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12/11/2020 | FRANCE | N°18NC03240

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 12 novembre 2020, 18NC03240


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Strasbourg, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1605723 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enr

egistrée le 30 novembre 2018, M. D... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Strasbourg, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1605723 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2018, M. D... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'administration lui a fait subir les conséquences du comportement du nouveau gérant à la date de la vérification de la comptabilité de la société, dont il était le gérant l'année en litige ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

- l'administration ne pouvait pas arrêter d'office le résultat imposable et le montant des revenus distribués sans prendre son attache alors qu'il était le gérant de la société au cours de l'année 2010 ; il subit les conséquences du comportement du nouveau gérant qui a cessé toute activité et n'a pas déposé de déclarations de résultat ;

- l'administration ne pouvait imposer les bénéfices distribués sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts mais seulement sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 ; l'administration n'établit pas dans ce contexte qu'elle a engagé une procédure de vérification de comptabilité de la SARL Paint shop avant d'imposer entre ses mains les revenus distribués ;

- le 2° du 1 de l'article 109 n'est pas applicable dès lors que l'exercice n'était pas déficitaire ;

- la reconstitution du chiffre d'affaire est excessivement sommaire ; les pièces qu'il produit démontrent que la reconstitution de l'administration est erronée ;

- l'administration n'établit pas l'appréhension des revenus distribués par M. B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par lettre du 1er septembre 2020, la cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'administration a, à tort, fait application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du CGI pour l'établissement des contributions sociales assises sur les revenus considérés comme distribués (cf. Conseil constitutionnel décisions n° 2017-650 QPC du 10 février 2017 et n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017).

Par un mémoire et des pièces en réponse au moyen relevé d'office enregistrés les 3 et 4 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics a informé la cour du prononcé d'un dégrèvement partiel.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Paint shop, qui avait opté le 11 janvier 2010 pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés et dont il était le gérant et associé unique du 2 novembre 2009 au 10 mars 2011, M. B... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal au titre de l'année 2010. L'administration a considéré que le bénéfice évalué d'office à 98 109 euros était un revenu distribué au profit de M. B.... Par une proposition de rectification du 5 septembre 2012, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, au titre de l'année 2010. M. B... relève appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 3 septembre 2020, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a prononcé, au bénéfice de M. B..., des dégrèvements à concurrence de 4 404 euros en droits et en pénalités au titre de l'année 2010. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement :

3. En jugeant que M. B... ne pouvait utilement se plaindre de ne pas être le destinataire des documents adressés par l'administration dès lors qu'il n'est plus le gérant de la société, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés, ont ce faisant nécessairement écarté le moyen tiré de ce que l'administration n'a ni informé ni pris l'attache de l'intéressé durant la vérification de comptabilité de la SARL Paint shop. Le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'un défaut de réponse à ce moyen.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, la régularité de la procédure d'imposition d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés est par elle-même sans influence sur l'imposition du dirigeant ou de l'associé de cette société à l'impôt sur le revenu, alors même qu'il s'agirait d'un excédent de distribution révélé par un redressement des bases de l'impôt sur les sociétés que l'administration entend imposer à l'impôt sur le revenu entre les mains du bénéficiaire. Il suit de là que M. B... ne saurait utilement se prévaloir de ce que l'administration a évalué d'office le résultat imposable de cette société sans prendre son attache en sa qualité de gérant au titre de la période vérifiée. Cette circonstance, à la supposer même établie, tenant à l'irrégularité de la procédure d'établissement du supplément d'impôt sur les sociétés assigné à la SARL Paint shop est inopérante pour obtenir la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel M. B... a été assujetti.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit désigner l'impôt concerné, l'année d'imposition, la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

6. Lorsque, à la suite d'une vérification de comptabilité d'une société passible de l'impôt sur les sociétés, des revenus réintégrés au résultat imposable de la société sont regardés comme distribués entre les mains d'un tiers et que l'administration entend imposer le bénéficiaire des distributions sur le fondement de l'article 109 du code général des impôts, il lui appartient d'informer ce dernier des motifs du redressement notifié à la société, dont procède le redressement notifié à son égard, afin de lui permettre, le cas échéant, d'en contester utilement le bien-fondé.

7. D'une part, la proposition de rectification du 5 septembre 2012 adressée à M. B... précise les conditions dans lesquelles s'est déroulée la procédure de contrôle engagée à l'encontre de la SARL Paint Shop, détaille les éléments de la reconstitution de son résultat imposable et en tire les conséquences en imposant entre les mains de M. B... les revenus distribués correspondant. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été informé de l'existence d'une procédure de rectification menée à l'encontre de la SARL Paint Shop.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 5 septembre 2012 précise, comme il vient d'être dit, la méthode de reconstitution du bénéfice de la SARL Paint Shop dont M. B... était le gérant et associé unique. L'administration justifie de l'imposition de ce bénéfice entre les mains de l'intéressé en opposant à ce dernier sa qualité de maître de l'affaire. La circonstance que la proposition de rectification mentionne les 1° et 2° de l'article 109-1 du code général des impôts ainsi que l'article 111, c du même code n'affecte pas la régularité de sa motivation au sens de l'article L. 57 précité, le contribuable ayant été mis à même d'engager valablement une discussion avec l'administration sur les redressements litigieux.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

9. En premier lieu, comme il a été dit au point précédent, l'administration a visé, dans la proposition de rectification du 5 septembre 2012, les dispositions des articles 111, c et 109-1-2° du code général des impôts. Cependant, en ayant recours à la présomption de distribution attachée à la qualité de maître de l'affaire, elle a entendu se fonder sur l'article 109-1-1° du même code, comme le reconnaît le requérant lui-même dans ses écritures.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 5 septembre 2012, que faute de dépôt de déclaration de résultat par la SARL Paint shop au titre de l'année 2010 et à défaut de pouvoir s'appuyer sur des documents comptables, l'administration a reconstitué le résultat imposable de la société à partir des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée déposées en décembre 2009 et globalement pour l'année 2010. Le service a déduit du chiffre d'affaires calculé hors taxe un montant forfaitaire de 73 % correspondant aux charges de la société. Le bénéfice ainsi reconstitué à hauteur de 98 109 euros a été imposé entre les mains de M. B... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, après l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du code général des impôts. M. B... soutient que la méthode de reconstitution est excessivement sommaire, l'administration ayant notamment minoré le montant des charges de la SARL Paint shop.

11. D'une part, eu égard aux éléments dont disposait le vérificateur lors des opérations de vérification, la méthode appliquée par le vérificateur n'est pas excessivement sommaire. D'autre part, M. B... se borne à produire quelques factures d'achats de fournitures réalisés par la SARL Paint shop au cours de l'année 2010 pour un montant total de 12 252, 50 euros. Par conséquent, il ne justifie pas de la réalité du montant des charges dont il se prévaut qui s'élèverait selon lui à 330 300 euros. En outre, si M. B... soutient que la SARL Paint shop a également supporté des charges relatives au versement d'une rémunération à son bénéfice en tant que salarié de l'entreprise, il n'apporte aucun élément en attestant. Pour sa part, l'administration n'a pas eu connaissance durant la vérification de comptabilité de l'existence de personnel salarié au sein de la SARL Paint shop. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la méthode de l'administration aboutirait à un résultat imposable de la SARL Paint shop manifestement excessif.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts, " 1. Sont considérés comme revenus distribués :/1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

13. L'administration fiscale établit que M. B... était le seul maître de l'affaire dès lors que l'intéressé était le gérant et l'associé unique de la SARL Paint shop jusqu'à la cession de ses parts sociales le 10 mars 2011. Il s'ensuit que l'intéressé disposait seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société. Par conséquent, M. B... est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôlait. Sont sans incidence les circonstances qu'il n'avait plus la qualité de gérant lors de l'établissement des déclarations de résultats de l'exercice 2010 et que l'administration ne l'a pas rencontré lors de la vérification de la comptabilité de la société.

14. En dernier lieu, les énonciations de la documentation administrative 4J-1121 n°16 et 17 du 1er novembre 1995, qui commentent l'application des dispositions de l'article 109 du code général des impôts, ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui a été mentionnée précédemment et ne peuvent, par suite, être invoquées sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de sa demande concernant les impositions restant en litige.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de décharge de la requête de M. B... à concurrence des dégrèvements susmentionnés prononcés à hauteur de 4 404 euros au titre de l'année 2010.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 18NC03240


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03240
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : FERNER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-12;18nc03240 ?
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