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12/11/2020 | FRANCE | N°19NC01802

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 12 novembre 2020, 19NC01802


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales laissés à sa charge au titre des années 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1800758 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juin 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annule

r ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales laissés à sa charge au titre des années 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1800758 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juin 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration n'a pas rapporté la preuve, qui lui incombe, de ce qu'il se serait livré à une activité occulte de vente de métaux de sorte que la procédure d'évaluation d'office est irrégulière et les impositions mal-fondées ; en tout état de cause, ayant déposé ses déclarations dans le délai de trente jours de la mise en demeure, l'administration ne pouvait avoir recours à la procédure de taxation d'office et ne pouvait en outre s'affranchir des règles relatives à la prescription du délai de reprise ;

- l'administration n'a pas rapporté la preuve qu'il aurait utilisé à titre personnel le véhicule Ferrari détenu par la société Sidermat laquelle exerce au demeurant une activité de négoce et location de véhicules.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Sidermat dont il est le gérant, M. C... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ayant concerné les années 2012 et 2013. A la suite de deux propositions de rectification des 15 décembre 2015 et 14 mars 2016, le service a entrepris d'imposer, notamment, d'une part, sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, l'avantage en nature correspondant à la mise à disposition à titre privé d'un véhicule Ferrari par la société Sidermat, d'autre part, selon la procédure d'évaluation d'office, les bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2012 et 2013 issus d'une activité occulte de ventes de métaux de récupération. Par une proposition de rectification du 16 septembre 2016, le service a également procédé au rehaussement des bénéfices industriels et commerciaux correspondant à cette activité occulte au titre des années 2011, 2014 et 2015. Les impositions supplémentaires ayant été mises en recouvrement le 31 janvier 2017, M. C... a adressé à l'administration fiscale une réclamation préalable laquelle a fait l'objet d'une décision d'admission partielle du 21 novembre 2017. Par le jugement attaqué du 4 avril 2019, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge en droits et pénalités de ces impositions.

Sur la mise à disposition d'un véhicule de marque Ferrari :

2. Aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : " Les contribuables visés à l'article 53 A sont tenus de fournir, en même temps que la déclaration des résultats de chaque exercice, un état comportant l'indication de l'affectation de chacune des voitures de tourisme ayant figuré à leur actif ou dont l'entreprise a assumé les frais au cours de cet exercice. / Ces mêmes contribuables doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel. ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) c) les rémunérations et avantages occultes (...) ". Il résulte de ces dispositions que doivent être imposées comme avantages occultes mentionnés au c de l'article 111 précité les dépenses effectivement exposées et concourant au financement d'un avantage en nature qui n'a pas été explicitement inscrit en comptabilité, en méconnaissance des dispositions de l'article 54 bis du même code.

3. L'administration a estimé que la SARL Sidermat avait, au cours des années 2012 et 2013, mis à disposition de M. C... à titre gratuit pour ses besoins personnels un véhicule automobile de tourisme de marque Ferrari qu'elle prenait en crédit-bail. M. C... ayant refusé le redressement qui lui a été notifié selon la procédure contradictoire, la charge de la preuve de l'existence de cet avantage occulte, de sa valeur et de l'identité du bénéficiaire incombe à l'administration.

4. En se bornant à constater la prise en crédit-bail par la SARL Sidermat d'un véhicule Ferrari et en soutenant qu'un véhicule de tourisme de ce type doit être présumé avoir été utilisé à titre personnel, l'administration n'établit pas que ce véhicule a été mis à la disposition de M. C... pour ses besoins personnels tandis que ce dernier justifie de son côté, par les pièces qu'il produit, que ce véhicule, au kilométrage très réduit au moment de sa revente, a été utilisé à des fins promotionnelle par la société dont il était le dirigeant. Dans ces conditions, M. C... est fondé à demander la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des majorations qui lui ont été assignés en conséquence de la réintégration dans ses revenus de capitaux mobiliers des sommes de 2 940 euros et 19 110 euros au titre des années 2013 et 2012, respectivement.

Sur l'exercice d'une activité de ventes de métaux par M. C... :

En ce qui concerne le principe de l'imposition :

5. Il ressort des documents recueillis par l'administration fiscale auprès des autorités belges dans le cadre de l'assistance administrative internationale que M. C... était identifié comme fournisseur de métaux et ferrailles de récupération dans la comptabilité de la société belge STD Lux au cours des années 2011 à 2016 pour le compte de laquelle il a effectué en Belgique des livraisons lesquelles sont retracées sur des bons de pesées du pont bascule de cette société, ces bons, faisant apparaître l'identité et l'adresse en France du requérant ainsi que son numéro de compte fournisseur, étant signés de la main de l'intéressé. Les autorités belges ont également transmis à leurs homologues françaises le relevé des ventes effectuées par l'intéressé, issu de son compte fournisseur dans la comptabilité de la société STD Lux, se présentant sous la forme d'un dossier de tableur et retraçant les dates des livraisons, leur nature, leur poids ainsi que le prix dont le règlement s'effectuait en espèces selon les déclarations du dirigeant de la société. Ces éléments sont de nature à établir l'exercice par M. C... d'une activité de ventes de métaux imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2011 à 2016.

6. Afin de combattre ces éléments de preuve réunis par l'administration, M. C... soutient d'abord, qu'il n'a pu matériellement effectuer les livraisons qui lui sont imputées dès lors qu'il ne détient pas le permis poids-lourd, qu'il se trouvait en France à certaines des dates relevées et que son identité et sa signature ont été usurpées. Toutefois, aucun des éléments retracés ci-dessus n'implique nécessairement que M. C... ait été le chauffeur du véhicule de livraison tandis que la proximité du siège de la société Sidermat avec celui de la société BST Lux ne fait pas obstacle à ce que l'intéressé puisse remplir plusieurs obligations le même jour et même réaliser plusieurs livraisons. Enfin, aucun élément n'est produit de nature à démontrer l'existence d'une usurpation d'identité, M. C... ne soutenant pas avoir déposé une plainte à ce titre.

7. Si M. C... soutient que le relevé des ventes effectuées est dépourvu de valeur probante à raison du code d'erreur " code erreur 508 " apparaissant en pied de la dernière page du relevé informatique des livraisons effectuées, une telle anomalie qui n'affecte que les sous-totaux de chaque page, n'est pas de nature à remettre en cause les autres éléments de preuve réunis par le service, ni même l'indication des livraisons effectuées par l'intéressé lesquelles sont corroborées par les bons de pesées.

8. Il résulte de ce qui précède que l'administration établit que M. C... a exercé au cours des années 2011 à 2016 une activité imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux pour laquelle il ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalité des entreprises ou d'un service des impôts et n'a pas souscrit de déclarations dans les délais légaux.

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

9. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : "Peuvent être évalués d'office :/1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...)/ Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". Aux termes de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales : "La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...)/ Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure :/ (...)3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 ". Il résulte de ces dispositions que l'administration n'est pas tenue d'adresser la mise en demeure prévue au premier alinéa de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales à un contribuable qui ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce. Néanmoins, elle peut décider, sans y être tenue, d'adresser une mise en demeure à un contribuable dans cette situation. Cet envoi ne constitue pas, dans cette hypothèse, une garantie pour ce contribuable. Dans un tel cas, ni le premier alinéa de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, ni, par voie de conséquence, la procédure de régularisation mentionnée au 2° de l'article L. 66 du même livre ne sont applicables.

10. Si M. C... soutient avoir régularisé sa situation au titre des années 2011 à 2015 en déposant au titre de ces années des déclarations de résultats faisant état d'un bénéfice égal à zéro dans les trente jours de la mise en demeure du 16 mars 2016, une telle circonstance est sans influence sur sa situation d'évaluation d'office en vertu des règles ci-dessus rappelées. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'évaluation d'office dont il a fait l'objet serait irrégulière.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant de la prescription du droit de reprise :

11. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : "Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due./Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite./Le droit de reprise mentionné au deuxième alinéa ne s'applique qu'aux seules catégories de revenus que le contribuable n'a pas fait figurer dans une quelconque des déclarations qu'il a déposées dans le délai légal. Il ne s'applique pas lorsque des revenus ou plus-values ont été déclarés dans une catégorie autre que celle dans laquelle ils doivent être imposés".

12. Si M. C... soutient que le dépôt dans les trente jours de la mise en demeure du 16 mars 2016 de déclarations néant au titre des années 2011 à 2015 fait obstacle à ce que l'administration puisse exercer son droit de reprise au-delà du délai prévu au premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, ci-dessus reproduit, il résulte des dispositions du dernier alinéa du même article que seul le dépôt dans le délai légal des déclarations correspondant à l'activité exercée est de nature à faire obstacle à l'extension du délai de reprise prévu par le deuxième alinéa de l'article et non pas celui consécutif à une mise en demeure. Par suite, le moyen invoqué de ce chef par M. C..., lequel ne pourrait concerner au demeurant que l'année 2011, sera écarté.

S'agissant des montants des bénéfices évalués d'office :

13. Les bénéfices industriels et commerciaux de M. C... ayant été régulièrement évalués d'office, ainsi qu'il résulte du point 10 ci-dessus, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions lui incombe en vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales.

14. Afin de contester les montants des bénéfices évalués d'office, M. C..., qui ne dispose pas d'une comptabilité régulière et probante et n'invoque pas une méthode plus précise et complète que celle utilisée par le service, fondée sur les ventes retracées dans les fichiers tableur émanant de la société BST Lux, se borne à soutenir que ces documents ne sont pas probants. Il résulte cependant de ce qui a été dit au point 7 ci-dessus que ces documents sont au contraire de nature à établir la date, la nature et le prix des livraisons effectuées par l'intéressé. Par suite, M. C... ne rapporte pas la preuve du mal-fondé de l'évaluation de ses bénéfices effectuée par l'administration.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en tant qu'elle concernait les revenus de capitaux mobiliers des années 2012 et 2013.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à titre principal dans la présente instance, verse une somme à M. C... au titre des frais exposés par lui.

D E C I D E :

Article 1er : Il est déduit des revenus de capitaux mobiliers imposables de M. C... au titre des années 2012 et 2013 les sommes de 2 940 euros et 19 110 euros, respectivement.

Article 2 : M. C... est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des majorations qui lui ont été assignés au titre des années 2012 et 2013 dans la mesure de la réduction de base prononcée à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1800758 du 4 avril 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 19NC01802 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01802
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-06-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Établissement de l'impôt. Bénéfice réel. Rectification et taxation d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS BERTAUD - CALLET - FILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-12;19nc01802 ?
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