision du 12 novembre 2015, aux motifs d'un non-respect des dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts, de l'inexécution de plusieurs engagements souscrits en vue d'obtenir l'agrément, du non-respect de plusieurs des conditions d'octroi de l'agrément et du non-respect par un des bénéficiaires directs de l'agrément de ses obligations fiscales. Par ces indications, le service a mis à même les intéressés de présenter utilement leurs observations ou d'accepter les rectifications proposées en toute connaissance de cause. Par suite, en dépit de ce que la copie de cette décision de retrait n'a été adressée aux contribuables qu'au stade de la réponse à leurs observations, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que la proposition de rectification du 9 décembre 2015 était insuffisamment motivée.

13. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'avis d'imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement ". Aux termes du troisième alinéa de l'article R. 256-1 de ce livre : " Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ".

14. Dans le cadre d'un contentieux d'assiette, les irrégularités dont sont, le cas échéant, entachés les avis relatifs aux impositions recouvrées par voie de rôle sont sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de l'impôt. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis d'imposition complémentaire ne fait pas référence à la proposition de rectification, ni au document récapitulant les conséquences financières de la rectification doit être écarté comme inopérant.

15. En troisième lieu, en vertu de l'article R. 771-3 du code de justice administrative, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être soulevé, conformément à l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, dans un mémoire distinct et motivé. Par suite, en l'absence d'un tel mémoire, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales précitées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité devant les charges publiques garantis par la Constitution est irrecevable et ne peut qu'être écarté.

16. En dernier lieu, M. et Mme A... ne peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de documentations administratives qui, traitant de questions relatives à la procédure d'imposition, ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens de cet article.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

17. En application des termes rappelés au point 5 de l'article 1649 nonies A du code général des impôts, l'inexécution des engagements souscrits en vue d'obtenir un agrément administratif ou le non-respect des conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné entraîne le retrait de l'agrément.

18. Pour procéder au retrait de l'agrément concernant l'opération portée par la société Saint-Maurice IV, l'administration, dans sa décision du 12 novembre 2015, a notamment exposé que les engagements pris concernant la réalisation des logements qui faisaient l'objet du programme n'avaient pas été respectés et que la société Siguy, bénéficiaire de la partie rétrocédée de la réduction d'impôt, conformément aux dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts, n'avait pas rempli ses obligations fiscales en l'absence de dépôt de ses déclarations de résultats concernant les exercices clos en 2013 et 2014.

19. D'une part, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., l'administration, en relevant ces manquements, n'a pas ajouté à la loi dès lors que le non-respect des engagements pris en vue d'obtenir l'agrément est au nombre des motifs qui justifient le retrait de l'agrément en application des dispositions rappelées ci-dessus de l'article 1649 nonies A du code général des impôts et que le respect des obligations fiscales des bénéficiaires directs ou indirects de l'opération conditionne, aux termes de l'article 217 undecies du code général des impôts, la délivrance de l'agrément et, par suite, son maintien.

20. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du dossier de demande d'agrément et du courrier du 21 mars 2012 par lequel l'administration a donné son accord de principe à l'opération projetée par la société Saint-Maurice IV, dont les actionnaires devaient bénéficier de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts, que cette opération consistait dans l'acquisition par la société Saint-Maurice IV, en l'état de futur achèvement, d'un ensemble de logements destinés au parc locatif social et que, dans les six mois de l'achèvement de la construction, la société Saint-Maurice IV devait donner les immeubles en crédit-bail pour une durée de 11 ans à la société Siguy, laquelle devait donner les logements en sous-location dans le secteur social pour une durée minimale de 5 ans. Il résulte également de l'instruction et notamment du dossier de demande d'agrément, que l'achèvement des travaux de ce programme immobilier devait intervenir au cours du 3ème trimestre de l'année 2013 pour une mise en sous-location des logements dans les six mois de l'achèvement des travaux. Il est constant qu'au 12 novembre 2015, date de la décision contestée, le programme immobilier projeté n'était pas réalisé et que les travaux n'avaient pas même commencé. Il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas allégué que le retard considérable pris dans la réalisation du programme résulterait de circonstances temporaires ni qu'à la date de la décision contestée, des éléments auraient permis de penser que les travaux étaient susceptibles d'être entrepris dans un délai raisonnable. Il résulte au contraire de l'instruction que les difficultés financières de la société Siguy rendaient peu vraisemblable la réalisation de l'opération agréée. Dans ces conditions, et alors même que les textes ne prévoient pas de délai de réalisation des programmes d'investissement visés par l'article 199 undecies C du code général des impôts, et quand bien même l'administration devrait être regardée comme ayant eu connaissance des difficultés de démarrage de l'opération lors d'une réunion du 27 novembre 2014, le ministre n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait ni méconnu les dispositions de l'article 1649 nonies A du code général des impôts en estimant que les opérateurs concernés n'avaient pas respecté les engagements de réalisation de l'investissement pris en vue d'obtenir l'agrément.

21. Enfin, il est constant que la société Siguy a déposé ses déclarations de résultats au titre des exercices clos en 2013 et 2014 au mois d'août 2015, soit postérieurement au courrier adressé par l'administration fiscale à la société Saint-Maurice IV le 31 juillet 2015 pour l'avertir des motifs pouvant conduire à un retrait d'agrément, alors qu'elles auraient dû l'être aux mois de mai 2014 et mai 2015. Ce retard constitue un manquement aux obligations fiscales de l'opérateur, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A....

22. Il résulte de ce qui a été dit aux points 17 à 21 ci-dessus, et en admettant l'agrément tacitement délivré, que les motifs tirés de la non-réalisation de l'investissement aidé et du non-respect par la société Siguy de ses obligations fiscales justifiaient, à eux-seuls, le retrait de l'agrément délivré, lequel a ouvert droit, conformément à l'article 199 undecies C du code général des impôts, dès la souscription par eux en 2012 des parts de la société, à la réduction d'impôt prévue au bénéfice des actionnaires de la société Saint-Maurice IV. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'administration, qui qualifie elle-même dans ses écritures de " surabondants " les autres motifs exposés dans la décision du 12 novembre 2015, aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur ces motifs. Dans ces conditions, à supposer que les autres motifs de la décision soient entachés d'erreurs de droit ou de fait, ces erreurs ne sont pas de nature à entacher d'illégalité cette décision.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Besançon a déchargé M. et Mme A..., en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et à en demander l'annulation sur ce point. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler l'article 1er dudit jugement. Il s'ensuit également que la demande de M. et Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Besançon doit être rejetée et que les impositions et pénalités dont le tribunal a prononcé la décharge doivent être remises à leur charge.

Sur les frais liés à l'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme A... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1701093 du tribunal administratif de Besançon du 23 mai 2019 est annulé.

Article 2 : La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2012 ainsi que les pénalités correspondantes, dont le tribunal administratif a prononcé la décharge, sont remises à leur charge.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme A... devant la cour sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... A... ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 19NC02304


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-03-03-01 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxes foncières. Taxe foncière sur les propriétés bâties.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : ERNST et YOUNG, SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 03/12/2020
Date de l'import : 18/12/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19NC02304
Numéro NOR : CETATEXT000042622726 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-03;19nc02304 ?
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